mercredi 30 mai 2012 par Jean-Paul Gavard-Perret
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GIORGIA VOLPE : CORPS, CORPUS, OIGNONS
Anna-Marie Bouchard et Annie Hudon Laroche, ‘Giorgia Volpe, Mues et Entrelacs », SAGAMIE édition d’art, Québec.
La spatialité, toujours, nous échappe. Nous ne savons rien de son lieu et de ce qui s’y passe. Comment a-t-elle prise sur nous ? Comment l’atteignons-nous et comment nous touche-t-elle ? Nous ne résolvons jamais ces questions. Nous cessons d’en parler mais nous tournons autour. Ce qui s’y passe, lorsque ça fonctionne, est si fragile. Tout ce qu’on peut affirmer : la recherche plastique, la vraie, renverse les espaces qu’ils soient intérieurs et extérieurs, invente de nouveaux rapports, de nouveaux contacts, incarne ces questions - ce qui est, tout compte fait, mieux que croire y répondre. L’œuvre protéiforme de Giorgia Volpe repose ces interrogations en demeurant à la fois un lieu de fouille et d’incarnation de la matière.
Née à São Paulo au Brésil, l’artiste vit et travaille à Québec depuis 1998. Elle a proposé de nombreuses expositions au Brésil, au Canada, aux États-Unis et au Mexique et a conçu plusieurs interventions publiques. Elle a été commissaire de l’exposition « Variations et Récupération, Estampe actuelle de Québec » présentée à la galerie Gravura Brasileira à São Paulo. En octobre 2011, elle participe au parcours Résonance lié à la Biennale de Lyon.
Anne-Marie Bouchard et Annie Hudon Laroche mettent en évidence les axes des recherches graphiques, photographiques et plastiques de l’artiste. Les auteurs proposent aussi une réflexion sur l’importance de la matière dans sa démarche. Matière graphique mais aussi photographique. À travers elle Giorgia Volpe ouvre les formes pour en faire surgir texture et surtout profondeur en introduisant une théâtralité dont elle exagère au besoin la dimension tragique ou comique afin d’en prolonger les échos en créant un glissement du " discours " esthétique vers une narration aussi bien plastique que poétique.
Lambeau de sérénité, perle de nuages, bouchée cosmique sans matière grasse, soupe d’étoile filante, kebab de soupirs du passé, pudding de souhaits délicats font partie d’un bric-à-brac ludique fait de diverses matières. Ses œuvres empruntent leur sujet à la chair, au textile et à l’environnement. Travaillant par agencements formels les séries créées utilisent le collage, le découpage, la superposition, le photomontage d’une pluralité de matière pour une synthèse plastique en une succession de motifs.
L’œuvre demeure une boîte de Pandore : l’ouvrir revient à laisser échapper tous les ingrédients de diverses natures qui permettent l’insurrection d’une pensée par le visuel. On se brûle les mains à leur présence comme on le fait parfois aux balustrades d’un balcon rôti par le soleil car soudain la créatrice en son esprit malin, agile et narquois crée de petits " nuages " plastiques qui rendent le monde à sa liberté et prolongent l’élan des signes qui jusque-là le cernaient.
Pour elle - en dépit de la spécificité de son art - les formes convoquées et les objets qui les composent n’ont plus nécessairement besoin d’être " présentables ". Les incarnations ne sont jamais envisagées dans leurs seules distances respectables. Giorgia Volpe s’approche, pénètre le signe comme objet de ses curiosités. Il devient la cavité de ses orbites, la profondeur mais aussi les trous de sens qu’il est supposé indiquer et de la sorte la vengeance sur le monde devient un plat qui se mange froid. S’impose alors l’idée de l’oignon (que Léonard de Vinci lui-même n’avait pas hésité à convoquer) afin d’illustrer l’investigation, l’épluchage infini et la métamorphose que propose la créatrice dans sa manière aussi triviale que poétique de sublimer le réel.
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