lundi 15 juillet 2013 par Abdelali Najah
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La Galerie 104 a abrité une exposition de l’artiste peintre marocain Salah Benjkan. Cette rencontre artistique a été marquée par la présence d’une plaide d’artistes de renom à savoir Abdelkrim EL AZHAR, Abdellah Dibaji, François GIVERI, Salah Benjkan et bien d’autres.
La peinture onirique de Salah Benjkan est une invitation solennelle à explorer les ténèbres d’une culture populaire à savoir les nocturnes mythiques de la place Jemâa el Fna au cœur de l’impériale Médina de Marrakech.
Les fameux vendeurs d’eau sillonnent la foule qui cerclait une multitude d’artistes de rue, des troubadours et des dresseurs de serpents et de singes. Sous un tamis de roseaux qui filtrent la lumière, des kilomètres de ruelles et venelles à en plus finir qui se croisent, s’entremêlent, et forment un vaste dédale depuis la mosquée Ben Youssef jusqu’aux abords de la place Jemâa El Fna.
Tout au long des venelles et ruelles des souks, des échoppes de fruits secs ou de jus d’orange fraîchement pressés guettent les passants assoiffés, et de petits restaurants parfumant tous les alentours du minaret de la Koutoubia. Le foisonnement de lampes au kérosène illuminant les échoppes et restaurants fait penser à une nuée de lucioles. Les bonimenteurs haranguent la foule afin de lui vendre un tatouage à l’henné ou un remède miracle. L’esplanade triangulaire, noyau d’innombrables représentations d’acrobates, de jongleurs, de charmeurs de serpents, de musiciens berbères et d’autres saltimbanques.
Plus loin de Jemâa el Fna ou « assemblée des morts », une appellation qu’elle doit à la volonté des sultans d’y exposer à la foule la tête des criminels exécutés, les tantes du Moussem de Tamesloht pointent l’horizon des montagnes neigeuses, des mules sabotées qui traversent le long de la rivière cailloutée, des chèvres qui escaladent les branches cassées des oliviers et des sauterelles jaunes et vertes qui escaladent les troncs ocre des noyers.
Une femme tatouée sur le front rapprochant ainsi les sourcils en les allongeant, et donnant au regard une profondeur du visage. Un autre tatouage sombre se prolonge du menton au cou dissimulant les rides d’une mémoire rangée avec soin dans l’oubliette, et se continue jusqu’au nombril suggérant des voluptés cachées et refoulées. Des Gnaoua qui préparent une lila et des haddarates une hadhra, des rites nocturnes animés par les prêtresses d’Aïcha afin de pourchasser la malédiction .De l’autre côté, les chorfa célèbrent au grand jour la fantasia et la Dbiha. Dans cet océan de créations picturales, on peine à se repérer. On se laisse perdre, guidé par nos sens en éveil, par un parfum d’ambre carbonisé, par le reflet du cuivre martelé ou de la laine tissée, par le cliquetis des outils, une senteur de cuir tanné, ou encore la densité de la foule.
Pour ce faire, Benjkan armé d’un expressionnisme abstrait, condense ses toiles de figures étranges et de dessins d’enfants dans une gamme de couleurs chaudes qui interpelle la tragédie d’un certain Minos dans la mythologie grecque et qui s’est brulé les ailes en essayant de s’approcher du soleil.
La peinture de Salah Benjkan est une peinture au seuil de la déraison et qui explore le fin fond de l’inconscient, une mémoire stratifiée et fragmentée d’une Bohémienne égarée dans une terre aride et sèche.
Francis Bacon disait : "Je suis sûr que chaque artiste se situe quelque part, travaille à partir d’un certain héritage et se trouve placé sur une certaine trajectoire. De même d’ailleurs qu’il s’ingénie à enfoncer avec obstination le même clou, mais cela est une autre histoire."
Salah Benjkan est né en 1968 à Marrakech où il vit et travaille. Il est enseignant d’arts plastiques. Distingué par deux fois lors du prix de la jeune peinture marocaine (1993 et 1995), il a aussi été sélectionné, en 2000, pour bénéficier d’un séjour à la cité des arts à Paris. Salah Benjkan a réalisé de nombreuses expositions personnelles et collectives. Ses œuvres font partie de collections publiques et privées au Maroc et à l’étranger. Après avoir signé son travail d’une palette très colorée et de personnages qu’on reconnaît aisément, Salah Benjkan a entamé depuis plus d’une année un travail et une recherche d’un tout autre style.
Monochromes plutôt sombres, les toiles actuelles nous assurent de tout le talent et la capacité de se renouveler de cet artiste audacieux. Dans un genre tout à fait en rupture avec le travail précédent, les œuvres actuelles sont des compositions abstraites empreintes de beaucoup de travail et de sensibilité.
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