vendredi 27 avril 2018 par Meleze
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E. M.Forster
Howards end. Penguin Classic New York 2000 (introduction de David Lodge)
première édition Edward Arnold 1910
La maison
Ce livre m’a plu parce qu’il repose sur l’amour d’une maison. Il me semble que ce thème est très rare dans la littérature. Le nom de Howards End est devenu mythique, ni parce que c’est un rêve britannique ni parce que la maison est extraordinaire ni parce que l’anglais est la langue monde. À la lecture on parierait plutôt sur le mot END. C’est ce qu’on peut obtenir à la fin de sa vie. La maison on ne la voit que deux fois dans le livre. Au cours de sa première visite l’héroïne la voit sous la pluie. Et c’est seulement dans la 2°visite tout à la fin de l’histoire (par ailleurs très alambiquée de telle sorte que très peu de lecteurs seront arrivés au bout) que Forster se lâche et se révèle en véritable poète.
L’héroïne est allemande
Ce détail n’est pas sans complexifier considérablement l’histoire et la façon dont elle est exposée. À vrai dire l’histoire est à l’image de ce que les Anglais présentent de leurs maisons, de véritables fouillis. Il y a deux sœurs, deux histoires d’amour, et la séparation, liée a l’assassinat de l’amant d’Hélène. En 1910 est-ce l’annonce de la séparation inévitable, entre l’Angleterre et l’Allemagne ? Margaret s’installe à Howards End tandis qu’Hélène repart en Allemagne. S’agit-il d’une prémonition de Forster ? La chose n’a jamais été écrite. Le livre ne fait pas partie du corpus de ce qu’on étudie dans les prémisses de la Première Guerre mondiale. C’est l’erreur que nous voulons réparer. L’héroïne est allemande ce n’est pas par hasard. C’est un fait d’écriture sur lequel M.Roland Barthes ne s’est jamais penché. Choisir la nationalité de son héros n’est jamais un phénomène neutre.
La discussion morale
Ici nous conseillons vivement à celui qui voudrait relire Howards End de se reporter à l’édition classique Penguin qui est introduite par David Lodge. Sur l’exposé de la controverse morale qui traverse tout le livre dans plusieurs chapitres, elle est irremplaçable. Il s’agit de savoir ce que les hommes qui ont transformé l’Angleterre par leur aventure industrielle vont faire de leur argent. Ce problème qui date de la révolution industrielle n’est toujours pas résolu deux siècles plus tard. Lodge a tout à fait raison sur l’actualité de Forster. Les ministres Cameron puis May sont les représentants d’un égoïsme national qui dirige le pays le plus inégalitaire du monde. Forster voit dans la morale allemande une voie de recours au pillage que l’Angleterre a entrepris de faire subir à ses colonies. L’argent, la richesse, l’inégalité, ne viennent pas de nulle part. La discussion morale se complique alors un peu plus du fait que l’Angleterre a gagné la guerre et que l’Allemagne l’a perdu ce qui est le contraire de ce que suppose Forster puisque l’égoïsme l’emporte sur le souci du social.
Un livre auquel le cinéma a nui
En effet, ce livre, on le lit sans doute moins souvent parce que l’adaptation qui en a été faite par James Ivory avec de très grands acteurs tels que Hopkins et Thomson, fait prévaloir les personnages avec leurs jeux de scènes sur la discussion morale. Le livre est parfois ennuyeux (il ne faut pas avoir honte de parler de l’ennui en face de la critique officielle qui ne mentionne jamais ce sentiment pour ne pas nuire au marché du livre). Le film le serait encore plus si la discussion morale y prenait sa place à part entière. James Ivory a mieux réussi avec une autre œuvre du même Forster qui est la « Fenêtre avec vue » et il a renoncé à la dernière interprétation du dernier livre de ce même auteur « Passage to India » dans lequel Forster développe tout aussi brillamment la même intuition du rapport entre les nations avec des personnages qui sont les idiosyncrasies du comportement national. Dans Howards End il s’agit de l’Allemagne et de l’Angleterre dans « Passage to India » de la façon dont l’empire britannique divise musulmans et hindous pour gouverner l’Inde.
Est-ce que cette œuvre peut résister à la destruction qui en est faite par le cinéma ? On assiste souvent au phénomène inverse de l’écrivain qui transforme son idée de départ en scénario pour que le livre soit lu, aussitôt paru, comme une adaptation possible. Le cinéma phagocyte tout. C’est une industrie, une puissance d’une violence insoupçonnée. Avoir des idées qui ne lui appartiennent pas c’est un crime. Le cinéma fait-il rouvrir les œuvres qu’il a interprétées ? C’est ce qu’il prétend.
Forster et Proust
On ne cherchera pas dans l’écrivain anglais des phrases célèbres pour leur longueur comme chez Marcel Proust. L’anglais langue de l’action ne s’y prête pas. D’ailleurs Proust a lui aussi beaucoup recours à l’anglais pour raccourcir ses descriptions. Non ! Ce qui rapproche les deux écrivains c’est la construction des personnages basée sur la culpabilité. Au cours de l’histoire de Howards End on découvre que le héros M.Wilcox retrouve le jour de son mariage son ancienne maîtresse. Il y a de quoi se sentir coupable vis-à-vis de sa femme. C’est le nœud proustien de l’intrigue. Que vont se dire Hopkins et Thompson ce jour-là ?
Proust, a-t-il eu pour sa part la prémonition de l’arrivée de la 2°guerre mondiale ? À notre avis non. Proust dilapide, il est inférieur à Forster à ce sujet. Il voit la guerre comme toute la France des « Années folles » la fleur au fusil. Il n’attache pas d’importance à la nationalité de ses personnages. Les aristocrates sont anglais. Swann est un snob. C’est une fausse vue du Royaume Uni car on le vit autrement chez Forster. Ces fameux aristocrates sont en recul par rapport aux industriels et c’est un homme d’affaire (quelles affaires ? On peut tout imaginer là-dessous) qui a fait fortune dans le caoutchouc qui représente son pays dans Howards End.
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