vendredi 27 décembre 2013 par Abdelali Najah
Pour imprimer
Suite aux premières Rencontres d’Art Actuel, ayant eu lieu au Mazagan Beach Resort à El Jadida au Maroc les 26, 27 et 28 février 2010, nous avons mis en place un débat sur la Peinture Marocaine d’Hier et d’Aujourd’hui avec les artistes peintres Nawal SEKKAT, Chérifa RABEH GROSSE, Jean-Pierre GROSSE, et Ahlam LEMSEFFER.
Voudriez-vous vous présenter aux lecteurs ?
Nawal SEKKAT : « Nawal Sekkat est une artiste peintre, née en 1973.
Depuis 1993, la peinture est devenue une alliée de ma vie : une forme d’expression étroitement liée à mon vécu, à mes émotions et à mes observations. Engagée dans le développement et l’événementiel culturel, je suis également active dans le milieu associatif. Ainsi, je suis vice présidente de l’Association « Ambre Maroc » œuvrant pour la promotion de l’Art au niveau national et international, et organisant également des manifestations en faveur des enfants afin que l’Art soit à leur portée. Je suis aussi membre de l’AMAP (Association Marocaine des Arts Plastiques), et de « Ambre International », et je compte à mon actif plusieurs expositions au Maroc et à l’étranger. »
Jean-Pierre GROSSE : « Né en France en 1942, mon intérêt pour la peinture a été éveillé en 1963 par les peintres Jérôme et Fontanarosa qui professaient alors à l’École Polytechnique de Paris. Au cours de mon séjour dans cette École, et sous la tutelle de Jérôme, j’ai fréquenté l’Académie Julian avant d’être absorbé par la vie professionnelle qui a pris le dessus pendant 35 ans. Pendant toute cette période, la peinture fut surtout un « hobby », et en tant qu’ingénieur-conseil, puis homme d’affaires, j’ai parcouru le monde entier (quelques 120 pays). J’ai vécu aux Etats-Unis, au Brésil, au Nigéria, en Russie et en Afrique du Sud où j’exposais régulièrement. À Johannesburg, la peinture reprit le contrôle et je rejoignis l’atelier du paysagiste sud-africain Hazel Thompson. Ceci me permit de faire la connaissance d’une douzaine d’artistes locaux avec lesquels mon épouse et moi avons multiplié les sessions de peinture et les expositions. »
Cherifa RABEH GROSSE : « Née en 1944 à Oujda au Maroc, j’ai fréquenté les Beaux-Arts à Cannes, et, à mon arrivée en Afrique du Sud, j’ai rejoint l’atelier de la céramiste Gemma van Rensburg, puis celui de la peintre Hazel Thompson.
Grande voyageuse, j’ai parcouru une bonne partie du monde et j’ai eu la chance de voir mes œuvres (pastels, huiles, céramiques, poteries) toujours sollicitées par les collectionneurs. Depuis 2004 et après 40 ans d’absence, je suis revenue au Maroc et mon éclectisme continu à orienter mon œuvre. Je partage désormais mon temps entre Cannes et Marrakech. »
Ahlam LEMSEFFER : « Ahlam est artiste peintre et installationniste. Je pratique bien d’autres formes artistiques. Ma vie est partagée entre Casablanca et Paris que je fréquentais depuis la période estudiantine. J’ai beaucoup travaillé sur l’environnement dans toutes ses dimensions : la nature, l’actualité sociale et politique, etc.…
L’actualité ne m’a pas laissé indifférente, et elle transparaît dans ma peinture. Ainsi, ma façon de m’exprimer s’en est beaucoup altérée, et mes gestes picturaux ont changé, notamment les couleurs. Mes toiles ont pris des couleurs que je n’utilisais pas avant, tels que le rouge et le noir. J’essaye d’éviter le noir dans mes œuvres, mais il est toujours présent dans mes toiles, bien que ces dernières soient toujours baignées de lumière, source essentielle de ma quête. »
@marocpremium.org Nawal SEKKAT
Vous avez participé les 26, 27 et 28 février 2010, aux premières Rencontres D’Art Actuel à Mazagan Beach Resort à El Jadida. Vos impressions ?
Ahlam LEMSEFFER : « Les Rencontres d’Art Actuel ont permis de sensibiliser les habitants d’Azemmour et d’El Jadida à l’Art par le biais de la grande exposition de 50 artistes à Mazagan Beach Resort, ainsi que l’ouverture des ateliers d’artistes au public. Celle-ci fut une bonne initiative ! Car les habitants de la région ont pu visiter les ateliers et dialoguer avec les artistes… C’est une occasion rare pour certains, et nouvelle pour d’autres. En général, c’est une expérience qui mérite d’être renouvelée aussi souvent que possible.
Ces journées ont également été un moment opportun de rencontres pour les artistes exposants, puisqu’il y avait des peintres d’horizons différents. »
Jean-Pierre GROSSE : « Un excellent travail de la part des organisateurs, et, pour nous, beaucoup de plaisir à visiter les ateliers d’artistes et à discuter avec eux. Une expérience à renouveler en mettant à l’honneur d’autres régions. »
Nawal SEKKAT : « Très belle impression ! Cette belle initiative organisée par des professionnels, est une opportunité certaine pour la promotion de l’Art actuel au Maroc. J’en profite pour remercier les organisateurs et les féliciter. »
Cherifa RABEH GROSSE : « Superbe organisation. Des rencontres très intéressantes avec les artistes exposants et des visites très positives de quelques ateliers ».
@marocpremium.org Jean-Pierre GROSSE.
Pouvez-vous nous montrer votre apport artistique dans les premières Rencontres d’Art Actuel ?
Jean-Pierre GROSSE : « Je ne faisais pas partie des exposants … je ne pouvais donc rien apporter !!! »
Ahlam LEMSEFFER : « Personnellement, j’ai pu recevoir une pléiade d’artistes dans mon espace à Azemmour. Les premières Rencontres d’Art Actuel ont donc été un moment d’échanges entre des artistes de renom et un public « assoiffé » d’art. C’était aussi une occasion unique pour présenter ces artistes, leurs parcours artistiques, et la place qu’ils occupent sur la scène plastique marocaine, afin de répondre aux nombreuses questions posées par les visiteurs durant les trois jours de ces Rencontres d’Art Actuel. »
Cherifa RABEH GROSSE : « J’ai exposé … et donc contribué à la pluralité de l’art marocain ! »
Nawal SEKKAT : « Chaque artiste a contribué à mettre en valeur ces premières Rencontres d’Art Actuel par sa conception artistique, son identité, et sa propre démarche picturale. Ainsi, les œuvres exposées interpellent chaque dimension visuelle à une interprétation spécifique, guidée par son propre sens et sa réalité. »
@marocpremium.org Chérifa RABEH GROSSE
La peinture marocaine depuis sa naissance dans les années 60 du siècle dernier, est restée fidèle au modèle abstrait. Pourquoi la peinture marocaine n’arrive-t-elle pas à concevoir les courants d’Art moderne et contemporain à savoir le « Pop Art Américain », le « Graffiti » et le « New Pop » pour ne citer qu’eux ?
Nawal SEKKAT : « L’artiste ne peut pas être indifférent à sa société. Il ne vit pas dans une bulle fermée et aseptisée. Ceci dit, la scène artistique marocaine est très jeune, et ses pionniers peuvent conter leurs cheminements car ils ont pu bâtir une rutilante Histoire d’Art au Maroc.
Actuellement, le Maroc connaît un essor culturel et artistique très important favorisant davantage la créativité, et interpellant la nouvelle génération d’artistes dans un but de susciter leurs investissements. Il est évident que certains artistes marocaines sont en quête de formes artistiques originales, et préparent ainsi la voie à une démarche picturale pleine de surprise. D’une façon générale, un artiste se surpasse et passe les limites dans ses recherches d’exploration. »
Ahlam LEMSEFFER : « L’artiste n’épouse pas un courant artistique particulier, il suit son cheminement avec sa propre touche identitaire. Je penche toujours vers toute expérience picturale originale, et qui participe au développement de l’Art.
Personnellement, je ne reste jamais cloisonné. Ma démarche picturale est une recherche incessante d’horizons artistiques non- conformistes. La nouvelle génération est aussi prometteuse et novatrice. Elle n’est pas obligée de suivre nécessairement les courants artistiques existants, bien que des artistes fassent du « Pop Art » ou autres. Elle est entrain de frôler sa propre destinée, et qui n’envie rien aux autres peintres. »
Jean-Pierre Grosse : « Très franchement, ce n’est pas un sujet qui me préoccupe. Je crois que l’artiste doit suivre la voie qu’il croit être la sienne, et aimer ce qu’il fait sans trop se soucier de l’opinion d’autrui ou des tendances à la mode ! »
Cherifa Rabeh GROSSE : « De l’abstrait, de l’abstrait et toujours de l’abstrait ! L’évolution des artistes peintres « figuratifs » au même titre que les « abstraitistes » est une opportunité bénéfique pour l’Art au Maroc. De toute façon, les « figuratifs » évoluent souvent vers l’Art Abstrait qui est un aboutissement naturel de leurs travaux.
Penser « Pop Art Américain », « Graffiti » ou « New pop » est une question prématurée au Maroc. Il ne faut pas désespérer : cela viendra bien un jour. Mais pour l’instant, notre regard et notre esprit sont axés sur l’Art Abstrait. »
Comment expliquez-vous alors la crise de la peinture marocaine ?
Nawal SEKKAT : « La crise est planétaire et affecte tous les domaines culturels. Par contre, le problème de la peinture marocaine réside dans la structuration du marché d’Art marocain. Le métier d’agent commercial artistique serait un atout majeur pour une structure fiable de la scène plastique. La répartition des tâches aide l’artiste à concentrer ses efforts artistiques dans la création. Donc, à mon sens la structuration du marché de l’art est une nécessité actuelle et vitale… »
Jean-Pierre GROSSE : « Je ne crois pas que la peinture marocaine soit en crise. Nous découvrons souvent des œuvres et des artistes peintres de qualité. Malheureusement, ceux-ci ne sont pas reconnus sur la scène plastique marocaine car la majorité des acteurs de la profession (galeristes, critiques d’art, collectionneurs…) semble figer dans une admiration inconditionnelle de signatures connus.
Le modèle abstrait reste toujours à la mode. Pourquoi pas ? Mais je crains que trop d’artistes ne fassent de l’Art Abstrait faute de savoir mieux faire , et sans y apporter suffisamment de travail ou de créativité. Bien évidemment, il ne s’agit pas là d’une critique : le génie ne se mesure pas nécessairement en heures de travail !
Quant aux artistes, je pense qu’ils devraient beaucoup plus partager, échanger entre eux et avec des étrangers : c’est la meilleure façon d’évoluer... et de garder une certaine modestie salvatrice ! »
Cherifa RABEH GROSSE : « Y a-t-il vraiment une crise de la peinture marocaine ? De nouvelles galeries naissent constamment, les ventes aux enchères semblent prospérer et les foires et manifestations se multiplient. On peut sans doute regretter une certaine étroitesse du marché liée à sa jeunesse mais les choses évoluent très vite et je suis très confiante dans l’avenir de la peinture marocaine qui ne restera pas limitée à quelques signatures. »
Ahlam LEMSEFFER : « La peinture a une naissance tardive au Maroc. Elle manque de structures artistiques institutionnelles car elle est encore au stade de développement. Le syndicalisme, les cartes d’artistes et le code de déontologie… sont autant d’éléments récents dans le champ plastique marocain. Les espaces d’art qui se multiplient en masse ces dernières années, ainsi que les maisons de vente sont aussi une nouveauté au Maroc. D’où, les arts plastiques sont encore dans un stade d’expérimentation sur le plan structurel.
Comparativement aux autres pays européens et américains, la peinture marocaine a de grandes potentialités et peut être fière de sa production. La preuve nous a été démontrée par le biais de la GENAP, la Grande Exposition Nationale des Arts Plastiques (en 2003, 2004 et 2005), ainsi que d’autres évènements artistiques de taille et ces rencontres d’Art Actuel bien entendu. »
Votre dernier mot ?
Jean-Pierre GROSSE : « La reconnaissance de l’Art et de l’Artiste au Maroc n’en est qu’à ses débuts. Les choses évolueront ; les anomalies se corrigeront progressivement, et je crois que l’ouverture à l’art et aux artistes étrangers pourrait y contribuer puissamment. »
Nawal SEKKAT : « L’épanouissement de l’art marocain dépend de l’enrichissement moral et intellectuel de ses acteurs, d’un ancrage dans notre propre culture et de notre ouverture sur le monde.
Actuellement, le Maroc est en plein essor. Les potentialités doivent ainsi œuvrer dans tous les domaines afin que certaines mentalités résistantes au changement acceptent l’innovation. »
Cherifa RABEH GROSSE : « Rencontres, communications, échanges artistiques devraient être parmi les préoccupations majeures du monde de l’Art Marocain. »
A.LEMSEFFER : « Espérons que ces Rencontres se multiplient dans la scène culturelle marocaine afin de dynamiser notre politique artistique ; et que « Maroc Premium », l’organisateur de ces rencontres, soit le bon exemple par ses engagements et ses encouragements pour le bien être de l’Art et des Artistes au Maroc. « Maroc Premium » a toujours soutenu les artistes dans son magazine, et ces Rencontres sont une preuve complémentaire de son dévouement pour l’Art. »
@marocpremium.org Ahlam LEMSEFFER
toute reproduction ne peut se faire sans l'autorisation de l'auteur de la Note ET lien avec Exigence: Littérature