lundi 15 juillet 2013 par Serge Uleski
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Agrégée de philosophie en 1931 à l’âge de 22 ans, Simone Weil aura tout sacrifié (santé, confort matériel, palmes et carrière académiques) à la vérité de l’existence et à son destin auquel elle n’aura pas cherché à échapper, s’y livrant tout entière.
Elève d’Alain, admiratrice de Platon, de conviction révolutionnaire, très vite elle milita dans les rangs de l’extrême gauche. Elle aura couru la révolution aussi longtemps que ses forces physiques le lui permettaient… en Espagne et en URSS. Antistalinienne, elle disait : « Il faut accueillir toutes les opinions et les loger verticalement à des niveaux convenables. »
Cette petite femme décédée à l’âge de 34 ans de tuberculose, chétive, de santé précaire, aura partagé le sort des ouvriers agricoles et celui des ouvriers de l’industrie automobile, chez Renault, comme fraiseuse, car à ses yeux : « Contempler le social, constitue une purification aussi efficace que se retirer du monde ».
Rétablir l’équilibre en se portant du côté des opprimés, helléniste, elle ne faisait qu’une avec ses idées et ses expériences. Elle haïssait l’argent ; elle y voyait le Mal absolu, corrupteur de toutes les cultures et de tous les Peuples. Elle condamnait une culture ignorante de l’univers et du sacré sources de toute morale universelle. Très tôt, elle a considéré le "déracinement" des Peuples comme une calamité, la plus grave maladie morale d’un siècle de l’argent et de la marchandise, car ce déracinement abolit les devoirs de l’homme envers l’homme, encourageant une liberté sans spiritualité, une liberté vide et abstraite.
Agnostique, elle éprouvera ce qu’il est convenu d’appeler « la présence du Christ », à la fin des années 30. Les évangiles deviendront alors son livre de chevet. Profondeur rare d’une vie spirituelle intense, Pascal, Saint Jean de la Croix, sainte Thérèse de Lisieux succèderont à Platon.
En 1941, elle écrivait : « Dieu a créé un monde qui est, non le meilleur possible mais comporte tous les degrés de bien et de mal. Or, aujourd’hui, nous sommes au point où il est le plus mauvais possible ».
"... Lumière pour l’esprit et nourriture pour l’âme, l’œuvre de Simone Weil n’a pas à être "actualisé" parce qu’elle émane de ce sommet de l’être qui surplombe tous les temps et tous les lieux (...) car la vraie lumière ne se décolore pas et les vraies sources n’ont jamais besoin d’être rafraîchies. Et qui dit temporel dit aussi universel. Le fait que j’ai eu le privilège immérité de présenter au public le premier livre de Simone Weil m’a valu d’innombrables témoignages issus des quatre coins de l’univers. Et ce qui m’a le plus frappé dans ces témoignages, c’est qu’ils venaient des êtres les plus divers par leur origine, leur rang social, leur milieu culturel, etc... et que tous avaient été également marqués jusqu’au fond de l’âme par la lecture d’une œuvre où ils avaient trouvé la révélation d’une vérité intérieure attendue en vain jusque-là. Au crépuscule du siècle où l’accélération de l’histoire a fait surgir et s’écrouler tant d’idoles, ce livre apparaît de plus en plus comme un message d’éternité adressé à l’homme éternel, ce "néant capable de Dieu", esclave de la pesanteur et libéré par la grâce". - Gustave Thibon - post-scriptum de 1990 à la préface de l’édition de février 1947 .
Tuer le moi de l’intérieur, voilà la bataille à mener ! L’offrir en sacrifice en s’exposant nue et sans défense à toutes les vicissitudes de la vie. Théologie et métaphysique, la pesanteur c’est la loi de la création, la condition de l’homme et seule la grâce peut nous permettre de nous y soustraire car seule la grâce nous permet de nous « décréer » pour rejoindre Dieu : « Dire au Christ comme saint Pierre : Je te resterai fidèle, c’était déjà le trahir car c’était supposer en soi et non dans la grâce la source de la fidélité ».
Privée d’armure, Simone Weil est l’anti-héroïne par excellence car le saint est nu, toujours ! Pour Simone Weil, le bien ne peut être qu’une nécessité intérieure : on ne peut pas faire autrement. A propos du Mal, Simone Weil écrira : "Si quelqu’un me fait du mal, il faut désirer que ce mal ne me dégrade pas par amour pour celui qui me l’inflige et ce, afin qu’il n’ait pas vraiment fait du mal"... seule condition qui permette le pardon tout en rendant à tout un chacun son humanité même si ses actes semblent l’en avoir exclu. Et à ce propos, rares sont ceux qui savent se montrer à la hauteur de leur martyre et de leur histoire même si quelques exceptions individuelles existent car, regroupées en communauté, les victimes ont tôt fait de rejoindre en acte leurs bourreaux selon le principe qui veut que nous ayons tous de bonnes raisons d’être ce que l’on est et de faire ce que l’on fait.
La pire des atrocités devrait pousser la victime, dans un élan irrépressible, à la sainteté... quasiment. Certes ! Le calendrier n’y suffirait pas. Aussi, on pourra longtemps regretter que Simone Weil n’ait pas vu l’Europe libérée car nul doute, elle aurait su comme personne nous rappeler que les pires atrocités et injustices nous rapprochent du divin, de Dieu et de la grâce… et obligent ses victimes plus que les bourreaux à une exemplarité qui toucherait alors à la sainteté, elle qui l’a toujours frôlée de ses ailes d’ange turbulent.
"L’extrême grandeur du Christianisme vient de ce qu’il ne cherche pas un remède surnaturel contre la souffrance mais un usage surnaturel de la souffrance" : souffrance expiatrice de celui qui veut le bien tout en ignorant le mal qui le lie contre une souffrance rédemptrice, celle de l’innocence... fascinée par l’absolue et l’éternel, son unique vœu était de ne plus faire écran entre Dieu et les hommes et de disparaître de son œuvre... une œuvre qui nous réconcilie avec le Christianisme, loin de ceux qui ne savent que nous en offrir une lecture et une interprétation unidimensionnelles.
Qu’il soit ici permis de dire que le siècle qui est le nôtre sera non pas religieux mais... notre siècle sera celui de l’enracinement et de la spiritualité ou bien… il ne sera qu’un nouvel enfer sans purgatoire pour le plus grand nombre, et pas seulement pour les plus faibles d’entre nous.
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