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Les bonnes intentions - Agnès Desarthe
dimanche 3 décembre 2023 par penvins

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Et si on relisait ce livre à hauteur de la littérature jeunesse, si on y voyait une sorte de conte mettant en scène non pas simplement l’ensemble des habitants d’un immeuble, tous copropriétaires, mais si on y lisait la métaphore d’un pays - voire d’une planète - dont les habitants sont pleins de bonnes intentions qu’ils ne parviennent pas à traduire en actes, des chrétiens [c’est peut-être cela le christianisme, me dis-je. Ce choix contre nature d’aller vers le plus faible] des chrétiens de bonne volonté en proie au racisme du plus ordinaire au plus violent. Le fils de Sonia, Moïse, demande à sa mère un soir d’élection : Si l’extrême droite est élue, est-ce qu’on partira tout de suite ? Celle-ci refuse d’en admettre l’éventualité, de la même façon qu’elle n’a pas osé prononcer le mot couscous devant le voisin qu’elle nourrit. Sonia essaie de se convaincre que deux et deux font cinq « parce que c’est plus joli » elle ne veut pas voir la méchanceté des humains, préfère se couvrir les yeux, le parallèle avec l’attitude des Français pendant l’occupation est plus que sous-entendu. Ceux qui ne voient pas ce qui se passe sont invités à faire un détour par la Banque des yeux (pour rappel dans l’immeuble au 2e à droite).
Sonia [la narratrice] nourrit d’un couscous son voisin M.Dupotier [L’auteur le présente ainsi : - pyjama rayé, debout face moi, maigre comme un héron, il a l’air désorienté - on ne peut s’empêcher de penser à un rescapé des camps nazis]. Le vieil homme est resté seul après la mort de sa femme, aussitôt après lui avoir donné ce couscous, Sonia prend peur d’avoir ouvert une brèche, elle craint de devoir renouveler son geste tous les jours, mais la haine cette fois se reporte sur elle, une femme avec l’appui de la concierge entend interdire aux copropriétaires de nourrir le vieil homme. Comme un déclic la narratrice s’oppose fermement à ceux qui veulent l’empêcher de porter secours à M. Dupotier victime de la « méchanceté » de celui qui est qualifié de gros porc, le même qui demandera au mari de Sonia :
- Tu es juif toi ?
Julien ne répond pas
- Tu sais ce qu’on leur fait aux juifs chez nous ?

Sur fond de montée de l’extrême droite ce petit roman publié en 2000 fait semblant de se demander jusqu’où on peut se permettre d’être indifférent au sort de ses voisins et démontre avec légèreté quelles sont les conséquences d’un petit confort qui se satisfait de rester aveugle à toutes les haines. Puisse cette littérature nous éviter d’avoir recours à la Banque des yeux.



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