mercredi 6 novembre 2013 par Meleze
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C’est un livre de 1951 qui est ressorti dans l’édition parce qu’un acteur célèbre a eu l’idée d’en faire un film. De fait les séances de psychanalyse qui y sont rapportées sont passionnantes à lire dans ce sens qu’elle entretiennent un suspense permanent comme dans un roman policier.
On est dans un contexte de très forte contestation de la psychanalyse entretenu par une publication récente de Michel Onfray. Pour la plupart des gens, Sigmund Freud est devenu un charlatan et un menteur. Onfray est impitoyable et ajoute son travail d’exégèse à celui du livre noir de la psychanalyse.
Donc la publication de Devereux introduite par Élisabeth Roudinesco est une sorte de défense. C’est comme le concept de résilience d’un autre psychanalyste du nom de Boris Cyrulnik qui est aussi en marge du freudisme en tant que théorie générale en train de se fissurer de partout. La pratique de Cyrulnik comme celle de Devereux empêchent sans doute de condamner définitivement le freudisme à la mort.
C’est comme un procès avec un intense débat. Il y a une puissance théâtrale là derrière et une intensité dramatique qui pourrait passionner les gens si le contenu des obscures grimoires parvenaient à s’exprimer dans le langage moderne des médias. Bien que le langage en tant que thérapie semble complètement dépassé, on continue de placer un immense espoir en lui quand on voit, la tranquillité, le calme, l’apprentissage à se raisonner soi-même, le goût pour la comparaison entre les différentes pratiques indiennes qui ressortent des séances enregistrées par Devereux.
Le suspens tient à différentes questions qu’on se pose au fur et à mesure de la lecture et auquel on devient accrochés à force d’en rechercher les réponses.
Il y a le problème du côté primitif du malade qui doit parler avec la question de savoir s’il va pouvoir trouver quelque chose à dire alors qu’il voit le médecin presque chaque jour.
Il y a le récit des rêves qui paraît complètement incohérent et que pourtant le médecin semble mettre en ordre.
Il y a les différentes pratiques des indiens d’ Amériques qui étaient des ennemis les uns pour les autres de telle sorte que la question de savoir si on peut remonter à une unité par ce travail sur le rêve, à une unité entre toutes les tribus grâce à la psychanalyse. C’est passionnant et dans un contexte où tous les « natives » ou primitifs de la planète sont menacés dans leur chair dans leurs droits et dans leur langue.
Il y a aussi la brutalité des faits qu’on ne peut présenter qu’en les citant : « la maison me manque. C’est la plus belle maison qu’un "wolf" de mon âge ait eue. Je l’avais louée. Il y avait quatre chambres, de l’eau courante et elle était complètement meublée. Elle était prêt de l’endroit où je travaillais pour les chemins de fer. Quand je suis parti ma femme a eu tout cela ainsi que beaucoup de mes vêtements. Elle avait tout ce dont elle avait besoin et elle n’avait pas à se soucier d’enfants ni à en prendre soin. Quand je suis rentré de l’armée, je suis descendu du train et j’ai pris l’autobus pour aller en ville et là je n’avais pas un endroit où aller- que ressentiriez vous ? » (p 295) On peut dire que la structure du suspens est organisée par le psychanalysé lui-même !!
Depuis le premier livre de Freud sur l’interprétation des rêves la question passionne le public. C’est qu’il y a un défi à passer au-dessous des mots prononcés par le rêveur pour en faire une transcription relative à sa vie quotidienne et aux problèmes qu’il rencontre. La relation du rêve est douteuse. On se demande comment le rêveur ou le médecin, après lui, peuvent raconter dans le détail une chose aussi évanescente que l’histoire suivi par le rêve mais il n’empêche qu’on est emporté par le sentiment d’approfondir la maîtrise qu’on a de soi-même parce qu’on s’est mieux compris aux travers des symboles décryptés.
Comment conclure ?
En interpellant les lecteurs d’Exigence Littérature sur les traits communs aux hommes primitifs et aux hommes modernes. Que la psychanalyse soit fausse ou juste, si ces traits communs existent en faisant disparaître les peuples primitifs c’est nous-mêmes que nous détruisons.
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