samedi 12 octobre 2013 par Jean-Paul Gavard-Perret
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L’AUTRE NUDITé
Claude Louis-Combet, « Suzanne et les Croutons », Editions L’Atelier Contemporain, Strabourg, 84 pages, 15 E..
Claude Louis-Combet est né à Lyon en 1932. Son père meurt en 1937. L’enfant est élevé par sa grand-mère maternelle : " J’ai grandi dans un milieu économiquement très dépourvu, mais spirituellement riche et exclusivement féminin (mère, grand-mère, sœur)" précise-t-il. Il commence ses études secondaires dans des petits séminaires de missionnaires puis, en 1950, il entre en religion chez les Pères du Saint-Esprit. Il fait un an de noviciat puis deux années de philosophie. L’année 1953 marque un tournant important pour lui : il rompt avec la vie religieuse. Après son service militaire, il entreprend des études supérieures de philosophie à la Faculté des Lettres de Lyon. Son maître intellectuel Henri Maldiney gardera une importance majeure sur son travail d’écrivain qu’il commence parallèlement à sa carrière d’enseignant à Besançon. En 1970, il publie son premier roman « Infernaux Paluds » (Flammarion). Depuis il publie régulièrement romans, nouvelles et essais philosophiques. Il devient aussi traducteur d’Anaïs Nin et d’Otto Rank. Il édite chez Jérôme Millon des textes spirituels (Abbé Boileau, Jean Maillard, Berbiguier de Terre-Neuve).
Après un détour dans la collection textes de Paul Otchakovsky-Laurens alors directeur littéraire chez Flammarion, il rejoint Corti où il donne un cycle majeur : celui de ses " mythobiographies biographies " ("Blesse, ronce noire", 1995, "L’Âge de Rose", 1997) et des récits hantés par la dévoration et l’inceste ( "Augias et autres infamies" - 1993). Son goût pour la sensualité trouble le conduit à revisiter la mythologie païenne ("Le Boeuf Nabu", Lettres vives, 1992) et l’imaginaire chrétien ("Marinus et Marina", Flammarion, 1979, "Beatabeata", Flammarion, 1985 , "Le Chef de saint Denis", Ulysse fin de siècle, 1987). Dans ses essais ("L’Enfance du verbe", "Du sens de l’absence", "Écrire de langue morte", "Le Péché d’écriture", "Le Don de langue", "Miroirs du texte"), il cherche à retrouver cette langue des grands fonds « qui règne entre le nid des entrailles et l’écume de la Voie lactée ».
Echos à ses Visitations (Corti, 2006) son dernier livre lie l’effervescence sexuelle à l’expérience du sacré, pour évoquer - en rappel et par la bande - la visite que fit la Vierge Marie, alors enceinte, à sainte Élisabeth. Ici c’est la chaste Suzanne de la Bible qui vient à la rencontre de vieillards lubriques d’une maison de vieux du Confluent Lyonnais. La sphère du sacré et du magique y côtoie le grotesque érotique dans l’attente ou la rencontre d’une puissance « surnaturelle ». Suzanne à la fois Sainte et nouvelle Madame Edwarda l’incarne dans un strip-tease particulier. Sortie de la pénombre toute féminine de l’inconscient le texte porte jusqu’à la transparence de l’expression, l’épaisseur de fantasmes, la mémoire des mythes, la rêverie sur les obscurités du désir, la nostalgie d’un impossible chemin. N’en reste ici pour vestige mais aussi vertige qu’un bouquet iconoclaste d’ombres consumées. A la nudité de la femme et des vieillards se superpose une autre nudité : celle de l’écriture.
Jean-Paul Gavard-Perret
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