samedi 9 novembre 2019 par Jean-François Ponge
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Librairie Générale Française (collection Le Livre de Poche), 2014, 552 pp., traduction de Sylvette Gleize
Contrairement à d’autres de ses romans ("Mensonges sur le divan", "Et Nietzsche a pleuré"), l’humour en demi-teinte, si typique de cet auteur, a disparu. Car l’heure est grave. Il s’agit rien de moins que d’une remise en cause de l’essence même de la religion, la croyance en un "au-delà" et en l’origine divine de textes sacrés. Le célèbre philosophe Spinoza, rejeté par la communauté sépharade d’Amsterdam, croyait en la Nature (à laquelle il identifiait Dieu) et rejetait toute idée de vie après la mort. Ses textes, sur lesquels transpirent encore aujourd’hui nombre de bacheliers, ont inspiré maints philosophes, parmi les plus grands, et sa vision humaniste et universaliste est toujours d’actualité, d’autant plus en ces temps où la religion devient prétexte à régler ses comptes. Irvin Yalom met en miroir les destins de deux personnages que tout oppose au-delà des presque quatre siècles qui les séparent. Le théoricien nazi Alfred Rosenberg, qui a contribué à l’ascension prodigieuse d’Adolf Hitler, se posait un problème à propos de ce Spinoza, vénéré par Goethe, dont il était persuadé qu’il ne pouvait pas être tout à fait juif avec une intelligence aussi brillante. La question qui est en filigrane dans ce double récit, mêlant faits réels (historiquement avérés) et imaginaires (des personnages viennent s’ajouter, générant discussions et polémiques), est bien : qu’est-ce qu’être juif ? Sans apporter de réponse, l’auteur fait ce qu’il sait si bien faire, nous raconter une histoire, mais avec intelligence, en laissant le lecteur, comme un de ses patients sur le divan, apporter lui-même ses réponses.
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