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Petite Forme - Christian Bernard
mardi 26 juin 2012 par Jean-Paul Gavard-Perret

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LES SONNETS DILATéS DE CHRISTIAN BERNARD

Christian Bernard, « Petite Forme », Editions Sitaudis, Vallauris, 2012.

Né à Strasbourg en 1950, concepteur et directeur du Mamco (Musée d’art moderne et contemporain de Genève) et ancien directeur de la Villa Arson (Nice), Christian Bernard est aussi un critique et un poète des plus discret. Ses premières publications (rares) datent de 1966 et il inaugure les éditions papier de Sitaudis avec un recueil de sonnets : « Petite forme ». Il livre ainsi des textes qui circulaient en a-parte par diffusion postale ou sur le net en une publication d’ensemble.

Mais qu’on se rassure ou se méfie : le poète maltraite le poème à forme fixe le plus prisé de la littérature française. Pour autant et en dépit de l’humour caustique il ne s’agit pas d’un simple jeu. Le poète a retravaillé sans cesse ses textes qu’il abandonne si parcimonieusement à la publication. Son choix est donc des plus sérieux. Amateur de glissements plus sensés que nonsensiques Christian Bernard décape le sonnet avec une éloquence ravageuse.

Sa manière d’honorer la forme fixe tient d’un viol humoristique qui provoque des délices – preuves qu’une telle écriture tient de fait plus de la caresse que du forçage.
Un pont est créé entre le passé et le futur. Jamais cynique mais toujours insolent l’auteur revivifie le suranné. N’en déplaise aux puristes on ne peut plus parler de coupures à l’hémistiche et autres plaisanteries du genre. Chaque poème va l’amble ou au galop et monte des poteaux d’angle » comme aurait dit Michaux.

Mais le philosophe montre son nez sous les manteaux de vision du poète. Il règle ses comptes à nos mémoires et aux livres qui leur tiennent de garde fou :

« Nos souvenirs sont des cabinets d’amateurs et nos
livres des bibliothèques couchées Scherzo Dies rirai
Chausse-trappes portes dérobées phrases piégées (…)
Catherine Crachat te tient lieu d’ange gardien tu
la sens dans ton dos dans ton angoisse sourde et
muette La prose du monde est sans pourquoi »

Ces vers illustrent parfaitement la langue sans arthrose du poète. Les signes de ponctuations (résolument absents) lorsqu’ils existent pourtant, surgissent paradoxalement comme mots à part entière dans le corps du poème et font partie de sa condition ouvrière : « à angles obtus FWD ou poèmes barbares au pilon point-virgule ».

De la sorte le sonnet ne sert plus de croc de boucher pour s’accrocher à une langue et une versification morte. Rien n’infuse dans la vieillerie. Le poète comme aurait dit Artaud « lâche sa bardelette » si bien que « des alcools dénaturés dévissent en sourdine ». Manière de ne plus « onaner » et d’ « ahaner « comme beaucoup de ses pairs : à savoir selon des rites entendus.
Les cérémonies de Bernard sont iconoclastes. Elles cultivent les décalages, les effets retard comme les avancées. Il n’y a de place ici ni pour colis fichés ni pour verroterie sauf à y voir débarouler un éléphant. L’humour rapproche le sérieux directeur du Mamco des poètes belges, tous ces irréguliers des Miguel à Théodore Koenig et autres Pol Bury, André Balthazar. Comme chez eux la « lanterne magique » du poète devient « la foreuse des filets garde-fous ».

Contre la peur que l’on se donne ou qui nous est donnée Christian Bernard tel un aviateur fou fait planer le doute à coup de loopings et autres figures non répertoriés. Ne croyons donc pas le poète lorsqu’il affirme « Jamais nul vrai plaisir à tirer ces lignes sinon celui parfois de voir ou d’entendre la doublure ou l’écho qui susurre la désentente ». Chaque texte est une relance à bras propre à provoquer le plaisir du texte d’autant que pour cette « Petite forme » celle du poète est à son maximum.



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