Neuvième recueil posthume publié aux Editions L’Age d’Homme par la Fondation Maurice Carême
vendredi 3 mai 2013 par Françoise Urban-MenningerPour imprimer
Le portrait lumineux de Maurice Carême peint par Félix de Boeck attire indéniablement le regard sur la couverture d’un livre dont le titre "L’Evangile selon Saint Carême" ne manque pas de nous interpeller. Le patronyme du poète, "Carême", nous renvoie immanquablement au calendrier chrétien et à la période de jeûne qui précède Pâques tandis que l’ajout du qualificatif "Saint" auréole l’auteur d’une pointe d’humour qui donne le ton à ce recueil pour le moins original où la métaphysique a partie liée avec les réminiscences de l’enfance.
Et c’est effectivement sur le même ton que celui que prendrait un jeune enfant que Carême interroge avec une naïveté feinte les mystères de l’existence :
"Même quand la pierre est noire,
Dieu voit courir les fourmis".
Mais cette candeur enjouée laisse toujours le dernier mot à l’homme qui doute :
"Même sur la pierre noire
j’avoue que je ne vois rien",
conclut Maurice Carême dans La pierre et la fourmi.
Si l’auteur a entrepris au cours de sa vie une relecture des Evangiles, il n’en a pas moins gardé des souvenirs pleins de fraîcheur qui renvoient à l’apprentissage du catéchisme à l’école. Ainsi les anges, les diables, Dieu lui-même y ont figure et traits de caractère humains, ce sont des personnages familiers qui nous ressemblent et auxquels l’auteur s’adresse tour à tour :
"Les hommes sont en bas,
Dieu, là-haut, débordé.".
Et pourtant malgré l’apparence débonnaire de ces poèmes, leur auteur dénonce avec force les injustices, les guerres, les famines qui mettent à mal l’humanité et de s’écrier avec l’énergie du désespoir :
" Depuis que Dieu sauva le monde,
Qu’y-a-t-il de changé ?".
La figure tutélaire de la mère que l’auteur place au-dessus des saints apparaît de manière récurrente dans cet ouvrage. Elle est tout à la fois la consolatrice suprême et la force rayonnante qui apaise les angoisses métaphysiques du poète qui recherche à travers elle son "bonheur candide d’enfant". Sa mère a sa place au ciel, mieux encore elle semble y orchestrer le choeur des anges :
"Serait-ce encore toi, ma mère,
Dont la voix familière
Semble emplir tout le ciel ?".
L’Evangile selon Saint Carême est sans nul doute une invitation à nous pencher sur les questions essentielles que nous éludons trop souvent dans un monde qui perd ses repères, voire ses dernières valeurs. Et pourtant la question ontologique du mal, que Maurice Carême évoque, n’a de cesse de nous tarauder au quotidien :
"Le mal serait-il un mystère
Dont Dieu seul possède la clé ?".
Si Maurice Carême ne nous donne pas de réponse, il nous apporte à travers son questionnement philosophique une clé pour nous ouvrir à notre monde intérieur car c’est véritablement au coeur de notre entité que nous pourrons puiser cette lumière que le poète nous dispense généreusement à travers chacun de ses textes.
Françoise Urban-Menninger
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