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Icône1
mercredi 13 février 2013 par Jean-Paul Vialard

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ICÔNE 1

ICÔNE 1

 

 

                                                                                                (Photographie : Marc Lagrange).

 

  Sous l'arcade abritante, pareille à l'ébène, se révèle la lumière du front songeur où coulent les pensées. Pensées lentes, lourdes, pensées de lagune sous la clarté lissée d'étain et de plomb. Nuitamment. L'heure est dans l'ombre, imprécise, seulement parcourue de quelques linéaments de clarté. Immobile. Le rêve est là qui flotte dans ses voiles, joue dans l'ajour des motifs floraux. Une arabesque pareille à l'ovale d'un miroir en limite le flux, ouvrant le boudoir au doute enténébré. Parmi le drapé noir, un bras s'élève qui soutient le doux massif de la tête. Doigts presque inapparents venus dire la magie de la nuit permissive. Comme un rappel du geste sublimant la pensée, subtil doigté entrelacé aux confluences oniriques. Qui donc ne percevrait cette délicate attention, cette mise en exergue de l'admirable épiphanie humaine ? Une pure transcendance venue dire toute la beauté du monde. Toute la souplesse, la disponibilité, le surgissement des choses à partir du néant. Une offrande. Conque féminine où prend naissance l'existant en son devenir. Et ce bijou discret logé au creux de l'aisselle n'est-il pas dissimulé à l'aune de notre insatiable curiosité ? Ici, que découvrir d'autre qu'un pur joyau, qu'une grâce en train de s'éployer ? Il n'y a pas d'autre demeure possible , de décision ordinaire qui ramènerait le dépliement à sa simple confusion initiale. Le corps comme origine. Le corps comme jarre prolixe, promesse d'abondance. Le corps sur lequel méditer longuement. Prêtons l'oreille, là, au creux de la nervure scindant la poitrine : il y a des bruissements si doux, des ondes si sensibles qu'on croirait le vent, la flûte au sommet des Andes. Là est le début de la longue dépression faisant son chemin vers l'aval avec son bruit de cascade. Une déclivité, une ligne fusante, un chemin vers la faille proche : un abîme.

  Mais revenons au visage, à sa teinte d'argile neuve et d'ivoire polie. Y aurait-il, quelque part sur la terre, lieu plus propice à une longue rêverie ? Regarder, simplement, regarder et voir. Les sourcils sont deux traits charbonneux, deux ailes de scarabée déployées au-dessus des yeux étirés en amandes. Mystère infini. Les yeux ne sont pas les fenêtres de l'âme. Ils sont l'âme, l'esprit  à son acmé, la conscience dilatée, la pure incandescence. Puits où se perdre infiniment. C'est la raison pour laquelle, les yeux, jamais on ne peut les regarder longuement. Brûlure de la vérité. Feux. Combustion. La cécité est au bout. Jamais les yeux ne se laisseront observer dans la durée. Oculus se fermant dès que la lumière les atteint. Et pourtant, la lumière intérieure est autrement puissante, démesurée, rayonnante. Mais intérieure. L'extérieure érode, use, lance ses scories ignées. L'intérieure fait ses chemins de clarté au travers de la peau, s'étoile sur le rivage des joues, sur la courbe des jours. Presque invisible. Juste un voile sous la brise. Jamais on ne l'aperçoit si l'on n'y prend garde. Pourtant le recueil est simple. Voir la beauté est ce qu'il y a de plus commun, répandu, facilement accessible. Se laisser aller à l'arbre, à l'eau, au ciel.

 Sur le corps apparemment abandonné, le ciel est partout. Longues effusions de clarté nous disant la vie, son incroyable mouvance, ses merveilleuses métamorphoses. Ils sont là, les si beaux passages, les allées de l'autre-que-soi en son inextinguible richesse, les ailes lustrées du paon de jour, les élytres  recourbées  des cigales, la tunique rouge de la libellule. Seulement, le réel, nous le laissons adhérer à lui-même, disant plutôt, "front", "cils", "bouche", alors que nous aurions pu féconder les choses, faire éclater l'opercule qui les retient dans leur gangue première.

  Sur le corps, autour, l'ombre est partout. Souveraine, mystérieuse, jouant en contrepoint de la lumière. Par un geste de la pensée, effacez-la et vous verrez apparaître une manière de désolation. Un désert aride, une vallée asséchée, au mieux une mesa usée par quelque érosion immémoriale. Jamais la lumière ne serait lumière sans l'avers qui lui est intimement associé. Plénitude du contraste, surgissement de la dialectique existentielle au sein même de la signification. Toujours ce rythme diatonique, toujours ce tremplin des harmoniques dont la réverbération nous assure de notre être en même temps qu'il nous fait l'octroi des phénomènes dans leur densité plénière.

  Jeu alterné de la ténèbre, de la clarté. La tension naît de cette confrontation de la chair nacrée et du linge noir qui la recouvre pour mieux la dévoiler. Vérité aléthéiologique où le dénuement du modèle apparaît à l'aune d'une disparition ultime. Sursis. Car, si Eros sommeille à même la peau désirée-désirante il ne brille qu'à mieux s'immoler sous les assauts de Thanatos. Mortelle est la chair qui se consume, braise vive déjà occultée par les remous de la cendre. L'attente est là qui nous appelle. Qui nous décille en même temps qu'elle nous conduit à la nuit en son ultime repliement. Rien n'est plus tragique que cette beauté-là. Pourtant nous ne désirons que cela !


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