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Vogelsang ou la mélancolie du vampire - Christopher Gérard
vendredi 4 mai 2012 par penvins

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Je livre ici ma lecture du roman de Christopher Gérard, une histoire de vampire tout à fait singulière. Les histoires de vampires sont chacune très différentes, celle-ci me semble tout à fait à part, mais je ne suis pas un spécialiste de ce genre littéraire. Ici aucun pieu, aucune gousse d’ail, aucun crucifix, les vampires évoluent dans le monde moderne. Le héros je l’ai d’abord cru nostalgique de l’Europe d’autrefois, et il y avait certainement du vrai dans cette première impression, mais la mélancolie c’est quelque chose de beaucoup plus fort, de maladif. Lazlo, alias docteur Vogelsang, n’est pas un simple nostalgique c’est un authentique dépressif. Ce qui m’a frappé en poursuivant ma lecture, c’est cela, il se déprécie, ne se montre pas à la hauteur de son rang, l’auteur le présente sous le regard d’une Rodica qui le méprise. Une Rodica qui, elle, se régale du triomphe de l’infra-musique électronique. Lazlo est un bâtard qui se sent à l’origine de la mystérieuse malédictio qui frappe la Horde. Cette impuissance qui les frappe de se maintenir dans le monde d’aujourd’hui. On apprendra que les vampires sont devenus stériles, tous le sont, mais c’est Lazlo qui représente le dernier espoir pour la Horde de se perpétuer, il s’en montrera incapable et rien que pour cela pourrait être responsable de l’extinction définitive de la Horde.
Ce qui m’a aussi frappé c’est que, alors que le héros romanesque s’imagine bâtard pour n’être pas le fils de son médiocre père mais celui d’un haut personnage, Lazlo tout au contraire, qui aurait pu descendre de sang royal comme sa mère, est né de père inconnu, bien pire d’un mortel. Et cet atavisme est aussi ce qui précipitera la Horde dans le malheur comme on le découvrira à la fin du récit.
Bien sûr il y a une culpabilité qui pèse sur les épaules de Lazlo et le rend mélancolique :
Lazlo goûtait au suprême ces évocations d’un passé presque fabuleux, qui lui rappelaient une douloureuse absence.
Le texte le souligne, le passé n’est pas seulement vécu comme un passé fabuleux, il est aussi le lieu d’une grande douleur. Lazlo garde avec sa mère un lien très fort, n’est-ce pas elle qui lui avait offert ces deux objets symboliques, son rasoir et son stylo ? Mais, surtout, il est tourmenté par son absence lors du naufrage qui a coûté la vie à Théa. Aurait-il pu la sauver, elle, Théa (la Déesse et la mère !) ? C’est ce même lien, cette mélancolie qui l’entrainera dans une passion pour une mortelle. Lazlo n’est pas à la hauteur des Seigneurs, il garde en lui cet attachement morbide des humains à la mère.
Certes, la mort de Théa a été pour moi un drame dont je ne me suis jamais vraiment remis, même si la vie a poursuivi son cours entre les traques, la musique et le sommeil qui tout répare.C’est ce qui me fait dire que ce roman de vampires est plus qu’un autre un vrai roman, un roman où l’auteur exprime une vérité toute personnelle.

Il faut insister, également, sur l’appellation retenue pour nommer les vampires : ce sont des Seigneurs – jeu de mot facile, bien sûr, mais qui renvoie également à une expression connue. D’une certaine manière, ils sont de la Race des Seigneurs et on ne sera pas moins troublé de constater que l’ennemie dont Lazlo tombera amoureux porte au cou une hache à double tranchant, autrement dit une francisque. Tous ces éléments désignent la Horde qui s’est dispersée comme sanguinaire.

Les Seigneurs sont évidemment des êtres assoiffés de sang, et Lazlo est un être à part, en raison de son humanité. Doit-on y voir une faiblesse ou au contraire la preuve qu’il n’appartient pas vraiment à la race des Seigneurs ? La dispersion, pour lui serait plutôt celle de l’aristocratie russe et s’il est nostalgique c’est de cette Europe mélomane à laquelle les autres Seigneurs ne sont pas sensibles.
A l’issue d’une séance particulièrement réussie, Théa lui avait affirmé sur un ton énigmatique : « Mon garçon, comme à moi-même, le piano te fera découvrir l’humanité. »
On est ainsi dans une sorte de conte où le héros est incapable de se défaire des liens qui le retiennent au passé maternel, il est conscient de sa filiation royale, mais en même temps il est conscient de la lourdeur du passé de ses congénères qui ne peuvent plus trouver place dans ce monde en raison de leur faute, ce péché originel que lui seul sent peser sur ses épaules. Lazlo est ce vampire mélancolique qui à la fois regrette le passé de la Horde et ne peut endosser son inhumanité.
L’auteur a imaginé un vampire aristocrate et mélomane qui dans cette Bruxelles moderne méprise les fonctionnaires d’une Europe devenue accro au bruit et à la pollution. Un vampire qui est à la fois un humain et un Seigneur. Comme si le prestigieux passé de l’Europe n’était plus possible pour les humains d’aujourd’hui. La nostalgie est là. La fin tragique de l’histoire paraît donner raison à la mélancolie de Lazlo. J’ai lu l’épilogue comme un espoir que quelque part une forme d’aristocratie reste possible, malgré la Dispersion.

Un livre qui laisse le lecteur à sa réflexion, ce qui, nous le savons tous, est la première qualité que l’on attend d’un bon livre !



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