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La peinture marocaine entre hier et aujourd’hui.
dimanche 6 juillet 2014 par Abdelali Najah

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La ville d’El Jadida a rendu un vibrant hommage le Vendredi 13 Novembre 2009, à son fils très bien aimé feu ABDELKEBIR KHATTIBI, par le biais de l’inauguration d’une nouvelle salle d’exposition qui portera le nom de ce grand philosophe de la différence.

La direction régionale de La Culture des Doukkala Abda a annoncé ainsi l’organisation d’un programme artistique de taille et distingué par une Exposition Nationale Des Arts Plastiques intitulée « La peinture marocaine entre hier et aujourd’hui » avec la participation des peintres marocaines de renommées en l’occurrence : Miloud Labied, Salah Ben Jakan, André El Baz, Med Kacii, Med Idrissi, Med Bennani, Hassan Bourkia, Abdellah Dibaji, Bouchta Hyani, Fatima Kebbouri, Bouchaib Habouli, Ahmed Jarid, Abdelhay Mellakh, Habib lemssefer, Med Nebli, Abderrahman Rahoul, Abdellah Sadok, Zoubir Ennajeb, Abdelkrim Elazhar, Ahmed Elamin et Abdelatif Belazziz.

En cette occasion spéciale marquée par l’inauguration de la galerie Abdelkebir Khatibi à la Citerne portugaise de Mazagan à El Jadida, nous avons eu une interview avec le peintre marocain André Elbaz sur l’exposition artistique nationale intitulée « La peinture marocaine entre hier et aujourd’hui », et organisée par le Ministère de la Culture du 13 au 25 novembre 2009. Au début, pourquoi « La peinture marocaine entre hier et aujourd’hui » ?

André Elbaz : La peinture est toujours en mouvement. Je suis ravi et touché que ces travaux soient exposés dans ce lieu où j’ai habité jusqu’à mon départ pour Paris. Dans l’ensemble des travaux exposés, les deux peintures de moi que j’ai eu le plaisir de retrouver datent des années 58 et 61. Du fait que ce sont des pièces très anciennes par rapport à celles qu’exposent mes collègues sur les mêmes cimaises, on peut dire, à propos de mes travaux qu’ils renvoient à l’autre siècle et que ce sont des travaux d’Hier. Dans cette même exposition, on trouve des peintures datées d’il y a quelques mois. Ne peut-on dire que ce sont des travaux qui ouvrent sur ce que certains artistes peignent Aujourd’hui. Ce qui est important, c’est ce qui se fera demain. Nous, les anciens, nous avons œuvré pour éloigner la crainte, et avons ainsi ouvert la possibilité de rentrer dans l’Art. 

Voulez-vous nous parler de vos toiles exposées dans cette manifestation artistique nationale ?

André Elbaz : J’ai été étonné de rencontrer ces deux peintures. Il en est une qui a été peinte il y a un demi siècle. La seconde, deux ans plus tard. J’en étais à mes débuts. La première est de 1958, avant le tremblement de terre d’Agadir. A l’époque je cherchais à trouver des matières picturales sensuelles. Il me fallait comprendre à la fois les matières et les compositions des toiles. La seconde offre des murs en mouvements. Il me fallait symboliquement inscrire ce tremblement, cette catastrophe nationale qui venait entacher notre joie de revoir notre Souverain et Sa Famille revenir au Pays. J’ai longtemps travaillé sur ce thème.

Et votre style pictural…

André Elbaz : A l’époque je tentais de sortir de la figuration pour aller vers l’art abstrait. J’ai cherché pendant de longues années. Je ne peux dire à propos de moi que j’ai un seul style. Je suis si divers et travaille sur tellement de thèmes et tellement de matériaux… J’espère, d’ici 2011, montrer 150 pièces qui témoigneront de mon chemin et de quelques uns des styles traversés.

Ne trouvez-vous pas que votre culture plurielle a une influence sur votre style artistique ?

André Elbaz : Si la culture n’est pas plurielle, on risque de tourner en rond et de se retrouver dans une impasse, un cul de sac. L’artiste est comme une abeille, il ne peut pas prendre du pollen d’une seule fleur. Que serions-nous sans les anciens ? Nous avons, de notre vivant, changé de siècle et de millénaire. Nos maîtres contemporains sont morts et l’art international est dans une terrible impasse.

Pouvez-vous nous dresser en quelques lignes un panorama de la peinture marocaine ?
 
André Elbaz : L’exposition qui ouvre le 9 décembre à la Société Générale de Casablanca réunit 70 artistes. C’est une très belle initiative et, qui plus est, un beau panorama de certains aspects de la peinture marocaine. Elle est jeune et diverse, et on y trouve de véritables talents.

Pourquoi la peinture marocaine tourne-t-elle généralement autour de l’abstrait et du naïf ?

André Elbaz : Dans les années 50, nous étions quatre jeunes à quitter le pays pour aller chercher à comprendre ce qu’est l’art et à chercher à nous initier avant de revenir avec nos acquis au pays.
Farid Belkahia est parti en Tchecoslovaquie et à Paris. Ahmed Cherkaoui, en Pologne et ensuite à Paris. Jillali Gharbaoui et moi, à Paris. Nous avons rapporté au Maroc nos façons de transcrire l’art qui nous entourait. 
Au Maroc restait Mohamed Ben Allal, qui travaillait sous la direction de Jacques Azéma, et Louardiri, avec Jacqueline Matys-Brodski, Chaïbia travaillera pendant plusieurs années avec moi. Ni elle ni Louardiri ne sont tout à fait des naïfs. Ce sont des peintres avec des mondes intérieurs et un imaginaire riches. Mais tous deux n’avaient d’autres références que leur travail. La peinture coulait de source chez chacun d’eux.
Lors de nos débuts au Maroc, nous n’avions ni Musées ni galeries et nos expositions montraient où nous en étions dans nos recherches, et l’art est un métier très difficile. Nous avons traversé bien des étapes et des confrontations. Si je suis certain d’une chose, c’est qu’il y aura un jour une belle relève dans l’art marocain. 

André Elbaz face à son Inquisition

Comment le peintre marocain peut-il rester fidèle à sa vocation artistique et refléter dans ses toiles sa culture traditionnelle ?

André Elbaz : Quand nous parlons ensemble, dans cette langue qui n’est pas celle de nos enfances ni celle de nos parents, pour autant nous ne nous éloignons guère de notre culture. L’art est comme cette langue. Nous employons un autre vocable et un autre vocabulaire, mais nous restons ce que nous sommes. Picasso est resté Espagnol ; Chagall, Russe ; Paul Klee, Allemand.

Quelles sont les perspectives de la peinture marocaine ?

André Elbaz : Riches et nombreuses. Vous verrez que sitôt que le Musée National d’Art Contemporain s’ouvrira à Rabat, suivi par celui que j’espère à El Jadida, les yeux des artistes, les plus anciens comme les plus jeunes, rencontreront de l’étonnement - et cet étonnement portera les germes de l’art de demain.

En guise de conclusion, que représente Mazagan pour vous ? 

André Elbaz : Mazagan représente pour moi EL Jadida, et EL Jadida est ma ville. C’est de ce sol béni qu’est montée la sève qui, enfant, déjà me nourrissait. C’est ma terre natale avec son océan et l’odeur de l’algue et de l’iode.
 
Je n’ai jamais été aussi bien, aussi heureux et aussi « rêvant » qu’à El Jadida.

André Elbaz à l’atelier de Narbonne préparant ses Madame Bovary.

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