dimanche 6 avril 2014 par Jean-Paul Gavard-Perret
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Editions Lanskine, coll. Format libre, 112 p., 10 E.
La littérature a pour objet l’exploration de la difficulté à être. Cet empêchement prit chez Lair une dimension tragique que le texte retrace. Mais fait plus : l’auteur ose enfin parler. Jusque là faute d’air (sauf maternel) sa voix demeurait étouffée. Il fallait pouvoir en finir avec l’histoire fausse car mal partie et où tout lien familial ne fut qu’un leurre susceptible d’entraîner l’homme fantôme en une obscurité que ses textes s’acharnaient à refouler. Dans « La chambre morte » le trou noir est enfin rebouché. Celle qui « a laissé son petit dans la merde », comme écrivait Beckett à propos de la sienne, est sorti du monde. Le fils peut y rentrer, défait du macabre et de la capacité de destruction de la génitrice. La trop-aimée et le trop haïe laisse le champ libre pour faire de l’existence autre chose qu’une veille qui ne fut qu’une sorte de sommeil où la femme première ne pouvait qu’empoisonner l’auteur à petit feu. Dégagé du giron de la Jocaste terrorisante il sort de l’assassinat de naissance et du sentiment de n’être jamais né. Le texte siphonne radicalement ce qui rendait impossibilité de posséder des pensées et ce qui empêchait de parler. Désormais il ne sera plus question de la mère engluée dans son narcissisme hystérique. La langue se libère de ses sophismes et de ses poncifs. Mathias Lair se dégage en conséquence du silence dans lequel il était rendu absent à lui-même au sein même de la plus grande lucidité puisque comme l’écrivait Michel Camus dans « Fondations » « on n’est pas soi là où il y a conscience absolue du silence de soi ». C’est désormais le brouhaha du « je » qui va permettre au discours de se poursuivre par prise directe - et non pas un jeu de bande - de contact avec la vie.
Jean-Paul Gavard-Perret.
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