dimanche 9 juin 2013 par penvins
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Panorama de la littérature réactionnaire
A travers 68 portraits d’écrivains Christopher Gérard trace les contours d’une littérature conservatrice, Jacques d’Arribehaude, disait, réactionnaire ajoutant : Réaction se confond tout simplement pour moi avec résistance, et de toutes mes forces. Résistant, donc réactionnaire, mais bien sûr, et plutôt mille fois qu’une. Dissident j’étais, dissident je reste.
On aime bien sûr entendre cette révolte contre une époque qui s’abandonne au matérialisme et l’on comprend quelle rage anime tous ceux qui connurent la littérature d’avant la débâcle de 1940 et le bouleversement des mentalités que les babyboomers, forts de leur nombre, firent subir à notre société en mai 68. Si l’on voit bien aujourd’hui quel désastre produisit ce renversement des valeurs, et les dommages qui ont été causés à la civilisation par une prétendue démocratisation de la culture, il faut tout de même se rappeler que le plus grand désastre fut l’avènement des valeurs totalitaires - qu’elles soient nazies, fascistes ou communistes - contre lesquelles cette merveilleuse civilisation européenne, celle-là même que d’aucuns espèrent aujourd’hui réhabiliter, ne sut réagir à temps. J’oserais dire : un peu de décence. Et je n’admets pas que Olivier Bardolle puisse citer avec jubilation George Steiner qui s’exclame : « je préfère un SS cultivé à un beach boy. » non que je vénère l’inculture du beach boy, mais parce que je pense que si la culture doit servir à quelque chose c’est bien de donner aux humanistes la force de combattre les SS avant qu’il ne soit trop tard. Il ne s’agit pas de battre sa coulpe pour des actes que l’on n’a pas soi-même commis, il faut simplement mettre la culture à sa place et considérer que, si elle devait élever l’homme, elle a, à ce moment-là, cruellement failli.
Voilà sans doute pourquoi je pense que l’exaltation du beau et de l’ancien chers à cette famille de pensée ne doit pas être regardée comme un absolu mais plutôt comme un refuge hors d’un monde exécré, ce dont d’ailleurs les auteurs portraiturés par Christopher Gérard ne se cachent généralement pas.
Mais refermons cette parenthèse et intéressons-nous à ces écrivains que Christopher Gérard vénère et que tous les écrivains de sa famille soutiennent en raison de la cause qu’ils défendent plus sans doute que de leur qualité littéraire qu’ils ont admises une fois pour toutes et loin de moi l’idée qu’ils n’en aient pas et qu’ils ne puissent aisément damer le pion à bien des écrivains aujourd’hui encensés.
Il y a là une véritable bibliothèque idéale ce que signifie le titre de l’ouvrage Quolibet que Christopher Gérard prend le soin, dans son envoi, de détacher en quod libet ce qui plait. Subjectifs, l’auteur ne le nie pas, ses choix ouvrent des portes que la littérature marchande tient fermement closes, en tous cas pour nombre d’entre elles, leur préférant celles d’une prétendue modernité dont il ne cesse de dénoncer les orientations en complète opposition avec ce qui avait fait la culture européenne d’avant-guerre. L’intérêt de l’ouvrage c’est sans aucun doute ce rappel de ce que fut la littérature et cette riche sélection d’auteurs attachés à cette tradition. On y retrouvera des noms connus et d’autres un peu moins sinon des initiés, ceux-là seront ou sont déjà conquis par le livre de Christopher Gérard, les autres préféreront passer leur chemin et ils auront bien tort : il faut lire ce livre et se confronter à cette littérature respectueuse de la langue, sinon pour ses qualités intrinsèques du moins pour le miroir qu’elle nous tend sur l’état de notre culture et de notre société.
De David Mata, par exemple, Christopher Gérard écrit qu’il s’agit d’un de ces écrivains quasi clandestins, inconnus des gazettes mais enthousiasmant une poignée d’authentiques lecteurs, qui constituent l’Europe secrète.[…] un pur produits des hussards de la République […] pour qui le mot élite n’était pas une insulte. Ces écrivains-là ont écrit des œuvres, profondément enracinées qui parfois refusent de tenir compte de la grande fracture que fut ce que certains d’entre eux appellent la guerre de Trente ans (1914-1945) et se lamente sur une décadence, certes bien réelle, mais peut-être aussi indispensable au renouvellement de notre civilisation. Ils n’en restent pas moins les témoins de ce qui n’est plus et remplissent en cela une fonction éminemment littéraire à laquelle Christopher rend un hommage appuyé et mérité qu’il serait dommage de balayer d’un revers de main pour non conformité à la pensée dominante.
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