Sous-titré "(Variations)", recueil de poèmes paru chez Rougerie
lundi 5 mai 2014 par Françoise Urban-MenningerPour imprimer
La table des matières annonce d’emblée le ton, la teneur et la couleur de cet ouvrage. "Limons" en est la dernière partie et les titres qui ne sont autres que le premier vers de chaque poème sont déjà des fragments éclatants : "Rituelle la pluie" ou, dans la partie appelée "Octobre le fleuve", on peut lire "Cri des mains" ou "Tes mains lâchent" ou, dans "Bleu le Noir" , découvrir "Mûriers de la présence" qui nous font insensiblement glisser de l’autre côté du miroir mais toujours au plus près de notre entité.
Et de l’autre côté, "On entend la rumeur de la mer derrière les grandes baies" et c’est dans un rêve éveillé que Laurence Breysse-Chanet écrit à l’écoute d’elle même mais aussi de ce qui vient du plus loin et qui la traverse tout entière : "dans le sable/ remontent/ les souvenirs d’avant le temps". Car ces poèmes nous pénètrent de leur magnificence par les pores de la peau, de la vue, de l’odorat, de l’ouïe pour nous inciter à retourner dans ce lieu originel où l’âme, l’esprit et le corps ont la faculté de se ressourcer.
Les poèmes de Laurence Breysse-Chanet sont des "limons" déposés dans sa mémoire sensorielle, spirituelle...Cette mémoire, c’est la sienne tissée de ses souvenirs propres mais également la nôtre ! On le sait les "limons" déposés par le vent fertilisent les sols en les renouvelant. Les "limons" dans ce recueil (pris au sens littéral du terme) sont ce terreau de mémoire qui a partie liée avec cette âme universelle et intemporelle qui, du minéral à l’humain, en passant par le végétal et l’animal, nous permet d’appréhender les cimes et qui nous fait tenir vent debout entre ciel et terre.
Car la douleur et la violence tracent leurs sillons d’amertume dans ces terres limoneuses qui paradoxalement et contre toute attente s’en enrichissent pour se transmuer en en une énergie luminescente. "Ecoute la chanson des larmes/ qui savent le miel contre/ les poisons du coeur", écrit Laurence Breysse-Chanet en nous ouvrant ainsi aux grands espaces d’une terre sereine et apaisée.
Ce retour "vers la plage du souvenir" invoque les réminiscences de l’enfance enfouies sous la peau des mots qui palpite dans chaque vers. "Ecoute les mousses qui respirent doucement", "Sur les veines déchirées des mûriers/ s’étend la chanson noire/ qui vient toucher les paumes/ et battre sur ta vie", nous confie le poète sur le ton de l’aparté.
Ce ton, à n’en pas douter, est celui de la musique du cosmos, portée par le subconscient du rêveur qui nous invite à nous fondre dans le monde.
Ainsi la lie des souvenirs heureux devient-elle ce "limon" où Laurence Breysse-Chanet puise ses images irradiantes de beauté.
"Le vent dépose l’oubli sur la mousse/ à l’intérieur de la clarté des terres", et c’est bien cette clarté qui nous éblouit et nous ravit dans la lecture de ces poèmes où chaque vers semble couler d’une source vive de lumière empreinte de cette douleur d’être aux résonances christiques :"Je suis d’ombre pour que la nuit dorme en moi/ ses bras croix de douleur se replient sur l’oubli". Mais ce bouleversement né des profondeurs est source même de création car le poème comme nous le disait Guillevic "nous met au monde" et Laurence Breysse-Chanet de nous le confirmer "Regarde tes mains, le poème attend." Et le poète de nous répéter que l’écriture est aussi une blessure qui à l’instar de celle des arbres et de la nature tout entière qui frémit dans notre chair signe notre appartenance à cette vie qui nous traverse "Bleus les cris se rassemblent sous ta peau". Et l’auteure de conclure dans cette pleine lumière de l’âme qui éclaire tout le recueil :"Le blé mûrira tu le sais bien".
Françoise Urban-Menninger
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