poésies et photographies, recueil publié chez le glaneur éditions
dimanche 9 février 2025 par Françoise Urban-MenningerPour imprimer
Si le Rhin est propice à la rêverie poétique, il tisse en filigrane la pensée du poète en libérant la magie qui affleure sous les images générées par les flots, car ne l’oublions pas, magie est l’anagramme d’image. Et c’est bien ce que nous donne à voir martin ott dans ce recueil où il préfère s’effacer derrière les lettres en minuscule de son nom et de son prénom en donnant toute la place à l’immensité d’un fleuve qu’il ne désignera qu’avec un R majuscule.
Dans son enfance, martin ott s’est imprégné des légendes afférentes au Rhin qui ont partie liée avec ce qu’il appelle "sa fable rhénane". Ce grand fleuve qui sépare ou réunit deux pays est un "ailleurs où glissaient des bateaux immenses, avec des poissons aussi grands qu’un homme". C’est dans cet "ailleurs", où les mots fusionnent avec magnificence dans la poésie visuelle des images saisies par l’auteur que "le regard s’égare".
Dans sa préface, le poète Jean-Paul Klée s’interroge et nous interpelle "Mais on ne sait pas trop vers où l’on va ?" martin ott ne cesse de "remonter le fleuve" pour "...trouver/ l’ultime goutte/ celle qui scintille encore/ au creux de la première pierre". Cette "remontée" n’est autre que la quête de l’auteur, celle de retenir le temps "les bras suspendus à l’infinitude", voire de renouer avec l’origine puisque l’eau est l’élément premier qui contient tous les autres selon Thalès.
Quand le poète évoque "l’autre rive" qui "demeure impénétrable", il nous donne à appréhender, cet "autre côté", celui qui nous emporte par-delà les mots et les images "au-delà de la masse argentée du fleuve". Car "le fleuve se donne à voir/ seul/ il donne à celui qui sait voir/ voir".
Nul doute que martin ott "sait voir", poète et photographe, il nous invite à ouvrir notre oeil intérieur sur cette musique du monde qui déroule entre les pages de son livre les partitions d’un poème de lumière. Gaston Bachelard définissait la poésie comme "une rêverie qui s’écrit", dans cet ouvrage, elle nous octroie un fabuleux miroir d’eau où les mots nous font plonger corps et âme dans ce que Jean-Paul Klée qualifie d’ "extase" en précisant que "l’extase n’est pas si loin que ça" et martin ott de l’illustrer avec une image où "le ciel n’est jamais loin/ tendre son âme/ s’envoler". Car l’eau qui reflète le ciel devient cet azurage liquide où le poète, passeur de mots, s’immerge pour nous restituer les secrètes affinités qu’il pressent entre son âme et le cosmos.
Alors sans plus tarder, remontons le fleuve "vers l’âme éclaboussée" pour "apaiser du bout des doigts/ la musique du silence" qui s’empare de nous entre les pages de ce livre qui enroule nos états d’âme jusqu’à les dissoudre dans l’élément liquide qui ne cesse de nous émerveiller et de nous remettre au monde "dans les reflets de la mémoire" car Héraclite nous l’avait annoncé, nous ne nous baignons jamais deux fois dans le même fleuve !
Françoise Urban-Menninger
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Messages
1. Le fleuve avec un grand R - Martin Ott, 9 février, 15:11, par Bernard Irrmann
Merci pour cette chronique juste et sensible qui je l’espère donnera au lecteur envie de plonger dans ce recueil.