samedi 4 mars 2023 par Jean-François Ponge
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Les Arènes, 2017, 334 pp., traduction de Corinne Tresca
La vulgarisation est un art difficile. Comment faire passer la connaissance scientifique, bardée de concepts et de mots savants, dans le langage courant ? Peter Wohlleben, fort de son expérience personnelle de forestier allemand, de sa curiosité insatiable et de ses nombreuses lectures, a réussi son pari. Il met à la portée de tout lecteur, un tant soit peu curieux de nature, les connaissances les plus actuelles concernant les arbres de nos forêts, de nos parcs, de nos avenues. Le végétal, que l’on croyait, jusqu’à une période très récente, dépourvu de sensations et de communication sensorielle, s’avère un être capable d’un comportement social, au même titre que nombre d’animaux et, bien entendu, les humains. À l’aide de nombreux exemples concrets, les notions les plus complexes sont abordées, abondamment illustrées, non pas à l’aide de schémas, à la véracité souvent discutable, mais de photographies (de toute beauté) montrant l’arbre tel que l’œil du promeneur est capable de le percevoir. Hêtres aux mille couleurs, ombre et lumière des sous-bois, parures hivernales de neige et de glace, illustrent le propos, axé sur les mille et une façons qu’a l‘arbre de s’adapter aux contraintes du milieu, à la lutte incessante contre les maladies, les tempêtes, la concurrence des autres espèces voire de ses propres congénères. Un propos volontairement emprunt de que l’on appelle en termes savants l’anthropomorphisme, cette façon de prêter à des êtres vivants des sentiments humains dans un souci de pédagogie. J’ai particulièrement apprécié cette image forte, lorsque l’auteur dit "Les arbres urbains sont les enfants des rues de la forêt", montrant ainsi que l’absence d’apprentissage et de liens sociaux acquis au sein de l’écosystème forestier fragilise ces individus voués à une mort précoce dans un environnement hostile. Le message que veut nous délivrer cet auteur, au-delà de la poésie des mots et des images, est un message profondément naturaliste, aux antipodes de la pensée utilitariste qui prévaut, aujourd’hui plus que jamais, dans la façon de gérer nos forêts. Un profond respect de la nature qui ne plaira pas à tout le monde, à contre-courant d’une écologie centrée sur l’homme et ses besoins (illustrée par le fameux adage "préserver les générations futures"), mais doit nous faire réfléchir avant que nature meure…
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