Une évocation engagée et désabusée de ce que fut le Surréalisme, l’un des plus grands mouvements artistiques du XXeme siècle
samedi 14 février 2015 par Jacques LucchesiPour imprimer
On ne parle plus guère du Surréalisme aujourd’hui, sinon dans quelques maisons d’enchères où les grands noms de sa peinture (Max Ernst, André Masson, Oscar Dominguez, Jacques Hérold ou même Salvador Dali) se négocient toujours à des prix considérables.
Ce désintérêt est en soi symptomatique d’une époque qui a banni le rêve de ses productions artistiques, sinon sous la forme d’effets spéciaux numérisés. Mais on continue, dans toutes les sphères de la société, à user et à abuser de l’adjectif « surréaliste » à propos de tout et rien, pour peu que l’imprévu pointe le bout du nez. Qu’un mouvement artistique majeur du XXeme siècle, dont l’influence s’étendit bien au-delà de la France, ait pu ainsi s’estomper a de quoi faire s’interroger sur le devenir de nos formes culturelles. C’est ce qui a déterminé Henri-Michel Polvan – surréaliste revendiqué, même de la seconde génération – a rédiger ce petit livre, issu d’une conférence qu’il a récemment donnée à Marseille. L’auteur y brosse tout d’abord un tableau de ce que fut ce mouvement avec ses principaux jalons. Sont abordés successivement les « grands ancêtres » (Sade, Nerval, Lautréamont, Rimbaud, Apollinaire) et les principaux articles de foi fixés par André Breton dans son premier « Manifeste » (comme l’écriture automatique et l’exploration des rêves). Néanmoins, l’essentiel de cet ouvrage n’est pas dans ces rappels, aussi nécessaires qu’ils soient lorsqu’on parle du Surréalisme. Il est bien davantage à chercher dans les choix existentiels et politiques que suppose ce rapport turbulent au réel. En cela, on peut reconnaître son souffle dans les différents moments insurrectionnels (1789, 1830, 1848, 1968, bien sûr) qui ont marqué l’histoire de notre nation. C’est cette volonté de porter le débat au niveau des principes qui rend vivifiante la lecture de ce texte aux accents volontiers pamphlétaires. « Enseveli ou non, le talisman demeure », selon les mots initiatiques d’André Breton. Et il se pourrait bien qu’il ressurgisse un jour, ici ou ailleurs, pour peu que les conditions sociales et politiques soient favorables. Saluons, pour finir, le travail de l’éditeur qui a su, par ses apports personnels (illustration, mise en page) en faire un coquet objet littéraire.
La petite édition. 36 pages, 4 euros.
Jacques Lucchesi
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