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L’identité malheureuse
vendredi 21 février 2014 par penvins

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Un livre animé par la nostalgie d’une identité perdue. Ce à quoi s’attache Alain Finkielkraut c’est à démontrer que si le monde a changé depuis le drame du nazisme, le remède aux maux d’aujourd’hui se trouve dans le retour aux solutions d’hier. Il faudrait en revenir à l’étude des classiques et au culte des anciens plutôt que d’ériger une barrière toujours plus haute – le politiquement correct – contre le racisme. Appelant Claude Lévi-Strauss à la rescousse Alain Finkielkraut souligne que tout n’est pas racisme et que des individus que leur fidélité à certaines valeurs rend totalement ou partiellement étrangers à d’autres valeurs ne sont pas pour autant racistes. Le monde humain a besoin de frontières insiste-t-il.
Monsieur Finkielkraut, s’il est important de souligner que le politiquement correct est un comportement malsain et qui ne suffit pas à combattre le politiquement abject, doit-on automatiquement en conclure que le mur érigé contre le racisme est trop haut et que la meilleure solution pour retrouver notre identité perdue serait d’en revenir au respect des maîtres et à l’autorité des classiques. Certes on peut trouver ici ou là des âmes bien pensantes qui préfèrent que le professeur en rabatte vis-à-vis de l’élève plutôt que l’inverse, et vous ne manquez pas de le souligner, certes la situation de l’école en quartier sensible ne favorise pas l’humilité de l’élève indispensable à l’apprentissage et ce que vous dites de l’appauvrissement de la syntaxe et du vocabulaire est indéniable, mais nous vivons comme vous le rappelez si justement la naissance de l’ère post-hitlérienne, le monde se recompose et la langue elle-même prend de nouvelles marques, s’adapte à un monde nouveau. Reproche-t-on au français du XIXème siècle d’avoir perdu des modalités du grec ancien ? Ce n’est pas la perte du subjonctif qui est inquiétante, c’est comme le dit l’essayiste que le présent ne se laisse plus mettre à distance. Cela rend par là-même inutile le mode de l’irréel et ce n’est certainement pas en tentant d’en enseigner l’usage à des élèves qui ne peuvent pas même l’imaginer que l’on y changera quoi que ce soit !

Le monde évolue et vous vous offusquez de ce que l’on veuille faire travailler les élèves avec les outils d’aujourd’hui, citant Alain vous dites :
l’école est un lieu admirable où les bruits extérieurs ne pénètrent point
Il y a certes des vertus à tenir le monde à distance, mais doit-on pour cela en revenir aux outils d’autrefois. Pourquoi pas la pierre et le burin ? N’y a-t-il pas là une façon de réintroduire le monde dans l’école, les élèves que l’on priverait des outils qui leurs sont familiers ne seraient-ils pas tout au contraire avides de ce monde dont on voudrait les distraire ? Non monsieur Finkielkraut ce qui vous anime ce n’est pas le souci d’initier les élèves à la culture, mais bien de leur faire revivre l’enfance studieuse que vous avez vécu.

Votre analyse est complète, mesurée, contradictoire, mais votre interrogation reste animée par une profonde nostalgie mortifère : ce ne sont pas seulement les classiques que vous appelez à revenir dans un monde en perte de repères, ce sont les morts :
Y a-t-il encore une place pour les œuvres et les actions des morts dans le monde fluide, volatile et volubile des vivants ?
ou encore :
Et ne craignons pas le pathos : pour la première fois dans l’histoire, les trois conditions de possibilité de l’entretien avec les morts – le silence, la solitude, la lenteur – sont attaquées en même temps.
Et enfin :
[L’homme] naît avec une dette qu’il est tenu d’honorer. Annuler cette dette, repartir de zéro pour édifier une société nouvelle avec des individus autonomes, c’est-à-dire réduits à eux-mêmes, cela ne peut conduire qu’à la catastrophe.
C’est bien de cela qu’il s’agit évidemment : Il n’est pas possible d’édifier une société nouvelle qui ne prendrait pas en compte l’hommage dû aux morts ! Chacun en conviendra, mais doit-on pour autant vivre dans leur musée ?

Plus qu’un attachement au passé il s’agit d’un culte du souvenir qui vous conduit à rechercher une issue aux problèmes contemporains à travers des recettes devenues inapplicables et à appeler de vos voeux une famille identitaire qui peine à survivre à un monde disparu.

On perçoit, entre vos lignes, votre admiration pour une nation française où subsisterait la galanterie, à laquelle vous attribuez l’incompréhension vis-à-vis du voile et son interdiction à l’école : le Français ne peut admettre une femme qui ne tient pas son rôle de séduire, cette exception culturelle expliquerait que le reste du monde ne comprenne pas notre position. La remarque est sans doute pertinente, mais ce qui l’accompagne c’est le regret d’un monde galant qui ne serait plus (sinon par ses traces), un monde d’ancien régime qui pourtant aurait longtemps perduré. Et cette identité en train de se perdre, comme le dernier rempart contre l’islamisation de la nation, vous ne cessez de la rechercher comme s’il n’était d’autre identité possible, comme si la vie n’inventait pas chaque jour de nouvelles formes de ce vivre-ensemble qui semble ici lourdement lesté d’un passé qui ne peut plus se dire glorieux, mais dont vous voudriez que l‘on soit à nouveau fiers. Fidèles à nos valeurs !

Il y a dans cet essai, beaucoup de citations, d’exemples pris dans l’actualité du 20 heures, est-ce que cela fait une pensée, je ne le crois pas, mais cela témoigne des choix d’un homme, de ses craintes, de sa culpabilité, de ses attachements et peut-être cela éclaire-t-il ce qui est à l’œuvre dans cette recherche d’une identité malheureuse :

Avant propos

Le changement (d’aucuns disaient la nostalgie) n’est plus ce qu’il était.

Je suis né à Paris le 30 juin 1949. Ce qui signifie que j’ai grandi et passé une partie de ma vie d’adulte, personnelle et professionnelle, dans une France bien différente de celle que nous habitons aujourd’hui.



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