Ouvrage publié chez Les Impliqués, Editeur
dimanche 28 janvier 2024 par Françoise Urban-MenningerPour imprimer
Après "Zone blanche", Pierre Personne, qui se qualifie de "journaliste de l’intemporel d’un temps que ne passe pas_ ou de celui qui s’éternise entre les lignes de front et lignes de vie...," reprend la plume pour dénoncer, comme Désiré dans sa gazette, le monde qui est devenu "un train fou lancé à toute vitesse vers l’abîme..."
Dans une série de contes qui tiennent tout à la fois de l’onirisme et de la science-fiction, Pierre Personne explore tous les champs du possible et de l’impossible. C’est ainsi qu’une jeune femme venue "de la dernière pluie ou du premier matin d’avant le commencement" lui octroie la grâce de "l’inespéré", voire "d’un chemin dans le bleu".
Mais nous savons tous que la réalité dépasse la fiction et les rêves, ainsi "la guerre sans nom" se transmute-t-elle en "Un spectre qui hante notre planète dévastée par la prédation d’une hyperpuissance dissimulée derrière ses sociétés-écrans comme au fond de nos écrans". Nul doute que derrière "Sans voix-le journal qui libère la parole", c’est l’auteur, dans la lignée de George Orwell, qui nous interpelle sous le masque de ses différents pseudonymes. Il tente d’alerter les vivants ou ceux qui le sont encore tout en sachant que les "veautants", c’est ainsi qu’il les qualifie, ont perdu tout esprit critique. En témoignent les guerres qui, "contrairement à certaines amours n’ont rien de platonique", car "elles volent des vies à la Vie" dira l’inconnue sans nom dotée d’une beauté exceptionnelle à la reine "ordonnatrice de la fête perpétuelle" dans le conte intitulé Le Nom perdu de la Beauté.
Eugen Finck l’écrivait "Le jeu n’est autre que le symbole du monde" et Pierre Personne, sur le ton acéré de l’humour noir et de l’autodérision, de mettre en lumière ce jeu de dupes où les décideurs usent "d’une langue de bois mort". Dans ce monde où chacun est pris, voire partie prenante dans un jeu qui le dépasse, il reste le "je" de celui qui écrit ce livre et qui en quelque sorte le délivre de lui-même. On assiste alors à une mise en abîme du livre dans le livre où l’on lit "Justement, son problème, c’étaient les mots, surtout de peu et de rien_ aussi restait-il inaudible et vide, avec ce sentiment du monde entier se retirant de lui..." et plus loin, l’auteur de se dévoiler encore en faisant irruption au milieu d’un conte "C’est précisément pour ça qu’il écrivait : pour essayer de les trouver ces mots de peu qui donnent le feu ou font basculer le monde..." D’évidence ces mots de peu, seul antidote à la lassitude d’une vie faite de désespérance, nous invitent à pénétrer dans ce jardin d’écriture où même la mort n’a pas peur des mots : "Il hésita, puis mit un pied dans son cercueil".
Mais avant "d’entamer son éternité neuve", l’auteur de ces contes, à la saveur douce-amère, nous aura ouvert sa boîte de Pandore où fleure l’entêtante mais envoûtante poésie qu’il ne cesse d’appréhender dans sa quête de la vérité à l’instar d’Icare. Avant de disparaître, Pierre Personne cherche à exister, il avoue entre deux lignes "Il adorait se voir écrire" car nul doute que derrière ces contes, en n’aucun cas à lire en dormant debout, l’être a brisé le miroir du paraître afin d’être sauvé de "l’inexistence".
Françoise Urban-Menninger
toute reproduction ne peut se faire sans l'autorisation de l'auteur de la Note ET lien avec Exigence: Littérature