samedi 12 avril 2014 par Jean-Paul Gavard-Perret
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Bruno Edmond, « Mahu », Diabase, La Riche (37), 112 p., 11 E.
Comment ne pas penser en lisant le dernier (et superbe) roman de Bruno Edmond à Pinget ? Les deux écrivains vivent quasiment à la colle avec Mahu. Pour autant Edmond ne copie pas son illustre prédécesseur. Il y a chez les deux « héros » le même anti-chemin mais dans sa « version » nouvelle Mahu est encore plus un pauvre hère voire une bête parmi les « équanimes » bêtes. En ce sens il est moins taraudé que son ancien parent : « Pas de solitude. Pas cette angoisse, ce creusement, cette torsion. Pas de brouillard dans sa tête. Pas de gravier dans sa bouche » (p.17). Tandis que chez Pinget il y en avait de ces pierres qu’un des admirateurs de l’auteur (Beckett) finit par faire sucer à l’un de ses personnages.
Le « Mahu » d’Edmond ne lorgne pas sur le passé il ouvre (presque) des perspectives d’avenir même si à la fin on le retrouve tel un épouvantail fait pour repousser ses semblables plus que les oiseaux. Il possède une forme d’éternité piaffante, il est dépendeur de pendu. Le tout dans un corpus froid, nerveux, rapide sans goualantes, ni volupté. L’auteur joue entre ordre et désordre, relique et image impensée : on se laisse emporter en une sensation de vertige pour la pure émergence. Rien d’autre pour tout dire sinon ce mouvement. Se perçoivent des aveux : ils ne sont pas pour autant synonyme de confession. Bruno Edmond sait ce que valent leurs monnaies de singe. Il écrit non pour supporter l’existence mais pour la soulever. Il invente afin de corriger le temps plus ou moins revenant. Ouvre, déchirant, assemble des seuils où l’humour danse. Contre toute attente la tendresse est ici un océan. Mahu en pleine terre le traverse.
Jean-Paul Gavard-Perret
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