mardi 1er novembre 2022 par penvins
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traduction F. et J.-L. Courriol
Ne vous découragez pas, ce texte fait honneur à la littérature, vous vous êtes laissé emporter une première fois et vous avez envie de le relire tant il est dense, n’hésitez pas, perdez-vous dans son apparente complexité. L’histoire au fond est simple, on en trouvera un résumé ici, mais on gardera à l’esprit ce que C Fulaș dit de ses personnages. C. Fulaș nous invite dans un monde hors du Temps (qui n’existe pas répète-il) un monde qui continue de vivre malgré les soubresauts de l’Histoire, un monde qui revendique sa diversité quand tout autour règne une apparente uniformité.
Le roman de C. Fulaș en tant que création littéraire échappe par nature à la réalité, il est alors parfois difficile d’y rétablir une chronologie, cela peut troubler le lecteur qui revient sur le texte et en mesure la complexité alors qu’une première lecture l’avait embarqué dans une histoire dont il ne lui serait pas venu à l’idée de mettre en cause la vraisemblance.
La vallée où s’installe Iochka est isolée de tout, c’est là, un temps à l’abri des puissants, qu’il continue de vivre dans un espace qui n’a pas encore de cimetière et dans lequel n’est né aucun enfant, pour tout dire qui n’est pas encore un monde.
Elle [Iléana] avait entendu Vasilé raconter qu’un jour il y aurait aussi un cimetière dans la vallée.
Il [Iochka] aura un enfant et cet enfant posera les fondations d’un cimetière.
Au centre du roman il y a Iochka bien sûr et Ilona dont il est fou amoureux mais entre en résonance avec ce couple celui de Vasilé et Iléana, sa maîtresse dit-on. Il faut s’attarder sur le personnage d’Iléana, est-ce le même que celui mentionné au début du roman cette épouse de Vasilé dont il est dit [qu’ils] n’avaient jamais vu de leur vie le visage de cette femme qui était dans leur esprit l’image de l’épouse à la maison […] et le docteur de préciser Elle est morte mais n’a pas existé.
Quoi qu’il en soit, Iléana c’est avant tout l’amante de Vasilé, celui qui a sauvagement décimé sa famille parce que son père s’opposait à leur mariage. Sur le couple Vasilé-Iléana pèse d’autant plus fort ce massacre que Vasilé bien qu’arrêté n’a pas été officiellement condamné.
Est-ce de lui qu’Iléana parle lorsqu’elle parle du loup ?
Plus tard, quand Iléana arrive dans la vallée à la recherche de Vasilé, elle lui raconte la main reposant sur [son] membre, comme si l’histoire ne pouvait être racontée autrement, l’histoire de son accouplement avec un loup. Elle comprendra qu’avec lui elle ne peut engendrer. Comme si ce ne pouvait être elle qui permettait l’avènement d’un autre monde. Cet amour-là semble impossible, au fond il est peut-être l’image du mal quand le couple Iochka-Ilona serait celle du bien.
Iochka - l’innocent, le silencieux, le souriant, l’aimant Iochka - le meilleur des hommes, presque un saint.
Iléana sera la cuisinière celle qui est la mère des ouvriers du chantier mais aussi un peu celle d’Ilona dont elle est l’aînée de dix ans. Iléana se sentait comme une mère soignant sa fille errante.
La venue d’Ilona dans la Vallée sera pour Iléana comme un signe du retour au monde. Grâce à elle ce monde va naître, il y aura une naissance et un mort. Un monde où se lit le sens de la vie, le presque rien pour lequel elle mérite d’être vécue.
L’écriture ce C. Fulaș entraîne le lecteur, et recrée avec lui un monde à l’écart de la haine totalitaire, on y reconnaît des allusions à l’histoire de la Roumanie. Pour C. Fulaș
la seule chose qui garantit l’existence du monde et la confirme en même temps, c’est le néant, la mort : l’absence de tout but en ce qui semble être le but.
Laissons le lecteur découvrir la richesse de ce chef-d’œuvre et invitons-le à savourer la force de cette prose inépuisable.
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