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Tueur à gages - Graham Green
dimanche 7 novembre 2021 par Abdelaziz Ben Arfa

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Graham Greene (1904- 1991) est un romancier anglais. Il est connu surtout par ses romans "La Puissance et La Gloire", (traduit en arabe) ’’Le Fond du Problème’’( traduit en arabe), ’’Le Rocher de Brighton". J’ai lu, ces derniers jours, son roman Tueur à Gages"", paru en livre de poche ( N° 326) ; il compte 254 pages.. L’édition que je possède est ancienne, celle de 1965.

Ce roman existe depuis une longue date dans ma bibliothèque. Et, je projetais de le lire, un jour, à mes heures de désœuvrement. Ce n’est que ces jours-ci que j’ai trouvé le temps de le lire : le mercredi 6 , le jeudi 7, le vendredi 8 et le samedi 9 octobre 2021. Les critiques ne citent jamais ce roman et à ma connaissance, aucune lecture n’en fut faite. Mais ce qui motive ma lecture c’est l’ombre qui obscurcit l’éclairage. C’est l’énigme secrète qu’entretient ce roman obscur.

C’est un roman policier. Il s’agit d’un meurtre commis par un personnage nommé ’’Ravin’’, poursuivi par un policier nommé "Mather’’. Ce Mather est en relation de fiançailles avec la femme nommée ’’Anne’’. Mais le nœud compliqué de l’intrigue réside, à mon sens, dans cette relation obscure, inexplicable, qui s’établit entre Ravin et Anne. C’est une zone ténébreuse dans le roman : elle est difficile à élucider. Anne n’avait pas dénoncé Ravin à la police, elle lui avait apporté main forte, elle affichait les signes de l’apitoiement sur son sort, elle s’était exposée au risque afin de le protéger et l’aider à s’évader. Elle avait passé une terrible nuit avec lui, dans sa cachette, en un endroit de la gare du train.

Ravin avait commis un meurtre : il avait été chargé par des personnes puissantes qui l’avaient payé, l’engageant à assassiner le ministre de la guerre de l’Angleterre, pour envenimer la situation, trouver un prétexte qui précipite le déclenchement de la guerre entre quatre pays : La France, L’Angleterre, L’Allemagne et L’Italie. Le contexte que décrit le narrateur, le suggérant beaucoup plus que le dénotant, est celui de l’approche d’une guerre imminente.

Mather est un officier de police ; ils poursuivaient lui et ses adjoints Ravin qui se cachait, fuyait et se déplaçait d’une ville à une autre. Lors de ses déplacements, Ravin rencontra, par hasard, Anne qui refusa de le dénoncer à la police. Elle affichait des signes d’apitoiement sur son sort. Elle lui tenait compagnie dans les moments où Ravin courait les pires risques, à ces moments où sa vie était mise à prix. Elle resta brave avec lui jusqu’à l’ultime étape, jusqu’à ce qu’il fut achevé par l’ami de Mather . C’est à ce moment qu’Anne accepta de s’unir conjugalement à son fiancé Mather bien que celui-ci soit au courant de ce qu’avait accompli Anne avec Ravin. Ce consensus qui s’était établi entre les deux protagonistes après un entretien entre Anne et Mather faisait l’objet d’une scène romanesque dialogale où l’éclairage restait enténébré par les contours de l’ombre.

Ravin occupait le rôle du personnage principal dans le roman : le narrateur focalise l’attention et la fiction sur cet acteur qui ne cessait d’agir. Cet être de fiction est d’une laideur physique repoussante. Il est issu d’un milieu très pauvre. Son père est mort. Il avait commis un meurtre. Il était pendu. Sa mère s’était suicidée. Ravin avait grandi sans recevoir la moindre affection de son entourage. Il n’avait pas connu l’amour. Tous ces éléments biographiques avaient forgé en lui une personnalité cruelle. Ravin ne plaçait jamais sa confiance en une autre personne. Il était toujours méfiant, et se tenait, incessamment, sur ses gardes. Son attitude à l’égard d’Anne oscillait entre la confiance et le soupçon. À un moment, il avait même projeté de la tuer de peur qu’elle ne le dénonce à la police ; elle qui ne cessait de le rassurer même en apprenant sa terrible décision. Ravin commit le premier meurtre, en assassinant le ministre de la guerre. Après sa fuite, sa cachette, ses déplacements dans les villes, il apprit que ses adjuvants l’avaient manipulé : c’étaient des personnes corrompues : ils l’avaient utilisé pour servir leurs desseins abjects. Il décide de les liquider un à un. Les adjuvants deviennent alors les pires opposants. Il réussit à pénétrer dans les lieux où ils tenaient séance et tira sur deux d’entre eux qu’il acheva. C’est à ce moment qu’intervient l’ami de Mather et met fin aux jours de Ravin. Puis ce fut l’entretien entre Anne et Maher : l’amour a-t-il triomphé en fin de parcours ou ce consentement entre des deux parties est-il dicté par des intérêts communs ? Il est difficile de répondre.

Dans un roman policier de ce genre, il est difficile d’élucider entièrement l’énigme : les gens issus d’un milieu pauvre se comportent-ils de la sorte, acceptent-ils les demi-solutions. Est-ce un réalisme à la Balzac qui refuse l’idéalisme platonique. Anne est, toutefois, cette femme énigmatique ; elle constitue la zone sombre, ténébreuse du roman : comment explique-t-on sa relation avec Ravin ? Pourquoi Maher avait-il proposé à Anne de s’unir à lui bien que celle-ci l’eût exposé au risque, en jouant le rôle de l’opposant beaucoup plus que de l’adjuvant ?

Ce roman littéraire est écrit dans style qui use d’une langue presque familière. C’est un style qui mobilise un lexique capable de rendre compte de l’univers sordide. Ceci ne l’empêche pas de filer un tissage métaphorique et comparatif suggestif. Mais, ce n’est pas le style romantique sublime d’un Chateaubriand. Il est plutôt un style réaliste qui n’hésite pas à nommer l’abominable et l’innommable. Il décrit avec un luxe de détails cet univers sordide et infernal. C’est l’univers de la méfiance, de la corruption, des crimes, du doute, de la suspicion, de la prostitution, des rivalités politiques, de la guerre qui s’annonce prochaine et imminente.

Bien que Ravin soit un personnage laid, cruel, méfiant, n’hésitant pas à commettre les crimes les plus abominables, le narrateur s’apitoie sur le sort de celui-ci : Il décrit bien sa solitude. Il campe son portrait, physique, moral et psychologique : il rapporte tous ses gestes : le comportement de son regard, de ses mains, ce qu’étaient ses projets, ce qui motive son acte criminel. Il retrace son itinéraire. Il justifie, en quelque sorte, son penchant psychologique pour le crime. En fait, les victimes ne sont pas innocentes. Ils méritent, en quelque sorte, leur destin. Ce Sont des gens corrompus, avides de pouvoir. Ils appartiennent à la haute société.
On dirait que Grahame Greene condamne toute une société en dérive. Il n’épargne même pas les milieux artistiques qui sont viciés, emplis d’une ambiance condamnable. Mais cette critique s’opère indirectement par la voie de la fiction romanesque.

Malgré toutes les informations communiquées par ce roman, la relation qui s’était établie entre Anne et Ravin reste une zone ténébreuse, obscure, qui échappe à l’élucidation complète. Il existe entre ces deux individus comme une complicité secrète de type psychologique : elle a pratiqué la prostitution, il a pratiqué le crime. Ravin fut trahi par les hommes et par les femmes. C’est pourquoi, il n’a jamais placé sa confiance en une quelconque personne. Il n’a pas d’amis. Il est solitaire. Mais, Anne est, contrairement à lui, capable de dévouement et de bravoure. Peut-être la scène la plus forte dans ce roman est celle que Ravin et Anne avaient passée, dans un endroit de la gare, se cachant la nuit des yeux de la police. Le matin, à l’aube, au point du jour, alors que le brouillard obscurcissait l’endroit, Anne trompa la vigilance des policiers, aux aguets, et réussit à faire échapper Ravin à la capture. Elle se couvrit du manteau de Ravin, et se dirigea dans une direction opposée à celle prise par le meurtrier recherché. C’est de cette façon qu’il pût commettre le deuxième crime. Anne avait accompli cette action bien qu’elle sache que la vie de Mather, son fiancé, était menacée par Ravin. C’est qu’elle lui avait promis cela. Elle avait bien tenu sa promesse. Et même après la mort de Ravin, le souvenir de celui resterait vivant dans l’imaginaire d’Anne.

Et ce qui complique ce secret énigmatique c’est encore le consentement qu’avait établi Anne en acceptant de s’unir au policier Mather qui demandait sa main, après un entretien houleux, difficile et pénible. Bien qu’elle fût fiancée à Mather, elle n’avait pas trahi Ravin : elle resta fidèle au souvenir de celui-ci : est-ce la duplicité féminine ou une ambivalence psychologique plausible ou encore une perversité en dérive. Serait-elle la métaphore du roman qui n’éclaire que pour obscurcir les propos ? ou est-ce le triomphe de l’amour et du pardon ? ou bien encore ceci s’explique-t-il par l’évolution des personnages à travers le parcours narratif ? ou décèle -t-on chez cet écrivain un penchant à la misogynie non maîtrisé qui voit en la femme un être versatile et inconstant, une girouette, que son amour pour l’homme qu’elle choisit n’est jamais tout à fait authentique ?

En fait, elle est tiraillée entre un homme hors la loi et un autre qui en est le gardien ; au servir du pouvoir en place. Ou encore Anne ne veut ni de l’un ni de l’autre. Le désir est-il enfin un désir de pouvoir ou un désir demeuré désir. Les questions restent posées. Et c’est la preuve que ce roman est si complexe et ne tranche pas d’une façon affirmative. C’est tout l’intérêt de ce roman. Mais notre lecture ne clôt pas le débat. D’autres lectures peuvent l’éclairer davantage.

Par : Abdelaziz BEN ARFA



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