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Cette terre promise - Eric Maria Remarque
mardi 10 octobre 2017 par Meleze

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Stock Paris 2017

Ce commentaire de livre pourrait porter le titre suivant : « Vivre parmi les Juifs sans être Juif soi-même ».

Il s’agit à la base d’un roman inachevé publié en allemand en 1998 par autorisation de la femme de Remarque qui était l’actrice américaine Paulette Godard, roman qui n’a été traduit en français que cette année et qui a pour trame les années d’émigration de Remarque. Pendant ces années-là il suit la voie ouverte par les Juifs de son pays et c’est pourquoi le sujet du livre est aussi « Vivre parmi les Juifs sans être Juif soi-même. »

Aux USA le héros s’appelle Ludwig Sommer. Sont décrits trois mois qu’il va vivre en 1944 à New-York. Il est arrivé par bateau depuis Lisbonne. Il a connu un camp de concentration en Allemagne puis ayant rejoint la France il avait été enfermé à nouveau. Heureusement un de ses copains très audacieux qui utilise une voiture immatriculée dans le corps diplomatique l’enlève et le fait passer avec lui la frontière espagnole.

Les deux copains sont arrivés séparément à New-York. Le livre « cette terre » raconte leur retrouvaille en construisant un dialogue entre eux Hirsch et Sommer. L’un est juif et l’autre ne l’est pas. Ils appellent la route suivie par les Allemands en fuite du nazisme, juifs ou pas, la « via dolorosa » et ils ont un problème c’est qu’à la fin 1944 la via dolorosa s’ouvre à nouveau mais à l’envers c’est-à-dire que s’ouvre la possibilité de retourner en Allemagne. Faut-il le faire dans cette Amérique immense pleine d’histoires d’amour, de cinéma et d’oubli ?

Pour Hirsch oui ! Pour Sommer il n’en est pas question ! À intervalle régulier soit par les mots qu’il entend, soit par les rêves qu’il fait le rappelle la dictature de sa mémoire qui n’accepte pas que les faits qui ont été vécus soient transformés en histoire d’anciens combattants, en anecdotes, en aventures.

- Premier aspect des choses : l’alliance entre l’Allemagne et l’Amérique. Elle est dépeinte par le jeu d’un amour noué sur le sol américain. Ce sont autant d’occasions de se représenter l’Amérique soit comme un pays fasciste qui a interné lui aussi les Allemands et les Japonais dans des camps, et qui est maintenant prêt à se dresser sur ses ergots face à la Russie, soit au contraire en terre d’accueil au sein de laquelle sa maîtresse montre à Ludwig Sommer la voie de l’intégration à commencer par l’apprentissage d’un bon anglais.

- Le deuxième aspect c’est que le héros du livre comme son auteur ne sont pas Juifs. Ils ont eu la facilité de se dissoudre dans un pays où la communauté juive est plus grande qu’en Israël et dans New-York la plus grosse ville juive du monde. Ils sont les premiers. Mais après Remarque et son héros Sommer, l’assimilation à la condition juive est devenue un fait permanent chez beaucoup de gens dans la 2° moitié du 20°siècle. La persécution dont les Juifs avaient été victimes s’était retournée en une manifestation de pouvoir. Ils avaient créé une envie, une séduction comme on peut la constater entre les deux personnages du livre au point que Sommer n’ose plus démentir son appartenance. Il lui faudrait se mettre nu en public pour revenir à la constatation de la non-circoncision. Ça lui aurait clarifié les idées.

- Le 3° aspect c’est le marché de l’art. Sommer survit à New-York grâce à sa rencontre avec un marchand d’art. Cet emploi permet à l’auteur de réfléchir à la place de la peinture et de trouver au fur et à mesure des conversations qui concernent l’art et son marché le ciment de l’objectivité qui divise l’Amérique en deux, amie mais fasciste, exactement comme le racontent les récits des prisonniers des camps où les condamnés ont parfois, pu être sauvé par leurs qualités de pianiste ou de peintre.

Tout cela est écrit dans un style assez ancien. Le livre de Remarque n’a pas l’ampleur des souvenirs de Klaus Mann. Les dialogues, parfois sans queue ni tête, ressemblent à ceux des alcooliques dans Dos Passos ou Malcolm Lowry.

En revanche on sera étonné de la modernité du livre à l’heure où l’Amérique a recommencé à poursuivre les immigrants. Ellis Island n’est plus un musée mais un endroit qu’il faut à tout prix éviter. L’Amérique a intégré de nombreux aspects de la folie d’Hitler qui sont très bien mis en avant dans ce livre justement grâce aux conversations sur l’art. Par son mariage avec une Américaine, l’écrivain allemand, renforce encore l’étude de ce thème qu’est l’exil d’un antinazi aux États Unis. Ainsi l’alliance des États-Unis avec l’Allemagne fut dominante pendant plus de 50 ans et c’est au moment où elle vacille que ce livre ressort pour nous montrer qu’il n’y a pas dans ce rapprochement historique, une fatalité éternelle. L’Europe au contraire pourrait maintenant dans certaines circonstances se retrouver l’ennemi de l’Amérique.

Mélèze



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