Les Editions du Panthéon, 2022
samedi 14 janvier 2023 par Alice GrangerPour imprimer
Arthur, un premier de classe, est diplômé de la plus prestigieuse des écoles formant « à comprendre le monde pour le transformer », comme d’une nursery pour « hauts potentiels », formant cette « aristocratie » des élites (d’où « Sang bleu », en phase avec la couleur bleue symbolisant l’esprit de la multinationale dont il sera question) pour devenir les « leaders de demain ». Entre les lignes, nous entendons dans ce « demain » rien moins qu’une mondialisation en mutation et réorganisation, dans lequel cette multinationale est la tête de proue pour sa capacité à voir loin et à savoir se réorganiser dans les rebattages des cartes mondiales qu’impliquent les secousses géopolitiques, les crises mondiales, les désastres environnementaux menaçant le futur de l’aventure humaine et du vivant, ceci ayant pour conséquence la nécessité vitale d’un art incessant de la réorganisation de l’aventure risquée des « ressources humaines » en lien avec les « ressources naturelles » et leurs fluctuations à cause du monde qui tremble politiquement et à cause des changements climatiques. Nous entendons entre les lignes, par ce mot « demain », que ce qui habite telle une tenace pulsion de vie Arthur, par-delà cette image de « haut potentiel » qu’il semble narcissiquement admirer dans le miroir, c’est son espoir insensé qu’une multinationale pas comme les autres, justement, ait pour boussole d’œuvrer à toujours ouvrir des opportunités nouvelles de travail, pour ces « ressources humaines », alors même que cette mondialisation qui tremble et est hyperconcurrentielle les jette dans l’instabilité, ce livre nous présentant avec talent et intelligence des humains qui, dans l’international, sont des migrants où se rencontrent les « hauts potentiels » recruteurs et les humains venant de nombreux pays pauvres ou instables et à l’affût des offres de travail par des multinationales, formant déjà comme un cinquième continent, invisible.
Arthur n’a donc pas rendez-vous avec n’importe quel recruteur, avec un tel profil, et du rêve plein la tête pour son futur, se préparant comme Arthur Rimbaud à partir dans la mondialisation ouverte, mais lui comme s’il savait que dans le ciel il y avait une bonne étoile. On l’imagine tout de suite avoir donc l’intuition des secousses qui changeront le monde puisqu’il est dans l’ADN d’un « haut potentiel » d’avoir les capacités de les affronter, et décidé non pas à revenir comme le poète à Charleville Mézières amputé de toutes ses ambitions et mort, mais au contraire à recommencer son bourlingage en escomptant monter dans un bateau dont la devise pourrait être « Fluctuat nec mergitur » ! C’est-à-dire le ramenant, tel Ulysse, à Ithaque, à savoir très vite être intégré aux cadres dirigeants d’une multinationale sachant comme aucune autre se projeter dans le rebattage des cartes planétaires qu’est une crise. Dont on sent qu’il ne s’agit pas seulement d’une crise provoquée par la baisse du prix de la ressource naturelle qu’est le pétrole, l’or noir, qui commence à être dans le collimateur en regard des désastres environnementaux qui menacent la planète et de son hypersensibilité aux remous de la géopolitique, comme dans ce livre. Mais d’une réorganisation du monde dont est voyante comme aucune autre cette multinationale pressentant que ce sont les vicissitudes atteignant les ressources naturelles qui écriront les mutations que le monde va vivre et auxquelles elle devra savoir s’adapter, tout ceci concernant le futur même de l’aventure humaine. La ressource humaine devant donc intégrer que pour elle, il ne s’agit plus d’installation à vie comme si le monde était figé, mais d’admettre qu’elle est liée aux fluctuations de ces ressources naturelles dans le monde voire aux mutations en matière de ressources naturelles que les désastres environnementaux planétaires rendent urgentes. Arthur, qui se voit déjà manager de ressources humaines à l’international, entre les lignes du livre nous pressentons qu’il sent d’emblée la vulnérabilité de ces ressources humaines, dont lui-même fera partie en tant que recruteur, en fonction justement de la ressource naturelle dont l’exploitation requiert du personnel. Dans la mondialisation instable, il sait sans doute déjà que personne ne peut croire, dans sa fonction, être à l’abri d’un licenciement, en lien avec les vicissitudes de la ressource naturelle voire avec la nécessité que les humains en changent pour leur source d’énergie. C’est à cause de cette inquiétude et de cette vulnérabilité, qu’il a bien intégrées à propos de la ressource humaine, qu’il a su repérer la bonne multinationale ! Celle qui prend soin des intérêts des « ressources humaines » comme de ses propres intérêts. Et donc ne sombre jamais avec les crises plus ou moins graves des ressources naturelles. Mais sait prendre à temps des virages décisifs, muter, anticiper, afin de ne pas perdre elle-même de chiffre d’affaires en recommençant ailleurs en se réorganisant, voire avec d’autres ressources naturelles. Et donc, ouvrant à des « ressources humaines », préparées aux chutes et aux recommencements, de nouvelles opportunités, si elles acceptent les déracinements, l’ouverture au nouveau, à l’inconnu, aux rebattages mondiaux des cartes. Le souci de ne pas perdre de chiffre d’affaires, pour la multinationale en question, étant la métaphore d’une possibilité restant toujours ouverte pour les « ressources humaines » aussi d’opportunités nouvelles, inconnues, enrichissantes, parce que l’employeur à l’international a su pour elles, pour ses « peoples » qu’elle aime tant, être visionnaire de nouveaux emplois, dans un rebattage des cartes donnant du futur aux humains dans l’instabilité inquiétante elle-même. C’est ce que j’ai lu dans ce livre, et qui est passionnant, parce que son personnage, Arthur, témoigne d’une incroyable intelligence d’un monde qui change, la lecture devant absolument rompre avec le préjugé selon lequel cette multinationale ne pense qu’à ses profits.
Le recruteur d’Arthur a le titre impressionnant d’« International Talent Director » d’une grande multinationale, Flouseburger, qui propose un programme de formation de jeunes talents pour travailler à l’international. Nous devinons que cette multinationale est ce bateau sur lequel il doit absolument embarquer, car sa devise secrète est justement (nous l’imaginons en lisant) « Fluctuat nec mergitur », c’est-à-dire qu’elle vise à devenir l’entreprise la mieux gérée du monde. Et donc, traversant les crises de la mondialisation en train de changer, sauvegardant son chiffre d’affaires, et mieux l’augmentant, ne coulant jamais en cas de rebattage des cartes. Mais anticipant les nouvelles opportunités, si en effet les fluctuations des « ressources naturelles » exigent des licenciements. Et pas seulement, de la part des managers « Ressources humaines », des recrutements. Donc, une multinationale qui sait se positionner en anticipant la réorganisation mondiale après une crise qui fait tout trembler et changer, c’est aussi, pour la ressource humaine « jetée » de manière inhumaine dans des pays sans lois sociales protectrices, des opportunités nouvelles d’emplois ! Mais cette ressource humaine doit se former à l’instabilité, la vulnérabilité, en ayant foi dans les offres inconnues du futur, et nous imaginons que les humains licenciés alors qu’ils ont fait leurs preuves, dans cette histoire, saisis par leur grande vulnérabilité, se forment en effet aux changements incessants, et non pas à l’installation à vie. Ils ne peuvent dans la mondialisation changeante se projeter en « assis », ceux qu’Arthur Rimbaud justement n’aimait pas...
Le titre du programme de formation proposé par la multinationale avait intrigué Arthur : « HR ODYSSEY » ! Une Odyssée de trois ans afin de devenir, en passant dans trois postes successifs, « HR Manager », manager en Ressources Humaines. Titre qui évoque le voyage initiatique d’Ulysse, les épreuves à affronter, le cap à garder dans les pires circonstances, tempêtes, gouffres, tentations, arriver dans les hautes sphères des cadres dirigeants de cette entreprise qui doit devenir « la mieux gérée du monde », Flouseburger, dans un monde instable et en changement ! Cette multinationale est très cotée dans le monde aussi bien pour la performance de ses services aux « clients » de pays étrangers (lui confiant la gestion des « ressources humaines » nécessaires à l’extraction de leur « ressource naturelle » qui est l’or noir, le pétrole), que pour ses propres résultats financiers, et que pour sa réputation à bien traiter ses « ressources humaines ». Le voilà, doit se dire Arthur, ce bateau qui ne coule jamais mais ramène toujours à Ithaque, c’est-à-dire finalement la sauvegarde, dans l’instabilité et la vulnérabilité, d’opportunités d’emplois, pour les humains migrants, ce surgissement de l’humain dirait Patrick Chamoiseau, donc de moyens de vivre ! Se rendant à son rendez-vous, il s’imagine gagner, juste par son intelligence stratégique, des victoires comme celles des conquérants par excellence, Alexandre, Napoléon, César. En attendant son recruteur prestigieux, il voit défiler sur un écran les mutations incessantes du prix de l’action de la multinationale, et il se doute immédiatement que ces chiffres visant « un infini inatteignable », recherchant comme lui l’excellence, « l’inaccessible étoile », ce ne sera pas de tout repos.
Ce n’est pas un recrutement classique : c’est le recruteur, d’une jovialité volubile, qui parle, tout en scrutant les réactions d’Arthur. Il témoigne de sa propre expérience, de sa « carrière Flouseburger », qui est évidemment tout sauf ordinaire ! Arthur a face à lui le modèle à suivre, le prédécesseur, compagnon et passeur venu à sa rencontre, celui qui, avant même de commencer la formation, l’entraîne déjà à trimer autant que lui, à être sur tous les fronts, à ne jamais rester dans sa zone de confort ! Qui lui dit que Flouseburger, c’est plus qu’une entreprise, c’est une passion, un style de vie, une aventure humaine, rien d’un boulot plan-plan. Une boîte qui « challenge » » en permanence, entraîne à travailler très dur, à dépasser ses limites. Le recruteur sait d’autant plus toucher la corde des ambitions personnelles d’Arthur que cette pépinière de « hauts potentiels » où il a étudié a déjà écrit pour lui une carrière qui « n’aura pas de limites », puisqu’il a été formé au monde à transformer. Le recruteur, modèle de réussite pour Arthur qu’il regarde filialement avec gourmandise en se revoyant plusieurs décennies avant à cette même place, lui parle de la science des rémunérations, très structurée, dans la multinationale : il s’agit d’attirer les meilleurs talents, avec un salaire très attractif, et toutes sortes de primes, de bonus, d’avantages. Puis des fonctions prestigieuses d’une carrière déjà longue, dans des villes telles Dubaï, Singapour, Houston, dans de nombreux pays, sur d’autres continents, bref le monde ouvert. Littéralement, le recruteur ensemence sa passion à Arthur, celle qui lie, comme par cordon ombilical, à la meilleure entreprise du monde. Et, revenu en France pour ce recrutement, il déplore d’entendre ces Français qui se plaignent sans cesse, que la « positive attitude » y manque autant ! Il fait miroiter à Arthur que chez Flouseburger, un jeune talent au « haut potentiel » devient (sous-entendu comme lui) vingt-cinq ans après directeur d’une zone, d’une division. C’est dans ce but que le super et très exigeant programme de formation, « HR Odyssea », envoie partout dans le monde ses futurs managers acquérir le plus d’expériences et de connaissances possibles, car ils devront recruter les meilleurs ingénieurs, les ressources humaines qui soient d’une qualité à la hauteur de la prestation promise par la multinationale à ses « clients » de différents pays, dont la culture est différente, et où la géopolitique est à chaque fois à prendre en compte car jouant sur la valeur de la ressources naturelle qui est à extraire pour le compte de puissants étrangers. La formation de ces RH managers a pour but d’en faire des professionnels qui connaissent à fond les « grands piliers » de la fonction « ressources humaines », qui ont été exposés à toutes les cultures du monde et à la géopolitique spécifique à chaque région du monde. Il s’agit de travailler non pas en France, mais dans des pays étrangers, et dans une mondialisation où les fluctuations du prix de la ressource naturelle pour l’exploitation de laquelle l’entreprise multinationale propose ses services de qualité aux « clients » locaux puissants peuvent rebattre toutes les cartes, et un RH manager s’il doit savoir recruter doit aussi savoir licencier, de même qu’être ouvert à des qualités de débrouillardise humaine étrangères à sa propre culture. Un vrai RH manager doit être formé au fait que sa ressource humaine, des ingénieurs au plus humble ouvrier, a son sort lié aux vicissitudes dans lesquelles est prise la ressource naturelle, à une vulnérabilité qui apprend à ne pas avoir peur des rebattage des cartes, ni des vicissitudes liées aux cultures et politiques différentes, à la géopolitique, ainsi qu’aux menaces qui frappent l’avenir de la planète. Donc, le RH manager ne doit pas tomber dans le piège de l’empathie, de l’humanité, puisqu’il ne peut rien sur les causes entraînant la logique inhumaine du licenciement, même pour de brillants éléments là depuis des années et qui ont fait leurs preuves, et qui peuvent le toucher lui-même. Cela n’est pas contradictoire avec le fait que, comme l’affirme le recruteur à Arthur, la première des valeurs auxquelles la multinationale tient tant, c’est les « peoples », qui chez Flouseburger sont la première richesse, sans lesquels la multinationale bien sûr n’existerait pas, ni les quarante milliards de chiffre d’affaires ne tomberaient du ciel.
Après le « témoignage » du recruteur, en lequel il s’est on l’imagine vu bien intégré dans son Ithaque multinationale, Arthur est sûr qu’il est le candidat idéal pour cette Odyssée, et il est pressé d’entrer en scène. Avec beaucoup d’habileté, il dit à son recruteur qui a étudié dans la même école prestigieuse que lui qu’en effet, son cursus accorde une grande place aux sciences humaines et au questionnement (science politique ?). La fonction « ressources humaines » est vraiment au cœur du business. Sans celles-ci, la ressource naturelle juteuse ne pourrait pas être extraite des gisements appartenant aux « clients » des pays étrangers. Ce n’est pas anodin que la gestion des « ressources humaines » soit confiée à un tiers, cette multinationale, cette entreprise de service la meilleure du monde, et non pas assumée par les « clients » eux-mêmes, qui ont ces gisements de ressources naturelles. C’est un bateau insubmersible qui voit loin, anticipe, vit une mondialisation changeante, et l’on imagine que ce genre de multinationale, si elle ne fait pas de sentiment pour licencier, sa réputation de pourvoyeuse d’emplois sur une planète qui bouge sans cesse, c’est positif même pour ceux qui sont licenciés, car la porte du futur reste au moins entrouverte, dans tant de cruelle instabilité.
Des « personnes extraordinaires… fantastiques » sont là pour la première formation, d’une semaine, en Malaisie. Des « hauts potentiels » venant de partout, Norvège, Australie, Niger, USA, Angleterre, etc. La HR Career Manager donne les règles de vie commune, car l’équipe doit être mue par des valeurs communes : d’où les « bons » comportements, et les « mauvais ». Voilà : le moule ou mieux la vie sur une sorte spéciale de bateau. Ou l’assurance qualité, où tout est déjà écrit : « lever la main avant de prendre la parole, ne pas interrompre, être bienveillant, avoir l’esprit d’équipe, ne pas arriver en retard, ne pas bavarder avec son voisin, ne pas manquer de respect, ne pas juger les autres…, savoir gérer ses priorités ». Atmosphère de haute surveillance, donc. De surveillance respective. Et le plus respectueux des règles entraîne les autres vers le haut, et donc la performance est une histoire collective, car ils sont sur le même bateau, qui doit être insubmersible. Les élèves HR manager doivent croire en cet humain-là, capable de devenir un champion, un expert de l’engagement. La femme formatrice, la HR Career Manager, sait amener ceux qu’elle commence à former à la passion de faire corps avec la meilleure des entreprises pour laquelle travailler, et, avec les règles écrites, chacun pourra aider l’autre à devenir un champion, avec son regard ramenant aussitôt dans le droit chemin vers l’Ithaque tout déviant ! Chacun doit avoir intégré les règles de l’entreprise comme celles d’un vivre ensemble où l’entreprise est la seule chose importante. Car elle sait naviguer vers le futur ? Une nef des fous qui a une vraie boussole ?
Arthur apprend qu’il arrive au moment où la multinationale est, justement, en grand changement, grâce au PDG Steinthor. Le moment le plus historique de toute l’histoire de Flouseburger ! Le but : qu’elle devienne l’entreprise la mieux gérée du monde, en six ans, alors qu’elle est déjà la meilleure entreprise pétrolière. Arthur apprend donc que, s’il devient RH Manager, il sera appelé à être l’un des acteurs essentiels de cette transformation ! S’il est ici, participant à un programme très sélectif, c’est d’une part, il le sait, parce qu’il est diplômé de la prestigieuse école, mais aussi parce que son esprit est encore frais, son œil neuf. Pendant la semaine d’intensive formation, il n’est question que de Flouseburger et de ses valeurs, et on lui injecte des doses quotidiennes de ferveur pour cette multinationale, combien elle fait partie du « blue world », tout y est sang bleu aristocratique. Le conditionnement est impeccable. Il est imbibé des témoignages de ceux qui, à force de travail, ont gravi les échelons, et vantent le pouvoir centralisé de cette entreprise, ses carrières sans frontières, et surtout ses « peoples » issus de la diversité de la mondialisation, que tout le monde chérit et « qu’ils géraient en tant que professionnels des ressources humaines ». Voilà : les « hauts potentiels » en formation très sélective ici viennent de partout dans ce monde en transformation ! Chacun, lors de repas pris en commun, faisant résonner des anecdotes personnelles à propos de son itinéraire à travers les pays. Comme des habitants de la mondialité, déjà, tel un nouveau continent, le cinquième. Passant tant de temps à voyager, d’où le fait que ceux de Flouseburger passent beaucoup de temps entre eux, des migrants d’un genre nouveau. Des non « Flouseburger » les prendraient pour des fous !
Le stage n’est pas si intensif que ça, mais plutôt interactif. Et c’est ainsi qu’Arthur s’aperçoit que certains, alors que chacun est observé sans cesse, ont droit… à plus d’égard. Et au fil des semaines, il commence à y croire, à s’intégrer au « nous » de la multinationale. C’est-à-dire le partage de la fierté d’être des « hauts potentiels » participant au programme d’élite d’une entreprise exceptionnelle, et se voir déjà avec grande excitation commençant la carrière dans un pays inconnu, voyageant pendant trois ans pour devenir des managers, des décideurs, des têtes pensantes dans cette entreprise multinationale capable de s’adapter aux transformations du monde. Comme si celle-ci allait les jeter au milieu de la piscine, pour savoir s’ils savaient nager dans les fluctuations mondiales des ressources naturelles, et l’intérêt mondial d’une mutation, à propos d’elles. D’où l’oscillation entre la certitude, puisqu’ils sont des « hauts potentiels », et le doute, venant, on va l’entendre entre les lignes même si ce n’est jamais dit, de la ressource naturelle. De la fluctuation inquiétante de sa valeur. D’ailleurs, dès ce stage de formation, ces « hauts potentiels » n’ignorent pas ce motif d’inquiétude : « L’avenir de l’or noir, si radieux quelques jours plus tôt, s’était soudain assombri. Le prix du pétrole, qui semblait devoir grimper sans fin, avait dégringolé… D’insuffisante, l’offre était soudainement devenue supérieure à la demande. Les Chinois ne consommaient plus, les Américains produisaient trop… ». Arthur est jeté presque d’emblée au choc frontal avec la « panoplie des raisons microéconomiques, macroéconomiques, géopolitiques, justifiant l’affolement des investisseurs », c’est-à-dire avec la crise pétrolière. Déjà, il s’aperçoit que son job ne sera pas seulement de recruter et gérer la ressource humaine, mais aussi de licencier ! Pas seulement l’enthousiasme d’être l’un des cadres dirigeants de l’entreprise la mieux gérée du monde, mais aussi l’affrontement des vicissitudes liées à la ressource naturelle et à la mondialisation instable, donc la crise. Il commence à comprendre que l’Odyssée, cela a à voir avec les vicissitudes de la crise, et que cette multinationale, c’est au choc frontal avec ces crises, et ses rebattages de cartes, qu’elle révèle ses qualités face aux transformations du monde. Pour le moment, dans cette formation, s’il commence à saisir que la crise, cela peut être un mauvais moment à passer pour les « peoples », mais s’il y en a qui, fatalement, partent, il y en a qui restent. Et tout le monde, à la fin de la formation d’une semaine, fait la fête, tout en ayant l’air de noyés. Arthur va partir pour son premier poste, à Abou Dhabi.
Lisa y est sa Manager. Tout semble souriant ici. L’émir est sur tous les fronts, annonçant un « ministère du bonheur ». Selon lui, Les Emirats Unis sont la nation la plus heureuse du monde. Même le balayeur sous le cagnard, dans les rues, est heureux. Arthur, à son hôtel, est dans sa bulle d’air conditionné. Hauteur impressionnante des buildings, personne dehors sauf des balayeurs africains, les autres dans leurs belles bagnoles, klaxonnant. Il fait connaissance avec les grands centres commerciaux, les malls comme des ruches de consommateurs, les magasins, il s’émerveille de la diversité pittoresque des gens, comme si cette terre cosmopolite était accueillante à tout le monde. Les Emiriens se distinguant, se faisant des papouilles, comme de vieux amis se retrouvant après une longue séparation. Les femmes, le visage encadré par un voile, sont maquillées avec soin, mais certaines sont ensevelies dans un linceul noir…, un frère, un père ou un mari toujours là pour les guider… Dans les boutiques, les vendeuses sont des Asiatiques… Evidemment heureuses de travailler ici. Quelle belle mosaïque culturelle, commence-t-il à se dire ! La « base de Mussafah » où il va travailler se trouve en banlieue d’Abou Dhabi, dans une zone industrielle, et le décor est plus miteux, des garages crasseux, des bouis-bouis… Le bâtiment de Flouseburger se trouve derrière des barbelés, très sécurisé, et il faut un badge pour y entrer. Arthur doit donner son matricule. Voilà son bureau de « HR Engagement Partner ». Tout de suite, avec la Manager qui l’a conduit à son bureau, en l’entendant parler au téléphone, il comprend que, pour des « security reasons », pour des employés de certaines nationalités, le permis de travailler peut du jour au lendemain être enlevé, et c’est le cas d’une Tunisienne, d’Algériens, Egyptiens, Libyens, Yéménites, etc. Choc frontal avec la géopolitique, et l’instabilité rendant des « ressources humaines » si vulnérables, ce qui, dans ce livre, fait venir à l’esprit du lecteur que dans cette mondialisation, il faut la construction d’un Etat-monde qui crée des lois internationales établissant les droits des humains ! Aux Emirats, seuls 10% des habitants sont des Emiratis, et ils ne veulent pas de désordre chez eux… A Dubaï, il apprend que c’est plus flexible, c’est un émirat moins strict. Donc, la pauvre Tunisienne doit être licenciée ! Arthur apprend tout de suite qu’il a à sa disposition un « tea boy », un Bangladais ! Faisant connaissance avec l’équipe « Immigration », il voit qu’il y a trois Philippines, sémillantes. Ce service est très important, vu les problèmes de visas ici. Voire les problèmes de nationalités, de religions. Les chiites, par exemple, sont vraiment exclus. Et puis, on lui dit qu’ici, il faut faire attention à ce qu’on dit. Dans un autre bâtiment, il y a les gens du business, avec trois grands secteurs d’activité, le « forage », le « sondage », et les managers allant avec. Arthur sera dans le secteur « sondage ». Faisant le tour des bureaux des managers, il les trouve tous très occupés, accaparés par des urgences. Le manager du secteur « sondage » semble très sympathique à Arthur. Il évoque le problème d’Egyptiens et de Yéménites, qui ont été embarqués, devant faire leurs valises dans le mois, leur visa n’ayant pas été renouvelé. La raison officielle est la crise pétrolière, la nécessité de réduire les effectifs. Le client principal de Flouseburger ici est Adnoc, compagnie nationale émirati, et il ne veut plus un seul employé de ces deux nationalités ! On ne sait pas si des considérations géopolitiques tombent à pic au moment où la crise exige une réduction d’effectifs… En tout cas, la multinationale ne peut rien pour ces gens, qui sont leurs salariés, qu’ils devront licencier.
Donc, Arthur est arrivé au moment de cette crise pétrolière, et ses incertitudes. Deux tours jumelles de trois cents mètres, séparées par une piscine olympique, des terrains de tennis, une galerie marchande, des restaurants, un supermarché, des boutiques de luxe, tout ceci encore un peu en chantier, sur une île artificielle qui était reliée par des ponts à l’île principale d’Abou Dhabi. Lisa, la Manager d’Arthur, habite là, mais submergée par le travail elle sort peu, et même ce premier déjeuner avec lui est un luxe. Elle le met dans le rythme de Flouseburger, en ayant à peine le temps d’avaler son sandwich, tout en lui disant de prendre son temps pour avaler le sien afin qu’il comprenne que l’important ce n’est pas de manger, car une urgence terrible, humaine, est dans l’air ! Le siège de Flouseburger aux Emirats est au trente-troisième étage d’une des deux tours, avec tout son état-major, ses directeurs de fonction (ressources humaines, finances, sécurité, etc …), ses experts, ses commerciaux. La vue est imprenable sur le vide alentour. Le vide ! Les équipements informatiques sont tous dernier cri. Moquette, fauteuils design, atmosphère silencieuse, fraîche. Bref, c’est la vitrine de Flouseburger aux Emirats ! Les cadres sont internationaux : la « HR Engagement Manager », Bundi, est Indonésienne, sa subordonnée est Indienne, la femme qui gère le personnel de direction est Saoudienne. Lisa attaque dans le vif du sujet : la chute du prix du pétrole à l’échelle mondiale, d’où la réduction des investissements pour les grandes entreprises pétrolières, par conséquent… moins de contrats pour Flouseburger ! L’action a dévissé. Même si les Emirats sont relativement épargnés, le PDG avait dit que cela ne serait pas sans conséquences sur… les ressources humaines. Bien sûr ! Celles-ci voyaient leur contrat lié non pas à la multinationale qui les avait recrutées, mais aux aléas mondiaux, géopolitiques, environnementaux, commerciaux, de la ressource naturelle exploitée, qui décidaient de leur sort, écrivaient leur destin oxymorique, inscrivaient par la sensation d’instabilité la séparation comme première expérience, en cette mondialisation instable. La multinationale n’y pouvait rien, les effectifs devaient être réduits. Pour le moment, les paroles qu’Arthur entend disent que ces effectifs, aux Emirats, pourraient rester stables… si tous les collaborateurs sont plus productifs, font plus en étant moins nombreux. C’est la grande épreuve pour vérifier l’engagement des salariés, et surtout leur précipitation dans une logique de survie ! Arthur discerne bien le sourire grimaçant sur le visage de Lisa. La morosité ambiante devait afficher le bonheur de travailler, l’optimisme, la foi inébranlable en l’avenir de la multinationale ! Chacun épie les réactions des autres, on se surveille. Mohammed est en charge du recrutement aux Emirats. Lisa lui dit que c’est lui qui doit transmettre encore plus d’esprit positif, pour que ses collaborateurs « s’engagent » plus. On comprend : chacun doit se battre pour ne pas faire partie de la baisse des effectifs. Au contraire, pris dans les vicissitudes de cette crise odysséenne, se préparer à être capable d’être acteurs dans l’imminent rebattage des cartes, locales et mondiales, que la crise attaquant la ressource naturelle provoque. Arthur est mis au parfum : sa formation, son Odyssée, c’est ça, s’il veut réussir à rentrer à Ithaque, c’est-à-dire faire partie des cadres dirigeants de la multinationale, il devra savoir saisir l’opportunité paradoxale qu’est une crise pour faire des propositions pour lesquelles ses études dans la célèbre école l’ont préparé, à savoir à s’adapter aux défis inconnus du monde à venir, de manière à ce que les intérêts de la multinationale, et donc ses intérêts personnels, restent la boussole indiquant le cap, mais comme métaphore de la pulsion de vie luttant contre son anéantissement. Nous lisons entre les lignes qu’Arthur comprend très vite qu’une ressource humaine (dont lui-même), avec l’avènement d’une mondialisation en incessant changement, doit vivre la ressource naturelle, qui lui vaut d’être engagé et de gagner sa vie, comme un Aleph, un objet qui tout à la fois lui donne de quoi bien vivre et peut en même temps devenir un objet introuvable forçant à muter, à migrer vers une autre ressource naturelle ou vers un autre pays, ceci de bas en haut de la hiérarchie des ressources humaines, même si le bas est infiniment plus fragile et éjectable. Donc, Arthur comprend qu’il doit se préparer à avoir des idées en vue du rebattage des cartes, de la restructuration, bien avant que celle-ci soit décidée. L’Odyssée, il sait très vite que c’est cette crise. Et que chacun garde le sourire. Le moment de l’engagement est important. ADNOC, leur principal client, ne veut déjà plus des Yéménites et des Syriens sur le territoire ! Flouseburger doit s’en séparer (même s’ils viennent de pays en guerre), bien sûr en les remerciant pour leur… engagement. Cela tombe bien, en temps de crise, cette réduction de personnels pour un motif qui semble géopolitique… La lettre de licenciement est déjà écrite. Le travail d’Arthur sera lié à ces licenciements. Il y en a beaucoup dans son… périmètre ! Sa formation a à peine commencé qu’il comprend que la première chose à savoir, c’est que la ressource humaine, que ce soit lui-même ou celle qu’il recrutera par la suite, est irrémédiablement confrontée à l’instabilité, aux changements qui affectent la ressource naturelle, comme ses fluctuations en bourse, etc. A Abou Dhabi, il est présenté comme « Odyssée RH » en charge de la division sondage. Sous ses yeux, Arthur voit un manager aux prises avec un manque de personnel, du fait de ces licenciements qui commencent afin de pallier la perte de chiffre d’affaires à cause de la chute en bourse de l’action pétrole, c’est-à-dire de la politique internationale. Arthur a préparé les lettres de licenciements. Saad est un ancien et brillant collaborateur, mais il est licencié. Comme quoi, Arthur en est témoin, aucune ressource humaine, quelle que soit sa position dans la hiérarchie, n’est à l’abri ! Pour toute indemnité, il reçoit de quoi… payer son billet d’avion !
Avec Nourredine, Arthur a la chance d’être en contact avec un manager de base, proche des « clients », du « business », un homme des déjeuners. Ils mangent ensemble, et il lui parle de la situation tendue. C’est de moins en moins possible de recruter, vue la crise, alors que lui, pour le « business », il a besoin de ressources humaines, d’où la dégradation par manque de personnel, par réduction de tout, de matériel, etc. Il doit demander des autorisations pour tout. Arthur voit, à travers les paroles du manager, les effets réels de la crise : cette désorganisation du travail.
Le Boss est content de la réactivité, en ce temps de crise, de la manager Lisa, qui a bien géré les licenciements ! Il a un regard de propriétaire sur ses cadres ressources humaines gérant les ressources humaines aux prises avec les aléas de la ressource naturelle en fonction de la politique locale et de la géopolitique, ainsi que des changements et mutations forcées planétaires. Trente-sept départs ont déjà causé un trou problématique pour l’organisation du travail. Perte désorganisatrice de main-d’œuvre. Et difficile d’avoir, localement, les autorisations pour recruter. Il y a une infinité de « directives », chez Flouseburger, des codes internes valables en tout lieu. Et les demandes d’exemptions du gel d’effectif passent par ce système kafkaïen. Et là, Arthur comprend que cela navigue dans un enchaînement hiérarchique jusqu’au plus haut niveau, très lentement, et en altitude, les personnes sont très occupées, le « problème » est balayé devant d’autre impératif, tout ça pour dire finalement… qu’on peut aussi s’en sortir avec moins de main-d’œuvre. C’est le but, cette diminution d’effectif ! Et la surutilisation de la ressource humaine qui a « la chance » de rester. Mais la conséquence est, en ce temps de crise, la désorganisation du travail, la colère du « client », et si celle-ci semble ne pas peser dans le rebattage des cartes que l’on sent, n’est-ce pas que la multinationale a déjà en vue autre chose, sans états-d ’âme ?
Arthur, sensible à la désorganisation ambiante, et à l’inhumanité des licenciements, se bat pour qu’en soient exemptés certains salariés. Finalement, il réussit pour quatre personnes. Il est content, justement en ce temps de crise, et il a envie de mettre en avant sa réussite, qui visait à limiter la désorganisation du travail à Abou Dhabi. Mais c’est le choc frontal avec le rejet, finalement, de l’enregistrement de ces quatre personnes ! C’est une situation kafkaïenne ! Arthur croit pouvoir tout résoudre par le dialogue, mais son interlocutrice, une Chinoise, s’avère très mutique. Dans les hautes sphères, on avait décidé qu’en cette période de crise, il fallait un rempart de zèle contre toutes « pleunicheries », « sollicitations » ! Mais on lui laisse croire qu’en sollicitant un plus haut personnage, il pouvait encore gagner. Donc, Arthur s’adresse à Lisa, qui lui parle de ces quatre personnes qui n’existent pas dans le système, donc qui ne peuvent être ni payées ni être licenciées. Du Kafka ! Car seule la crise décide ! Avec la crise, ce qui importe est que le business navigue à vue, idem le chiffre d’affaires, de sorte que les recrutements approuvés ne peuvent plus l’être en regard des résultats en baisse ! Lisa tente de dire qu’on ne peut pas laisser ces quatre personnes dans les limbes ! Elle promet de discuter encore, et Arthur veut y croire. Lorsqu’il réussit enfin à l’avoir au bout du fil, il sent une gêne. Et elle dit que les quatre recrutements, ce n’est pas possible de les garder ! Arthur rétorque que ce n’est pas légal : mais si, répond-elle, puisqu’ils sont en période d’essai… ! Et comme ils ne sont pas dans le système, aucun paiement ! En cette situation de crise difficile, il faut faire des choses difficiles, Arthur doit le comprendre. Il doit aller annoncer la « nouvelle » aux quatre recrues dont le sourire est radieux, avant la chute !
Le client principal de Flouseburger ne renouvelle pas le contrat. La multinationale était persuadée que ces « Bédouins » ne pouvaient pas se passer d’elle ! Fouseburger a perdu, en refusant de baisser ses marges ! La multinationale comptait sur sa réputation d’excellente organisation, face à ces « cocos » désorganisés et dépensiers ! Elle comptait sur son coup de poker viril contre « le bluff bédouin ». Mais cela n’a pas marché ! Conséquence : une liste dite « delta » est mise en place, mystérieuse, que seuls les initiés connaissent, dont la finalité est de « dégraisser ». Une liste contenant les noms de tous ceux qui doivent être licenciés. Officiellement, elle doit servir à rembourser le coût du licenciement, pour que celui-ci ne soit pas à la charge de ceux qui licencient en affectant le chiffre d’affaires. De quoi licencier l’esprit tranquille. Mais, officieusement, cette liste sert à autre chose : la vérification des objectifs ! Le « HR Engagement Manager sondage du Moyen-Orient », une Chinoise, exige de chaque pays une liste proportionnelle à la diminution de leur chiffre d’affaires. Les noms concernés auront bientôt disparu du « système ». Aussi vite que possible… Aux Emirats, jusque-là épargnés, la liste delta est préparée en urgence. Même si le job sera difficile à effectuer, avec tant de gens en moins ! Pour que la « marge » de bénéfices ne soit pas affectée, malgré la baisse des prix du pétrole ! La manager chinoise, pour ce plan d’action, avance comme les chars place Tien’anmen. Arthur apprend qu’un manager digne de ce nom ne saurait être protecteur et magnanime. Qu’il faut toujours réagir sur la réalité du moment. La qualité des opérateurs, des ingénieurs, n’entrent pas en ligne de compte. Il s’agit de toujours anticiper vite. Arthur sait qu’en même temps que la crise, la multinationale est déjà en train de changer en profondeur son organisation, sa manière de travailler, que cette crise est aussi un rebattage des cartes. Mais il tente de « sauver » un peu la perte des effectifs, faisant entendre sa voix dans les remous de l’Odyssée. On devine que le futur manager qui aura sa place dans la nouvelle organisation est en train de se faire connaître. Et il ne lui échappe pas que la manager chinoise laisse apparaître sur son visage une esquisse d’estime, mêlée à sa colère en le voyant batailler avec son plan d’action destiné à sauvegarder les « marges ».
Arthur roule au volant de sa voiture parmi les Lamborghinis, les Ferraris, les Jaguars, les Fords Mustangs. Baudouin Louvigné est un excellent peintre du pays où son personnage fait sa formation, comme Arthur devra « sentir » parfaitement, tel un poisson dans l’eau, dans une science des sensations pour boussole, chacun des pays où il sera en mission de RH Manager. La chaleur suffoque la ville, les trottoirs sont déserts à part les métèques que sont les immigrés de seconde zone, Indiens, Philippins, Africains, les voitures de luxe semblent des utérus fonctionnels suaves de fraîcheur dans le vacarme de cet enfer. Parfois, le week-end, il roule vers Dubaï, dans une absence de paysages, suivant un vide horizontal. Bien sûr, pour conduire, il a dû faire une formation de deux jours aux « techniques de conduite intelligente » sans quoi il n’aurait pas eu le droit de se garer sur la base, des règles que personne à Flouseburger ne peut se permettre de violer, la plus infime déviance faisant l’objet d’un rapport comme si c’était une affaire d’Etat, car le résultat « sécurité » ne saurait jamais être insignifiant, valeur fondamentale de l’entreprise, c’était dans la logique du « qui vole un œuf vole un bœuf ». Grâce à la liste delta, il a pu bénéficier de la place de parking laissée vacante par un « licencié » qui y figurait… Le manager responsable de cette « sécurité » parait à Arthur jouir follement de son pouvoir, épiant la plus petite déviance des conducteurs, tel un mâle dominant, en fantasmant qu’en exécuteur qui en faisait presque plus que demandé, il gravirait vite les échelons, sa mégalomanie était infantile. Ce jour-là, Arthur a en tête l’accident d’un manager, un très brillant élément de la multinationale, qui a commis un péché mortel en regard du respect des techniques de conduite intelligente : il s’était retrouvé gravement blessé à l’hôpital, parce qu’un chameau avait brusquement surgi sur la route, la collision fut inévitable, donc c’était l’animal le fautif, mais pourtant c’était lui le coupable, parce qu’il conduisait avec son portable allumé, néanmoins sur vibreur, et il n’avait jamais répondu à aucun appel ni passé de coups de fil en conduisant. Mais un accident, dans la multinationale, c’était un cataclysme ! Heureusement, le manager avait la vie sauve. Mais en regard des règles sacrées de la sécurité, rien ne pouvait le sauver, surtout en ce moment de crise, où il s’offrait en bouc émissaire comme un licencié méritant de figurer dans la liste delta ! Arthur croit encore le sauver, en plaidant sa cause auprès du manager responsable de la sécurité en matière de conduite, en dénonçant le vrai coupable, le chameau ! En vain. Arthur a beau aller plaider sa cause auprès de sa manager, celle-ci rétorque que le malheureux conducteur, n’ayant pas éteint son portable, avait pu être déconcentré par des appels en absence, qui étaient effectivement arrivés. Etant donné que c’était un véhicule de l’entreprise, il aurait dû obéir à la règle. Toujours une logique kafkaïenne. En cette période de crise, pour tuer son chien, il suffisait de prouver qu’il avait la rage, c’est-à-dire le virus de la déviance par rapport aux règles sacrées de sécurité. De plus, il était manager, donc il devait faire preuve d’exemplarité. Arthur, au cours de cette formation « exigeante », apprend les « subtilités » kafkaïennes « aidant » les inévitables baisses d’effectifs, si les fluctuations de la ressource naturelle menaçaient le chiffre d’affaires de la multinationale, et donc menaçaient aussi les intérêts personnels du manager qu’il sera, qui en tant qu’appartenant aux ressources humaines tout en les recrutant, pouvait aussi faire partie de la liste delta des licenciés. Sa manager lui fait comprendre qu’il doit savoir sortir des pièges inhérents à son Odyssée. En ayant la conscience tranquille, puisqu’il aura essayé, il ne sera pas resté indifférent au sort du manager licencié par la faute d’un chameau ! Mais obéissant à l’objectif de la multinationale dont il doit rejoindre l’Ithaque, devenir l’entreprise la mieux gérée du monde, c’est-à-dire dont le chiffre d’affaires ne sombre jamais malgré les tempêtes de la valeur de l’action de la ressource naturelle qui font tanguer son bateau, insubmersible heureusement. Arthur rassure sa manager : il comprend. Inutile de se compromettre pour son collègue malchanceux. Il est plus important pour lui de conserver l’estime de sa manager ! Il songe à ses nouvelles aventures, à sa future montée en grade, tandis qu’en pensée il monte déjà dans le train en marche de la réorganisation.
Donc, il ne s’agit plus que de la réorganisation ! La mappemonde de la multinationale sera bouleversée, les frontières retracées, des zones géographiques effacées, tout sera centralisé à Houston, grand centre stratégique. Ce qui signifie une grosse vague de licenciements ! Chacun se demande comment il va survivre, s’il aura une place dans le nouvel organigramme, et à quelle hauteur dans la hiérarchie. Dans la fourmilière, l’excitation anxieuse va de Charybde en Scylla, puis de la peur à l’espoir ou inversement. Arthur comprend qu’il s’agit de prendre du poids ! Dans la nouvelle organisation, modernisée, les ressources humaines seraient utilisées de manière optimale tout en fournissant un service excellent. Elle doit gagner en souplesse auprès des « clients » ! Tout cela parce qu’il s’agit de faire face au « nouveau monde d’aujourd’hui », plein certes d’incertitudes, mais… surtout… d’opportunités ! Les zones allaient être divisées en deux grands hémisphères, celui de l’ouest (Amérique du nord et du sud), celui de l’est (le reste du monde, vaste Orient), chaque hémisphère étant divisé en nouvelles régions. Tout sera en synergie, ce qui donnera la force pour affronter le futur. Présidents et vice-présidents des deux hémisphères seront tous basés à Houston. Les Emirats arabes Unis ne seront plus indépendants, mais feront partie d’un ensemble plus grand, un puzzle formé par l’Irak, le Koweït, le Qatar, Oman, le Pakistan. En attendant, chacun doit se « superformer » ! Toute l’organisation actuelle devra disparaître, pour se fondre dans la vaste nouvelle région. Les managers, sentant leur abyssale vulnérabilité, se demandent si, étant déjà sur place, ils seront privilégiés dans le rebattage des cartes. En attendant, les coûts pour le travail encore en cours doivent être réduits de manière drastique. Climat de guerre totale, plus de sucre dans le café, plus de vacances, rythme délirant de travail, matériels qui manquent, désorganisation tel un programme d’apoptose en cours. Des managers susceptibles de nuire à la nouvelle organisation seraient déjà sur une liste « alpha » en partance pour le néant, comme il y avait la liste « delta ». La manager d’Arthur essaie de garder le sourire. Son enthousiasme est forcé, pour faire des injections de bonheur au travail, dans tant d’incertitude et de vulnérabilité. Elle voit la comète de la main-d’œuvre radieuse en train de s’en aller. Elle pressent qu’elle-aussi est une comète manager en partance… Mais elle annonce à Arthur qu’il y a plein de feed-back positifs, à son sujet ! S’il continue comme ça, il aura des opportunités ! Il comprend qu’il est de ces talents en train de grandir ! Mais il tremble en pensant qu’il n’est pas passé loin de la porte, que d’autres candidats de l’Odyssée n’ont sans doute pas eu la même chance que lui.
Depuis Houston, se fait une conférence téléphonique avec l’ensemble des managers de l’hémisphère est. Le président a un message important à faire passer. L’éthique de la multinationale. C’est-à-dire l’obéissance aux règles financières, aux normes en matière d’immigration, de droit du travail, de respect de la concurrence, de promotion de la diversité, le respect des autres. Ceci fait que les clients, partout dans le monde, reconnaissent Flouseburger comme une entreprise intègre, qui a des principes. C’est toujours ce qui paye. Tous doivent connaître le Code d’éthique ! Derrière, il y a des managers qui ont été licenciés parce que par exemple n’ayant pas été à la hauteur quant aux règles financières… Les « enquêtes éthiques » vont provoquer des vagues de départs… Chacun tremble d’être pris pour une brebis galeuse, violant les règles d’éthique fondamentales. Si un trimestre, les résultats ne sont pas bons, c’est la porte. L’inquisition semble partout. Dans la nouvelle organisation, chacun est prié de renouer avec le « winning spirit » de Flouseburger ! Ouste, les « râleurs rétifs au progrès », les « losers », qui s’accrochent au passé au lieu d’embarquer direction le futur !
Le nouveau « EME Director » veut transmettre à ses troupes sa passion pour la multinationale, et son énergie débordante, leur insuffler la fierté si mise à mal par la crise, pour ce nouveau départ dans un rebattage des cartes. Il veut incarner l’exemplarité, afin qu’elle passe par transsubstantiation en chacun. Alors même que les choses ne vont pas bien, à Abou Dhabi. Le manager avait été licencié, après que des gens d’Houston étaient venus le voir, et lui avaient pris son badge. Le nouveau manager plaît beaucoup à Arthur. Il incarne le visage de l’opportunité à saisir pour monter dans le train du rebattage des cartes, et réussir son intégration dans Ithaque. En plus d’être un vrai « citoyen du monde », il est Français. Il sent une vraie proximité entre eux. Ils aiment se rencontrer. Il a du respect pour un bosseur comme Arthur. Une preuve qu’il avait acquis « l’esprit Flouse », c’est-à-dire la volonté de se dépasser, à tous les niveaux de la hiérarchie. Il fallait que tout change tout de suite, innover en permanence, conquérir littéralement le futur ! Si on n’avance pas on recule ! Face à ce « winner », Arthur doit bien saisir l’invitation à avancer ! Il s’agissait de requinquer les différents pays de la région tellement mise à mal par la crise. Donc, appel aux trouvailles ! Il s’agit notamment de récupérer le client principal, la compagnie pétrolière qui avait quitté Flouseburger, en lui en mettant plein la vue ! Arthur est sur les starting-blocks. Il sent que là est sa carte à jouer ! D’autant plus que sa manager est malade, a disparu… La rumeur dit qu’elle a été transférée… dans son pays d’origine ! Arthur se voit bien à la tête des Emirats Arabes Unis. Le nouveau manager demande son avis sur l’état d’esprit dans la base. Arthur fait très attention à sa réponse, est très prudent, tel Ulysse qui veut bien terminer son Odyssée. Oui, dit-il, les gens ont été affectés par la crise, mais ils voient la lumière au bout du tunnel, et il vante l’effet positif du meeting que ce manager avait organisé. D’où la hâte de tous à participer à la reprise ! Et puis, il y a un manque de matériel… Le manager comprend ce qu’Arthur fait attention de ne lui dire qu’entre les lignes, à savoir qu’il y a un manque d’énergie, d’engagement. Le laisser-aller. Ce qui manque, dit-il, c’est la planification ! Il faut inventer un nouveau modèle de travail ! Cela ne va pas tomber dans l’oreille d’un sourd, avec Arthur ! Le manager compte sur lui ! Il faut qu’il soit l’un des hommes forts dans la fonction RH, lui chuchote-t-il à l’oreille. Ithaque est en vue !
Mais il doit d’une part affronter une dernière épreuve, et d’autre part prouver qu’il a sa place parmi les cadres dirigeants de l’Ithaque qu’est la multinationale réorganisée, devenant l’entreprise la mieux gérée du monde, à savoir sachant rebattre ses cartes chaque fois qu’une crise secoue le monde, qu’elle soit géopolitique ou bien s’attaquant à la ressource naturelle et à ses mutations nécessaires à la sauvegarde d’un futur pour la planète et l’aventure humaine. D’abord, c’est le choc frontal avec une question éthique, en sachant que c’est une valeur sacrée pour la multinationale. Salah, le responsable des services généraux de la base, supervise, tel un roi, son équipe, dont beaucoup d’intérimaires bangladais, qui est occupée à la démolition d’un bâtiment, ceci dans le cadre de la réorganisation. Il a l’art de faire travailler les autres, en vrai chef, faisant le roi, cet homme qui a commencé au bas de l’échelle. Tout en ayant l’air d’être empathique à chacun, demandant des nouvelles des familles, de la santé, etc. Il devait juste montrer qu’il était là. En réalité, il faisait le tampon entre le silence des puissants quant à ses demandes de plus de personnel, et les exigences de performance de la multinationale, en disant que l’important c’était l’esprit d’équipe, l’entreprise comme une divinité. Lorsque le manager lui avait demandé de s’occuper avec son équipe des nouvelles constructions et d’abord de la destruction d’un bâtiment, il avait dit qu’il y arriverait, tout en sachant que d’autre part, une bureaucratie kafkaïenne allait empêcher d’avoir le permis de démolition et de construire. Et dans ce flou, les Bangladais étaient déjà au travail. Il se sentait tout puissant, en les regardant : c’est lui qui soulevait ces masses humaines ! C’est lorsqu’il débuta, dans le désert, trimant autour d’un puit de pétrole en cramant au soleil, et qu’il vit son manager le regarder travailler, bien au frais, qu’il commença à avoir envie de ne rien faire, lui aussi ! Mais l’étage des managers lui était interdit, il était réservé aux diplômés d’écoles prestigieuses pour « hauts potentiels » seuls capables d’assumer les fonctions d’encadrement. Mais Salah a l’art de se débrouiller autrement. En faisant des courbettes. Le contexte de crise exigeant des licenciements dans cette base, le PDG s’était dit que ce serait bien d’engager Salah dans l’affaire ! Celui-ci était fier de ces « responsabilités » à lui confiées. Et vit qu’il pouvait s’octroyer une entorse à l’éthique de la multinationale. Puisque l’on démolissait un bâtiment, tout le mobilier ne servait à rien, et il pensa qu’il irait parfaitement dans sa ferme ! Même si ceci était interdit, selon l’éthique. Il lorgnait les chaises, les tables, les fenêtres, tandis qu’il édictait les règles de sécurité à ses hommes, afin que chez Flouseburger, aucun accident de travail n’arrive jamais. Il semblait être sûr de pouvoir se permettre de meubler sa ferme sur le dos de la réorganisation de la multinationale, qui requérait cette démolition. Arthur aurait dû s’interroger sur les raisons d’une telle certitude d’être intouchable…
De son côté, Arthur se concentre dans son bureau, préparant une présentation sur « les progrès de la transformation aux Emirats », se voyant déjà à la tête de cette région ! Le voilà qui dessine une fresque pleine de chiffres, d’images, de challenges, de solutions, faisant des diagrammes, des courbes, mettant des couleurs où domine le bleu Flouseburger, ayant tout vérifié minutieusement, le tout apparaissant parfaitement équilibré, frôlant la perfection. Un manager surgit alors qu’il fignole son œuvre, et, très obéissant quant à l’éthique de la multinationale, il s’épanche auprès d’Arthur à propos du larcin de Salah, qui s’empare des meubles pour son usage personnel. En un mot, il cafte. D’autre part, il s’est aperçu que Salah, qui avait dit qu’il s’en occupait, avait fait démolir le bâtiment sans avoir eu de permission, donc que d’inacceptables manquements à l’éthique ! D’abord, il pensa que Salah avait des amis dans l’administration, qu’il n’y avait pas de problèmes. Arthur est dérangé. C’est l’ultime secousse de son Odyssée, ce face à face avec l’éthique. Que faire ? Déjà, il avait noté qu’alors que tout manquait, dans ce contexte de réductions drastiques des dépenses, même de café, Salah avait sa réserve personnelle. Sa « débrouillardise » est mystérieuse. Voire très louche. Ce type qui n’avait aucune chance de promotion, c’était écrit dès sa naissance, avait-il inventé une autre façon de lutter contre l’anéantissement ? En tout cas, Arthur n’est pas surpris par son chapardage. Que Salah avait accompli en pleine lumière, au vu de tous ! Se sentait-il intouchable ? Sachant la tolérance zéro en vigueur ? Et tandis qu’il n’avait pas hésité à virer un Bangladais qui avait volé du lait ! Tout le monde sait que Salah vole, il y a eu même des remontées dans le « système », et pourtant le coupable n’avait jamais été inquiété. Quelle était sa protection. Arthur aurait dû avoir la puce à l’oreille. Mais dans un premier temps, il fonce tête baissée, très obéissant, sur le fait que c’est une violation du code d’éthique, et il déclare que ce sera vite réglé. Avec la plus grande fermeté. Et il fait faire une minutieuse enquête, pour avoir des preuves. Tout en ne pouvant s’empêcher d’être inquiet, il était seul pour cette décision, ce qui anticipait sa future fonction de chef ! Mais son manager, allait-il mal prendre sa prise de liberté de mener ces investigations. Sentiment de marcher sur des œufs. De prendre des risques inconnus, juste avant sa promotion probable ! Puisque son manager avait beaucoup apprécié sa présentation, le « sang neuf » qu’il prouvait ainsi qu’il incarnait. Il se voit entre Charybde et Scylla : s’il ne dit rien, il est complice de la violation de l’éthique ; s’il parle et même s’implique dans le licenciement de Salah, il peut se heurter à la protection louche dont il semble bénéficier, et c’est lui qui sera éjecté juste avant de rentrer à Ithaque ! Il doit voir son manager. Invité dans l’antre du pouvoir, il s’attend à la bonne nouvelle, la promotion attendue, dans la nouvelle organisation de la multinationale. Il ne peut s’empêcher, en même temps, de penser à sa manager, qui avait disparu depuis quelque temps pour raison de burn-out, donc qu’on pouvait être brillant, et ne plus en être ! Il est donc inquiet. Il entre dans le saint des saints, qui lui était resté caché jusque-là. Le haut manager l’invite à s’asseoir près de lui, à ce grand bureau ovale. Tout de suite, il est question de sa manager disparue, justement : elle manquait d’expérience, pour ce job « d’envergure » ! Il faut avoir les reins solides, pour cette réorganisation ! Ce sera la manager chinoise qui la remplacera ! Puis il est question de son cas à lui ! Qui a prouvé, dans cette Odyssée, qu’il saurait faire bouger les lignes, transformer « the way we vork », dont il a fait une si brillante présentation. Dans l’enveloppe, il lit qu’il est nommé Manager pour la stratégie des ressources humaines aux Emirats ! Il avait obtenu en un an ce qu’il pensait avoir au bout de trois ans. Inespéré ! La multinationale sélectionnait vraiment les meilleurs ! Tout à coup, le manager qui lui a annoncé sa prestigieuse nomination devient froid ! Il est question de Salah, des investigations d’Arthur, des faits de violation d’éthique qu’il avait fait remonter jusqu’à Houston ! Le manager le félicite pour sa rigueur en matière d’éthique, non sans lui faire comprendre qu’il aurait dû lui en parler, avant d’alerter Houston ! Mais le manager temporise, disant qu’il avait fait de son mieux en période difficile. Il fait lui aussi l’hypocrite, en se disant choqué par le larcin de Salah. Dit qu’il est allé lui parler d’homme à homme. Mais Arthur se souvient d’avoir remarqué combien Salah traitait maintenant froidement celui qui avait parlé, à propos de ses larcins. Qu’est-ce qui avait froissé Salah, quelle était la faute de celui qui l’avait dénoncé, quelle était cette protection mystérieuse ? Le manager témoigne à Arthur de sa conversation d’homme à homme avec Salah. Et la version « officielle » tombe : Salah, en vérité, s’il avait chargé dans deux camions les meubles, c’était pour un cheikh local, le voisin de sa ferme, « quelqu’un d’important qui pourra nous rendre service un jour ». Bien sûr, Arthur comprend que c’est faux, mais aussi quelle est la nature de cette protection qui faisait que Salah lui avait toujours semblé louche. C’était qu’il était un homme qui avait sur se rendre indispensable aux intérêts de la multinationale par ses relations aux hommes importants locaux, ces cheikhs, ces politiques ! Voilà l’ultime épreuve de son Odyssée, pour Arthur ! Pour faire son job de Manager aux Emirats, il devra veiller à ce que certaines ressources humaines aient cette qualité-là, ces relations avec les personnages politiques puissants du pays étranger client. Si les Bangladais, les Indiens, les Africains, les Pakistanais, les Yéménites, etc. peuvent être éjectables facilement, et même des RH ayant fait brillamment leurs preuves, il y a certaines personnes semblant restées en bas de la hiérarchie qui ont su, dans l’ombre, se rendre non licenciables par leurs liens avec les personnages locaux puissants ! La leçon pour Arthur, c’est que le Code d’éthique peut, dans certains cas, admettre des entorses. Ayant intégré cette dernière « formation », Arthur s’apprête à rentrer à Ithaque ! Son rêve est réalisé : il est Manager formé à la nouvelle mondialisation instable, et aux transformations et mutations qui s’annoncent vitales.
Alice Granger
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