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Chronique privée de l’an 1940 - Jacques Chardonne
lundi 21 octobre 2013 par penvins

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Cette Chronique privée de l’Année 1940 illustre parfaitement la résignation devant la force qui, pour gagner sa dignité, élabore une théorie virile qui n’est de faite que lâcheté. On peut comprendre cet abattement lorsque le pays tout entier est soumis à la bonne volonté de l’occupant, mais que l’on ne nous fasse pas croire qu’il s’agit là d’une attitude raisonnable quand il ne s’agit que d’un ralliement au vainqueur. La lecture de cette chronique, que Jacques Chardonne regrettera d’avoir publiée, est on ne peut plus salutaire, elle permet de bien comprendre comment certains en vinrent non seulement à accepter la victoire de l’Allemagne et l’armistice de Montoire, mais également à souhaiter que celle-ci prenne la tête d’une Europe solide pour ne pas dire plus. Jacques Chardonne est très clair : devant la force, la France qui s’est montrée inconséquente, incapable d’évaluer la capacité de son armée à faire face à une armée allemande infiniment mieux préparée, ne peut que reconnaître sa faute. Elle a déclaré une guerre qui menait inéluctablement à la défaite. L’attitude civilisée de l’ennemi justifie donc qu’on lui fasse confiance pour établir une Europe forte, seule garante de stabilité.

Le maréchal Pétain a bien conseillé la France. Et la plus sage des révolutions se fit dans le silence.

Réalisme de Pétain. Démission salvatrice !

Quand on est vaincu par la force, il ne faut pas dénigrer la force, ni se plaindre. On n’a plus rien à dire. C’est au vainqueur à se poser des questions sur la justice.

Avec ce refus confortable d’admettre qu’elle est tout au contraire l’art d’agir sur le cours de l’Histoire, on en est revenu au degré zéro de la politique !
Est-il plus doux pour les Français de vivre dans l’ombre de l’Angleterre, ou dans l’ombre de l’Allemagne ? La question ne se pose pas. On pourrait rechercher s’il n’y a pas une raison d’être profonde dans les choses inévitables ; on peut aussi les accepter avec indifférence.

On pourrait, certes, comprendre que la défaite ait été un coup de massue et qu’il fût difficile de s’en relever. Jacques Chardonne ne manque pas de tenir le régime des assemblées pour responsable de cette faiblesse et de cet aveuglement :

Sous la troisième République, un gouvernement instable, des assemblées agitées, entretenaient à la surface de la nation un bouillonnement d’idées qui contentait le penchant du Français pour la discussion.
[…]
On crut à la force d’une France épuisée, à l’existence d’une armée fantôme, on compta sur des alliés plus évaporés encore.

La défaite agit dès lors comme un révélateur de la folie d’avoir voulu la guerre, mais Chardonne déclare ce chaos salvateur, il en fait en quelque sorte une punition rédemptrice :

Aujourd’hui, la France offre un grand programme au gouvernement qui veut la reconstruire. Il peut rendre la vie aux champs, à l’éducation son objet humain, au travail le sens de la qualité et de la solidarité française, et aussi donner un peu d’entrain à la jeunesse.
Ainsi Jacques Chardonne n’est pas vraiment
abattu, il connaît la défaite, il en espère une révolution nationale qui donnera un élan nouveau. Loin de lui les illusions de ces Charentais qui ne pouvaient croire à la défaite et qui pensaient aux Anglais au point de rêver tout haut :
On savait que les Anglais s’avançaient sur Paris. Ils débarquaient à Nantes. Ils étaient à Orléans. On ne colportait que des rêves ou de sombres fables. Ironise-t-il.

Il ne s’agit pas ici de juger les idées qu’un homme que l’Histoire aura désapprouvé, après coup c’est trop facile, mais simplement de mesurer l’irrésistible attraction de la force en un temps où la faiblesse a conduit au pire et de comprendre comment la honte du vaincu a pu produire son ralliement au prestige du vainqueur, au point de croire à sa bonhomie et d’approuver ceux qui transforment la réquisition de leur logement en une invitation à goûter le cognac pour ces Allemands tellement civilisés !
Et pour conclure :

Les Allemands ont fait la guerre avec le moins de dommages possibles, ils nous ont ménagés, ces conquérants d’un nouveau style n’ont pas abusé de leur pouvoir absolu, même dans le premier trouble de la victime. Quoi qu’il advienne, je n’oublierai pas cette surprise ; d’autant plus que nous avons été les chercher.

Même ceux qui avaient le plus à craindre auront été abusé, que l’on songe à Irène Némirovsky et à ce qu’elle écrit de l’occupant dans Suite française, ce qui est intéressant ce sont les remarques de Chardonne qui viennent justifier ce ralliement à Pétain et dont on peut entendre encore aujourd’hui l’écho chez ceux qui admirent l’écrivain, pour des raisons qui n’ont souvent rien à voir avec la littérature, le talent de ce dernier n’étant ici nullement en cause.



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