Quidam éditeur 2020
dimanche 10 mai 2020 par penvinsPour imprimer
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Un petit bijou de roman que l’on peut lire d’une traite sans que l’intérêt jamais ne faiblisse. Malgré quelques termes qui trahissent le professeur de Lettres, le texte emprunte une langue simple qui entraîne avec elle le lecteur, Luc Blanvillain a beaucoup écrit pour la jeunesse, son travail d’écriture sait se faire discret cédant le devant de la scène à un prodigieux spectacle de faux-semblants, de doubles-je et de mises en abîmes qui fascine le lecteur et réussit parfaitement à lui faire oublier que derrière chaque roman il y a un auteur qui pour un temps tente de s’extraire des soucis du quotidien et de comprendre ce qui lui arrive.
Le personnage principal, l’écrivain Pierre Chozène, tente de se débarrasser des importuns en confiant à un tiers doué d’un don d’imitateur le soin de répondre à sa place tandis qu’il se consacre à son prochain roman. Mais ce n’est peut-être pas une bonne idée, en tout cas cela conduira à ce que le quotidien revienne en boomerang et à ce qu’échoue le projet d’écriture, le vrai projet qui est de séduire le père :
Vous savez pourquoi les garçons échouent à l’école, d’après les psychologues ?
Non, avoua Baptiste.
Le chorizo piquait.
Parce qu’ils ne parlent pas suffisamment avec leurs pères.
Il n’y aura de dialogue entre père et fils que fictif, de fait un dialogue entre père et la doublure du fils. Et c’est comme si tout était dédoublé : l’écrivain, bien sûr, mais également Baptiste, le double qui lutte contre Husson, un critique à la mode, la femme de l’écrivain et sa maîtresse, et même Elsa la fille de l’écrivain et Fanny à la fois la costumière et confidente. La fascination de Baptiste pour son commanditaire rejoint celle de l’écrivain pour son père et le regard de Baptiste sur Husson reste ambigu entre détestation et envie.
Tout cela est écrit sur le ton de l’humour dont on sait qu’il est la politesse du désespoir, celle sans doute de n’avoir pas réussi à convaincre que la littérature jeunesse est aussi une littérature :
Le père reprochait à Chozène la facticité de leurs conversations, il attendait du neuf, du sincère, peut-être.
Comme si ce dialogue pouvait s’établir dans la transparence et comme si la littérature pour la jeunesse n´était pas le lieu le plus approprié pour dire l’essentiel. Chozène menait une enquête sur l’enfance de son père, Luc Blanvillain a choisi de tenter une incursion dans la littérature « pour adulte ». il nous balade à travers les miroirs, nous ne saurons rien sinon que :
Depuis son enfance, il cherche à lui plaire, à se faire pardonner d’être venu au monde.
et que si ça a donné des livres, ceux-là n’avaient pas suffi à convaincre Chozène-père. Ce roman en tout cas est une petite merveille qui a déjà convaincu nombre de lecteurs et s’apprête en convaincre encore de nombreux.
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