dimanche 10 octobre 2021 par penvins
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Un adieu au père.
L’histoire on la connaît, il s’agit d’un cargo - porte conteneurs – qui traverse l’Atlantique et dont l’équipage décide d’un commun accord de s’offrir une baignade en pleine mer. C’est ce que raconte la 4eme de couverture. Mais imaginons un instant qu’il s’agisse d’une troupe de théâtre, la transposition serait parfaite et l’interrogation Le bateau n’est-il pas en train de prendre son indépendance ? se révélerait encore plus pertinente.
Au-delà du vertige provoqué par l’instant de liberté totale d’une baignade en pleine mer se dessine une renaissance bien sûr de l’équipage, mais peut-être également de la commandante qui en accepte l’idée et qui finira elle aussi par renaître :
ce sera à son tour d’être nue dans l’eau
est-il écrit à la toute dernière page.
comme si elle avait eu besoin, elle aussi, d’échapper à ses propres routines, de trouver
les bons mots pour parler à ceux-là [...]
les codes ma vieille, tu sais bien que quand quelqu’un ne connaît pas les codes de ton monde – et vraisemblablement ne veut pas les connaître - tu t’effondres sur toi-même [...].
Une fois les marins revenus sur le cargo, elle se rend compte qu’avec eux quelque chose est monté à bord.
... elle sent le besoin de faire le point sur le groupe qu’elle a elle-même composé.
C’est là que le roman prend tout son sens, désormais le bateau est doté d’un cœur bien vivant et c’est ce cœur qui règle l’allure du navire un morceau de chair rouge énorme juste au-dessous du dernier plancher.
Elle écoute ce corps. Elle qui n’a jamais écouté le sien.
C’est sans doute ce qui va lui permettre à elle aussi de lâcher prise, de dire adieu au père et de découvrir la Désirade.
Jusqu’à présent elle avait attendu un signe [...] Mais ce silence c’était peut-être la réponse.
Il fallait peut-être ce vertige pour enfin se faire un nom, ne plus être seulement la fille de son père. Tel Ulysse perdu en mer, il lui fallait entrer dans ce « monde entre les mondes » pour pouvoir se dire à elle-même : Quelle vie, ma vieille, sur ton petit navire. Tu peux être fière.
Le cargo aura rejeté violemment toutes les lignes droites, et elle, portée par son équipage – par tous ces hommes ensemble qui se réorganisent, qui n’attendent plus rien d’elle - espère-t-elle, libérée de sa tache de commandante, osera s’inventer une île.
Mariette Navarro peut effectivement être fière d’elle, elle écrit là son premier roman, un roman parfaitement maîtrisé qui doit beaucoup à son expérience de dramaturge mais s’émancipe des codes qui font si peur à ceux qui embarquent par esprit romanesque […] sans rien connaître de la navigation.
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