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Une oeuvre au pays de Mélodie - Hervé Cristiani
dimanche 10 août 2014 par Sébastien Robert

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En juillet dernier, emporté par un cancer, Hervé Cristiani a définitivement posé sa plume et raccroché sa guitare. Pour comprendre son parcours, il faut entrer dans l’univers de cet artiste dont l’activité commence au début des années 70. Elève assidu duPetit Conservatoire de Mireille, cette dernière l’apprécie particulièrement. Elle relève chez lui son mauvais caractère doublé d’un grand talent. En novembre 1971, il chante chez elle son premier succès « Le Palais du roi ». Avec cette chanson, épique aux accents folk, Cristiani installe un univers onirique dans lequel il se met dans la peau d’un sujet d’un roi légendaire. Dans Au pays de Mélodie (1975), son premier album, l’artiste propose d’ailleurs une seconde version de cette chanson. Dans cet opus inaugural, Cristiani subit l’influence du rock progressif illustré par « Dans les étoiles noires » tout en tissant son propre univers fait de graves confidences avec « Ne nous séparez pas » et de petites histoires naïves dans « Le Doryphore ». La voix de l’interprète, presque chuchotée, se veut déjà très intime. Son second album, Campanules (1976), confirme l’idée que Cristiani se fait de la chanson : elle doit raconter mais ce qu’elle raconte a le droit d’être léger. Par exemple, un titre comme « Gigot blues » évoque les divagations d’un jeune séducteur. Le vocabulaire de Cristiani témoigne déjà de son goût immodéré des suffixes, des jeux de mots, de la sonorité fraîche et désinvolte du verbe. Le titre éponyme « Campanules » évoque l’univers du point de vue des animaux, des insectes. Le grand et le petit coexistent et le verbe de Cristiani devient volontiers burlesque. En 1979, Récréation est un album qui accepte davantage des influences musicales populaires comme le disco, avec des titres tels que « Bazooka punk » ou « Gare Saint-Lazare ». Pourtant, l’auteur-compositeur ne brade pas sa guitare et la met au service de petites historiettes comme celle du « Baba au rhum ». Un titre de cet album sera particulièrement apprécié par Hervé Cristiani qui le reprendra volontiers sur scène quarante ans plus tard. En effet, « Le Pharaon », finement ciselé, propose les méditations d’une momie sur le passé et sa splendeur, son inquiétude sur l’avenir. La guitare hypnotique se marie merveilleusement avec les percussions délicates pour évoquer ce motif littéraire et poétique du temps qui passe que l’auteur traitera dans plusieurs chansons.

Mais Hervé Cristiani ne connaîtra un véritable succès qu’avec son quatrième album, Il est libre Max en 1981. La chanson éponyme aura un immense succès, inattendu. Plus de vingt ans après, son auteur publiera d’ailleurs un livre expliquant le sens de cette chanson et sa propre « philosophie de vie ». Max est un personnage de fiction, sans doute le double du chanteur : libre, lucide, aimant et souriant. Cet album se veut pourtant plus commercial, dans la mouvance de la variété de l’époque : des orchestrations similaires se retrouvaient par exemple dans l’album de William Sheller, J’suis pas bien, publié la même année. Quelques titres comme « Radio bonheur » ou « Attila le Hun » sont marqués par cette période du début des années 80 mais l’auteur ne se prive pas, comme il aime à le faire depuis ses débuts, d’écrire des textes comiques ou sarcastiques par exemple dans « Médor ». En 1983, la publication de son album Cinq offre au public un ensemble musical très abouti, aux textes plus personnels. Cristiani est toujours fidèle à ses rêveries cosmiques dans « Futures légendes », « Champagne éternel » mais au milieu de chansons plus légères comme « Ma Claque » ou « Vermine et choléra », l’artiste propose à son public des textes plus profonds : le temps qui passe et la mort avec « Le Poète est mort », l’amour avec « La Femme que j’aime » ou les valeurs dans « Salve Regina ». Puis durant sept années, le chanteur ne publiera que quelques quarante-cinq tours : il dénonce la folie de l’argent dans « Hey Money » en 1985 ou nous propose un titre plus rêveur, l’année suivante, « Royal Albert Hôtel » dont l’orchestration mélancolique rappelle l’ambiance de « La Ballade de Jim » (1985) d’Alain Souchon.

1990 est l’année de la sortie d’Antinoüs, album pour lequel Cristiani avait une tendresse particulière. Le titre de l’ensemble est inspiré des Mémoires d’Hadrien de Yourcenar. Teinté de mélancolie dans « Arrêtez les monde » ou « Le Tango bleu », Antinoüs évoque aussi le voyage dans « Bolivar » et « Bamako ». Après dix-huit ans d’absence, durant lesquels il signera des travaux pédagogiques notamment salués par la Sacem comme La Multiplicato et J’apprends à lire en chantant (1989) ou Bébé chante (2001), Cristiani publie une nouvel album Paix à nos os… en 2008. Cet album, dans lequel la guitare est très présente nous fait découvrir un chanteur plus engagé, dénonçant des sujets aussi variés que les attentats dans « Une seconde avant » ou l’industrie du disque dans « Paix à nos os… ». Plein de gratitude et d’amour, le chanteur évoque délicatement la femme dans « Le Don de donner » ou « La Fille qui danse ». Entouré de ses amis Alain Souchon, Francis Cabrel, Michel Jonasz et Yannick Noah, Cristiani offrira un album sans doute moins varié que les précédents mais honnête et fidèle à ses choix d’artiste.

Il est difficile d’aller plus en avant dans l’intimité de cet artiste patient et discret. Authentique dans ses choix, ne cédant que rarement au goût du moment si ce n’est par humour ou autodérision, l’œuvre de Cristiani ne peut se limiter à son titre « Il est libre Max ». La carrière du chanteur, depuis 1971, n’est qu’un déploiement de cette liberté sans grande compromission avec les médias qui auraient tendance à dépouiller l’artiste de ses tâtonnements et de ses faiblesses pour l’installer immédiatement dans le succès. Avec son talent propre, Hervé Cristiani mérite que son œuvre soit écoutée et appréciée comme celles de Souchon, Manset ou Bashung. Plus fragile, plus optimiste ou léger que ses camarades, son travail ne doit cependant pas être sous-estimé : l’exigence de ses mélodies, l’ironie ou la gravité de ses textes pourraient bien surprendre l’auditeur.

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