dimanche 11 mai 2014 par penvins
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Monde clos. Hors du monde, tel est le monde d’Herbert. Monde qui se regarde se refléter. Herbert rêve à l’ombre des réverbères. Tellement narcissique qu’il ne peut agir, heureux d’être exempté de cette épreuve. Cette incapacité à vivre le fera aller d’échec en échec aussi bien dans sa vie érotique (comment envisagerait-on de dire « amoureuse ») que dans sa tentative de mettre en scène sa pièce de théâtre ou de faire publier son roman. Rien (qu’une affaire de regard) de Philippe Annocque c’est cela. Un texte sur l’impuissance, l’impossibilité d’agir. Le regard sur soi mène à Rien et le texte lui-même n’est plus que forme. Michel Butor est cité, mais sans doute d’autres auteurs du Nouveau Roman devraient-ils être évoqués tant on assiste à une sorte d’apogée du texte formaliste, de cette littérature brillante qui inspire encore quelques écrivains d’aujourd’hui et dont il est bon de rappeler qu’elle est née au lendemain de la Débâcle, quand tout s’était écroulé et que la honte empêchait de s’exprimer sur le réel.
Dans chaque femme de ce roman, dont il constate malgré tout qu’elles sont différentes les unes des autres, Herbert semble rechercher une femme antérieure par une sorte de jeu de reflet. Herbert est tout à son désir, enfermé dans sa quête égocentrique, il ne veut pas rejoindre : plus il y a de parallèles, plus il aime, ce qu’il ne veut surtout pas c’est cela : Rejoindre. Dès lors plus rien ne fonctionne naturellement, il est dans une impasse, heureux d’y être, tant il est préoccupé de ce qu’il pourrait avoir à agir même s’il fait semblant de croire que si l’on ne peut pas uriner lors d’une visite médicale, c’est que l’on n’en a pas envie. Autre façon de justifier son impuissance !
Difficile de ne pas voir dans ce roman, qui bien sûr reprend le formalisme et les thèmes de ceux de la génération précédente, tout autre chose. Parce que le Nouveau Roman a existé et existé à un moment donné de l’Histoire et que ce roman-ci, écrit à une autre époque, ne peut plus dire la même chose, bien au contraire, il semble dire la vacuité de la littérature romanesque de son temps, impuissante à agir, devenue tellement cérébrale, incapable de s’insérer dans la vie, préférant se réfugier dans un genre qui n’est pas le sien, la poésie ! Mais l’auteur qui dit avoir écrit ce livre pour être lu et qui assurément l’a été, était-il conscient de la puissance iconoclaste de ce Rien ?
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