dimanche 15 mars 2020 par Jean-François Ponge
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Éditions du Seuil, 2010, 420 pp., traduction de Chantal Philippe
Neuf valises, c’est le fardeau que l’on se coltine lorsque, devant fuir son pays, sa famille, sa maison, son travail, ses amis, on veut s’accrocher à tout ce qui reste d’une vie. Cette vie, c’est celle de l’auteur, journaliste, polémiste, farouche opposant au régime Horty, mis en place en Hongrie au lendemain de la grande hécatombe de 14-18, sur le modèle de l’Italie fasciste et bientôt de l’Allemagne nazie. Juif de surcroît, Béla Zsolt va voir le sort s’acharner sur lui, dès lors que les bruits de bottes l’emportent sur les patenôtres des pacifistes. Les lois anti-juives se durcissent, après un aller-retour Budapest-Paris, le mal du pays (les neuf valises !) l’emportant sur l’instinct de survie, il va être envoyé en Ukraine, sur le front est de la guerre où, comme des milliers de ses coreligionnaires, il sera soumis à des travaux forcés. Puis c’est l’enfermement dans un ghetto provincial, avant de rejoindre celui de Budapest après maintes péripéties lui ayant permis d’échapper aux wagons plombés de la "solution finale". Le récit, haletant, nous fait parcourir, en direct, l’horreur d’une époque, maintes fois évoquée au travers de la littérature et du cinéma, mais jamais avec cette acuité et cette franchise dans la description - au-delà de la souffrance physique - des mille et une bassesses dont est capable l’humanité, que l’on soit victime ou bourreau. Non, on ne ressort pas indemne de ce témoignage, écrit avec le sang. Puisse-t-il faire reculer la tentation de l’holocauste, aujourd’hui et demain…
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