lundi 19 septembre 2011 par Jean-François Ponge
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Librairie Générale Française (Le Livre de Poche), 2010, 251 pp.
Peu de témoignages sur la Grande Guerre ont la force du « Feu » d’Henri Barbusse, un réquisitoire sans concession contre la guerre et la folie des généraux. Dans ce récit, plus humble et plus intime, Roland Dorgelès nous fait partager le quotidien des poilus, au sein d’une brigade qui va être décimée au cours des attaques sur le front lorrain. La souffrance mais aussi la joie de ces hommes, de toute origine sociale et géographique, réunis par une camaraderie qui ne va pas sans jalousies et petites tracasseries, est dépeinte avec une profonde sincérité. Les moments les plus touchants ne sont pas ceux pendant lesquels le danger est permanent et la mort au rendez-vous. Non, c’est pendant les temps de tranquillité, entre deux attaques, que le bonheur de ces poilus fait sortir les mouchoirs : un rien les réjouit, une jupe fleurie entrevue entre deux arbres, un biscuit trempé dans du chocolat, des petits riens qui font aimer la vie. La description de ces moments de bonheur volés rend encore plus cruelle la violence des combats. Sulphart (on ne connait pas les prénoms de ces soldats sauf celui de Gilbert Demachy) est particulièrement émouvant, avec sa femme qui lui écrit qu’elle passe du bon temps avec un Belge, et qui sera partie avec les meubles lorsqu’il finira par rentrer à la maison, blessé et définitivement réformé. Roland Dorgelès a privilégié l’analyse psychologique à l’analyse sociale. C’est son choix, on peut le regretter mais au final il a laissé une œuvre immortelle, un message universel qui laisse au lecteur la possibilité de juger par lui-même : la guerre, et si vous y étiez ?
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