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La vie ordinaire - Adèle van Reeth
jeudi 24 mars 2022 par Meleze

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La vie ordinaire
Adèle van Reeth

Cet auteure tient une émission régulière sur France Culture « les chemins de la philosophie ». Par ailleurs la presse a annoncé récemment qu’elle allait devenir la présidente de radio France. De quoi être attentif à ce livre.

Ce n’est pas son premier ouvrage. Mme Van Reeth se caractérise par une sorte d’existentialisme qui lui fait prendre pour point de départ des aspects de la vie quotidienne sur lesquels elle s’interroge. Puis, selon les cas elle s’identifie ou se différencie, des affirmations politiques du féminisme.

« La vie ordinaire » est ainsi un livre hétéroclite dans lequel on trouve beaucoup de choses peu ordonnées entre elles. La plus belle pépite est sûrement la réflexion tout à fait inattendue concernant l’auteure féminine anglaise Virginia Woolf, bien connue dans le mouvement féministe pour son petit essai « une chambre à soi ». La pépite consiste alors dans le fait qu’Adèle Van Reeth fait remarquer que la « chambre a soi », est devenu un lieu défaillant, un lieu insuffisamment isolé du reste de la société pour pouvoir travailler et produire, un endroit utopique, du fait du téléphone portable.

Y a t’il un fil conducteur ? On dirait que oui, mais il n’est pas dans le titre.

La critique a crié au miracle car pour la première fois la grossesse d’une femme (l’auteure) entrait dans la réflexion philosophique.
« (p 130) Mais le corps comme lieu d’une autre vie que la sienne ? Le corps qui accouche pour de vrai ? L’accouchement sans métaphore ? Silence. L’expérience de la grossesse et son terme, c’est à dire l’accouchement, qui se trouvent à l’origine de la vie humaine sont convoqués comme images pour définir le rôle de la philosophie depuis Socrate, mais constituent en réalité un impensé pour la philosophie ».

De ce fait on se demande si l’évènement qu’est la grossesse fait sortir la femme de la vie ordinaire. Et à ce moment-là, suspens, la réponse est NON. C’est le fil conducteur. L’homme nous dit l’auteure, en tant que genre sort de la vie ordinaire par la vie militaire (enfin elle ne dit pas exactement la vie militaire, elle dit « la guerre ») expression de la violence qui selon elle n’est pas ouverte aux femmes.
« (p 146) Mais de toute façon, engendrer, allaiter, ne sont pas des activités, ce sont des fonctions naturelles ; aucun projet n’y est engagé ; et c’est pourquoi la femme n’y trouve pas le motif d’une affirmation hautaine de son existence ; elle subit passivement son destin biologique ». Pendant que la femme accouche, poursuit Simone de Beauvoir, l’homme va à la guerre, et en mesurant l’étendue de son pouvoir, il « se réalise comme existant », « il crée, il déborde le présent, il ouvre l’avenir » en élevant son destin au-dessus de l’animal. « C’est pourquoi dans l’humanité, la supériorité est accordée non au sexe qui engendre mais à celui qui tue ».

Est-ce que justement ce n’est pas en cela que le livre manque de cohérence ? Quand il s’agit de définir le sujet, ce qui est ordinaire, l’auteure n’y parvient pas bien qu’elle s’y reprenne à 3 reprises. Une première fois aux États-Unis, puis de nouveau en France où elle ouvre de nouveau les mêmes livres qui sont ennuyeux, et sans résultats. C’est seulement la 3° fois qu’elle tente une définition. Or il ne lui vient jamais à l’esprit que l’ordinaire est tout simplement ce qui s’oppose au militaire. Car tous ceux qui ont eu des parents dans l’armée se rappellent que les officiers ont des ordonnances parce qu’ils leur délèguent ce qui est ordinaire tandis qu’ils s’occupent eux de la stratégie et des armes.

C’est vraiment étonnant qu’une femme philosophe qui prétend avoir vécu sa grossesse comme un homme aurait vécu la guerre, c’est à dire comme une aventure, n’ait pas songé un seul instant que son sujet l’ordinaire existait justement par opposition du civil au militaire.

En plus, dans son livre, quelques mois plus tard Mme. Van Reeth fait une autre expérience, celle de l’avortement. Après avoir vécu l’événement extraordinaire voila qu’elle se heurte à nouveau à « l’impossibilité de sortir de la vie ordinaire ».

Paradoxalement, sur le plan philosophique, c’est justement à ce moment-là qu’elle se débranche du sujet de « l’ordinaire » pour prendre conscience qu’elle traverse à nouveau un moment exceptionnel. Car du fait de la science la femme génitrice s’est dissociée de l’accoucheuse (ou mère porteuse) et que là vraiment on est dans un domaine inexploré de la philosophie moderne. Le livre devient donc un peu plus éblouissant dans ses vingt dernières pages qui s’intitulent « le passager ».

Qu’on me permette de citer ici le poète Michel Robakovski :

Stratégie de la peur (21/03/2022)

Aux sirènes d’alarme,
l’arme russe
contre les larmes ukrainiennes.
Un souffle d’animal,
tout vacille
au cœur des immeubles civils.
Position militaire,
propagande,
apocalypse venue du ciel .
Le bilan officiel
provisoire
cherche des issues de secours,
comme l’aide humanitaire
en bataille
dans la situation critique.
Ferrailles pulvérisées,
bris de verre
dans la boue mêlée à la mort.
Et le silence d’après
l’explosion,
un peuple en train d’être détruit.
Alarmes d’une sirène,
une enfant
regarde droit Dieu dans le ciel.

Michel Robakowski

Ce poème permet de mesurer la violence de la rupture de la vie ordinaire et justement dans un pays qui s’est fait une réputation de « passager » à cause du commerce des « mères porteuses ». Le poète nous donne donc un aperçu de la profondeur du sujet que manque un peu la philosophe.

Mélèze

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