samedi 14 mai 2022 par Jean-François Ponge
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Points, 2008, 448 pp., traduction de Chantal Chen-andro
Sous la houlette de Deng Xiaoping, de 1978 à 1992, les chinois ont à nouveau la possibilité de s’enrichir, avec la bénédiction du Parti. Mais cette liberté nouvelle va surtout profiter aux mieux placés, c’est-à-dire les cadres du Parti et les petits potentats locaux chargés de mettre en place la réforme économique. Au fin fond de la province chinoise, une campagne a été lancée, destinée à permettre aux paysans les plus pauvres de sortir enfin la tête de l’eau. La recette : cultiver de l’ail, à profusion, dans cette région méridionale dont le climat doux est favorable à sa croissance. Chacun calcule la richesse que cette manne inespérée va lui apporter. Hélas, cette année-là la récolte va être si bonne que, suivant la loi de l’offre et de la demande au cœur de la "nouvelle économie", les cours vont s’effondrer et l’ail ne parviendra pas à se vendre. Une révolte s’en suit, mettant en cause les dirigeants locaux qui, comme on s’en doute, ont été les premiers informés et ont tout fait pour vendre leur ail en premier. Sur cette trame Mo Yan a brossé un de ces petits chefs-d’œuvre dont il a le secret. La narration, complexe mais néanmoins aisée à suivre, vole de personnage en personnage et de période en période, brossant au passage un portait de cette campagne chinoise tiraillée entre des traditions millénaires (les mariages arrangés, les relations complexes entre habitants d’un même village), des coutumes héritées de la Chine impériale et recyclées par la Chine communiste (une bureaucratie envahissante et âpre au gain) et les aspirations à la liberté accompagnant la toute nouvelle réforme. Derrière la fable se devine un procès en bonne et due forme d’une société foulant allègrement aux pieds les grands principes moraux édictés par le Comité Central du Parti Communiste Chinois.
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