Editions France-Empire, 2012
vendredi 15 juin 2012 par Alice GrangerPour imprimer
En lisant ce premier roman écrit par un ancien diplomate, j’ai joué le jeu. J’ai laissé faire le pouvoir de l’intrigue bien construite, du style classique, des ingrédients de l’histoire très calculés pour retenir l’attention car très actuels depuis la catastrophe de Fukushima, et je me suis surprise à ne pas lâcher ce roman. L’auteur, Alain Keralenn, semble avoir exploité parfaitement les conseils que prodiguerait un atelier d’écriture pour écrire un roman. Le roman est très bien construit et écrit, et centré sur le problème des dangers du nucléaire notamment sur le stockage à haut risque des déchets nucléaire. L’auteur a en effet choisi ce qui pouvait le mieux capter l’intérêt des lecteurs. Le roman se présente comme un polar faisant miroiter la victoire, certes pas gagnée d’avance, des sentinelles du danger du nucléaire dans la foulée de Fukushima (l’histoire commence au Japon), tout en prétextant la question de la disparition des premiers Chrétiens d’Orient pour mettre en acte l’attaque. On s’y laisse prendre. Une intrigue amoureuse rajoute comme il se doit le sel qu’il faut à tout roman pour agir sur le cerveau des émotions des lecteurs.
L’épilogue nous donne soudain l’impression d’avoir été pris pour des naïfs. Et que ce roman bien écrit malgré le léger agacement provoqué par des chapitres qui commencent tous de la même manière a pour but de nous convaincre que le pot de fer gagnera toujours sur le pot de terre. Mais pas parce que le pot de fer, sous la forme d’un navire de guerre inattendu dans la baie de l’Ultime Espérance, aura eu besoin de faire la démonstration de sa force et de son pouvoir de dissuasion. Non, la victoire du lobby nucléaire, avec ses questions de sécurité très loin d’être résolues à un niveau mondial, ne se fait pas avec ce bateau chargé de déchets nucléaires retraités qui transite vers le Japon par la baie de l’Ultime Espérance et qui devait être intercepté. Un abandon de la bataille se fait en amont, qui nous semble incarner celui de l’auteur, ancien diplomate, qui renonce à faire un livre subversif.
Kenji, jeune ingénieur japonais que Marie, une consultante française, a rencontré au Japon où elle s’est rendue pour préparer le transport par bateau de déchets nucléaires traités en France vers le Japon, s’était, lors de son séjour à Bagdad où il avait fait partie des Japonais pris en otage, lié d’amitié avec Samir, un chrétien chaldéen. L’intrigue du roman, mêlée à l’histoire d’amour entre Marie et Kenji, se construit sur la perspective de la disparition des premiers chrétiens d’Orient, les Chaldéens, que plus grand monde ne défend. On dirait que ces premiers chrétiens symbolisent ceux qui, aujourd’hui, n’ont pas la langue de bois et l’échine souple devant le pouvoir de l’argent et des grands lobbies planétaires : une espèce en voie de disparition, qui doit accepter sa défaite… Comme de bien entendu, Samir, qui avait réussi à engager Kenji, puis Marie, dans son ultime tentative de se faire entendre en tant que voix des Chaldéens en projetant de détourner le fameux navire, est en train d’abandonner son projet fou au moment où ils approchent du bateau, dans une mer très dangereuse. Evidemment, la seule qui doit être sauvée est Marie… Samir lui fait enfiler la seule combinaison de survie… Et il saborde le gouvernail du navire avant même de tenter d’arraisonner le bateau chargé des déchets nucléaires… Marie est la seule survivante du navire fracassé… On est vraiment très déçu ! Un premier roman pour dire que ce n’est pas la peine de se battre, qu’il vaut mieux abandonner avant ? La raison du plus fort ? Pourquoi écrire ? Je croyais que l’écriture défendait une pensée subversive et batailleuse en direction de la vérité, et non politiquement correcte !
Alice Granger Guitard
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