samedi 20 mai 2023 par Jean-François Ponge
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Philippe Picquier (collection Picquier poche), 2011, 349 pp., traduction de Prune Cornet
Un roman sur la condition de la femme chinoise, en prenant comme exemple trois jeunes filles de la campagne chinoise, venues à Nankin pour échapper à la malédiction qui frappe leur famille, et plus particulièrement leur père, incapable de "fabriquer" un garçon. Méprisées, les filles, que l’on appelle par dérision des "baguettes" (par opposition aux "poutres" que sont les garçons), sont à peine tolérées et vouées aux travaux les plus pénibles. Dans leur famille on n’a même pas pris la peine de leur donner un prénom à leur naissance : elles sont donc appelées par un numéro, correspondant à l’ordre de leur naissance. Car on ne transige pas avec la tradition dans ces coins reculés de la Chine profonde où les mentalités ne semblent pas avoir évolué depuis des siècles voire des millénaires. Arrivées dans la grande ville, Trois, Cinq et Six vont devoir se débrouiller pour gagner leur vie, et elles vont y parvenir très vite, y compris Trois, qui n’a pourtant jamais été scolarisée, ne sait pas lire, et passe pour une idiote. Débrouillardes, elles vont "faire leur pelote" et apporter une aide financière bienvenue à leur famille, où elles seront enfin reconnues pour leur valeur et permettront à leur père de sortir du déshonneur. Le roman se lit aisément et l’empathie est totale avec les trois héroïnes, dont on suit pas à pas les tribulations jusqu’à leur retour triomphal dans leur village natal. Hélas, ce tableau idyllique, et cette défense, empreinte d’une touchante sincérité, de la condition féminine, laisse un goût bizarre lorsque l’on compare ce destin exemplaire à la vie des personnages réels ayant inspiré le roman, rapportée avec honnêteté en fin d’ouvrage.
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