mercredi 29 août 2012 par Jean-Paul Gavard-Perret
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L’art peut la fourmi. Yolande Bastoni le prouve. Elle fait de l’insecte une figure récurrente de sa nouvelle série. Elle a créé 25 fourmis en aluminium peintes selon une technique qui n’appartient qu’à elle. La créatrice n’a pas choisi la fourmi de manière fortuite. Une telle bestiole est active, collective, très organisée. Il s’agit par ailleurs d’un insecte intelligent et universel. Yolande Bastoni s’amuse par exemple à la faire grimper un escalier. Démesurément agrandie ( un mètre d’envergure) elle y parvient aisément même si - tout près - gît une pyramide de chaussures. Cette marée est une manière de rappeler l’ « inhumaine » condition des fourmis : lorsqu’un être peu humain en voit une il l’écrase !
L’objectif est aussi de faire participer le public. Non pour écraser un insecte. Il aurait bien du mal ! Mais, lors du Smart’Aix 2012, il a pu récupérer une chaussure à la fin de l’exposition. Les chaussures étaient étiquetées par l’artiste du nom de son installation. Ajoutons qu’au-dessus de ces fourmis plus grimpantes que rampantes et de la pyramide de chaussures, une guerrière de deux mètres de haut était présente afin de scruter l’horizon. En position de défense (ou d’attaque...) elle protégea les insectes en tant que suzeraine de la bande.
La fourmi dessine donc le lieu de l’art : de manière graphique et symbolique. Plus toutefois que sacrifier à un travail de deuil et de mélancolie à leur égard Yolande Bastoni choisit l’option de la drôlerie, de l’humour. Mais aussi du fantastique et d’une certaine peur. L’artiste rappelle que la femme elle-même est souvent une fourmi pour le mâle : « travaille et tais-toi » semble-t-il lui dire. Mais il arrive parfois qu’elle se révolte et se convulse… Gare à lui désormais !
Créer cet animal dans une beauté rutilante revient à inscrire le bestiaire d’une certaine cruauté et d’une injustice. La fourmi demeure fidèle à la condition féminine mais en même temps indique discrètement une forme de révolte ironique. L’art en conséquence non seulement peut mais se doit un tel insecte. Surtout lorsque, dans son travail toujours lucide et jouissif, une créatrice ose les métamorphoses afin de faire la nique à ceux qui habituellement méprisent les plus « petit(e)s » qu’eux.
Est-ce à dire que chaque femme est faite à son image ? En tout état de cause, en faisant les fourmis maîtresses des lieux, l’artiste prouve qu’elles ne sont pas faites que pour la fornication et le travail. Yolande Bastoni incite à d’autres fourmillements et démangeaisons. Et si le mâle aime à croire la fourmi étrangère à lui, comme issu d’une autre planète ou d’un autre registre, la créatrice lui rappelle que la fourmi le lie au peu qu’il est.
Les fourmis de Yolande Bastoni dans leur beauté et leur allégresse grimpante et pimpantes demeurent des signes d’énergie. Elle rappelle que ce qui habite l’être n’a rien à voir avec dieu sauf à penser que l’insecte a lui-même une spiritualité et qu’elle est hantée par la maladie de l’idéalité. Yolande Bastoni semble sur ce plan faire plus confiance à la femme qu’à Dieu - sauf à penser que Dieu est une femme…
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