lundi 16 novembre 2015 par Jacques Lucchesi
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Comment oublier l’Algérie quand on y a été soldat et qu’on a rencontré l’amour le plus brûlant ? Avec "L’Ordre des choses", Henri-Michel Polvan revient sur une période trouble de notre histoire à travers sa propre aventure existentielle.
Dans la tête d’Henri-Michel Polvan, il y a la trace des milliers de livres - toutes catégories confondues – qu’il a lus année après année, décennie après décennie, avec un égal appétit. Il y a la passion du Surréalisme qu’il chercha à régénérer, dans les années 70, avec la trop fugace revue Phé. Il y a la mémoire du poète Jean Malrieu, son aîné admiré, à qui il a consacré une remarquable biographie, voici quelques années. Il y a aussi l’Algérie où il passa plusieurs années comme appelé durant cette guerre coloniale qui a longtemps caché son nom. La blessure est restée vive et le sang s’est peu à peu transformé en encre. Après le mélancolique « Les passagers de la Tartane », il revient, en cette année 2015, sur cette période agitée avec un gros roman – 382 pages – en forme d’autofiction, « L’Ordre des choses ».
Le titre en dit long sur le caractère inexorable – et immuable – des évènements historiques dont il s’est fait le mémorialiste engagé. Au fil d’une prose moins métaphorique que dans ses précédents ouvrages, on découvre, à travers le personnage central de Louis Morante, ce que fut l’engrenage militaire et l’apprentissage de la violence pour une génération de jeunes Français. A ceci près que, détaché de tous ses repères affectifs, Morante allait prolonger son expérience de soldat démobilisé par une errance dans ce pays (encore département français). Elle devait l’amener à fréquenter des personnages bien peu recommandables – ce qui nous vaut ici quelques scènes dignes d’un polar – mais aussi à rencontrer l’amour le plus dévastateur en la personne de la jeune Djamila. Hélas, comme toutes les grandes passions, celle-ci se terminera de façon tragique, laissant Morante inconsolable, lui rendant encore plus amer le retour au pays natal.
Il y a, dans la structure de cette narration, quelque chose de l’Odyssée. Tout comme Ulysse, Louis Morante est une figure de l’errance, même si ses aventures dans cette partie de la Méditerranée s’avèreront moins heureuses que celles du héros homérique. Ce faisant, Polvan esquisse toute une galerie de portraits, couvrant à peu près le spectre des conduites humaines, des plus ignobles aux plus lumineuses. A titre personnel, je place très haut le personnage d’Edgar, dit Nonos, dit Bugeney, philosophe inconnu (mais néanmoins assassiné) dont l’ombre plane sur l’ensemble du récit. Il est dommage, à mon avis, que les références didactiques (cinéma, politique, histoire) soient un peu trop sensibles dans les dernières pages. Et que l’auteur ne développe pas davantage la rencontre inespérée avec Youcef, le fils caché, fruit des amours de Louis et Djamila. Mais c’est peut-être le sujet d’une suite en préparation.
La petite édition, 15 euros.
Jacques Lucchesi
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