samedi 22 août 2020 par penvins
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Traductrice Jeanne Rogues-Tesson
C’est sans doute le moment de lire ce roman paru dans sa traduction française en 2018, pour comprendre ce qui divise et ce qui unit les Grecs et les Turcs, aussi bien les nations que les individus. À travers le regard de Manolis Axiotis, Dido Sotiriou nous fait sentir la relation qui s’est construite entre les deux peuples au fil des conflits depuis la Première Guerre mondiale jusqu’à ce que les Grecs appellent la Grande Catastrophe.
C’est à cette période que s’effondre la monarchie ottomane et avec elle l’organisation en milliyets et que la Turquie acquiert son indépendance. Les Grecs restés dans l’empire ottoman, notamment ceux d’Anatolie, deviennent indésirables pour la jeune république turque, la cohabitation n’est plus à l’ordre du jour et pourtant quand ils ne sont pas fanatisés par les politiques, quand ils ne se trouvent pas enrôlés de force dans un camp qui n’est pas toujours le leur, les individus continuent de se respecter, voire de s’entre-aider malgré les atrocités qui les accablent.
C’est cette histoire à hauteur d’homme qui nous est contée. Elle illustre comment les Grandes Puissances, mais aussi les intérêts mercantiles de tous bords, en s’appuyant sur les nationalismes pour intervenir dans la recomposition du Moyen Orient, ont semé la haine entre les peuples.
Mais quand un peuple a appris à vivre côte à côte avec un autre peuple, comme un frère, il faut une solide dose de haine pour le faire changer de sentiment.
Cette haine Timos Seïtanoglou la voit répandue par une brochure qui circule dans tout le Proche-Orient, distribuée non pas par les Jeunes Turcs, mais par la Deutsche Palestinien Bank !
Il ne s’agit pourtant pas pour Dodo Soutiriou de faire le procès des uns ou des autres, mais seulement de faire ressentir la dimension colossale de la douleur engendrée par cette recomposition du monde dont la destruction de Smyrne sera le symbole lorsque les Turcs rafleront les derniers Grecs abandonnés des puissances occidentales.
Mais que font nos protecteurs ? Que font les amiraux avec leurs galons dorés, les diplomates et les consuls de l’Entente ? Ils ont installé des caméras sur leurs bateaux et ils sont en train de filmer le massacre et l’extermination de notre peuple.
Roman historique, comme les femmes grecques savent en écrire, ce roman nous replonge dans ce qui fût la première purification ethnique de l’histoire moderne.
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