vendredi 27 novembre 2015 par penvins
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Plonger dans l’Histoire du côté de l’inavouable. La lie de la société comme disent les gens respectables, ceux que l’on ne veut pas voir, qui sont supposés n’avoir jamais existé, les putes et les traitres. Et pourtant. La pute est devenue une vieille femme respectable et François, l’engagé volontaire dans la SS aura été son seul amour sans jamais entrer dans son lit. Margarine se voit lâche mais avait-on un autre destin quand on a été très jeune régulièrement violée par son oncle et quand on a vu sa mère mourir sur son lit d’abattage.
A la lâcheté de Margarine répond l’apparent courage de François et de ses compagnons, courage ou connerie finira-t-elle par dire d’eux.
Leur courage était incroyable ( à moins que ce ne soit juste de la connerie).
Tous, elle-même, les volontaires français, les soldats allemands de la dernière heure, les soldats russes ne sont que des gamins emportés dans le vent de l’Histoire. A contre-courant de l’horreur qui les emporte, celle de la guerre et de tous ses morts comme celle de la prostitution dans les camps de soldats, hors de toute humanité ou plutôt du côté le plus sombre, le plus glauque de celle-ci, Margarine et François se trouvent à leur manière englués dans un amour romantique sans issue. Parce qu’elle n’attend rien du corps de celui qu’elle aime à tel point que le jour venu, elle, la professionnelle, se montrera la plus inhabile des femmes, parce qu’il considère de son devoir de se battre pour le 3e Reich, il ne peut y avoir entre eux de relation que fugitive.
On est toute de suite pris par ce roman, emporté dans cette histoire des plus sordides, construite avec une grande maîtrise et, si l’on est parfois agacé par certains calembours un peu faciles et certaines maladresses de style, on se laisse tout de suite entraîner dans cette histoire totalement incorrecte. Une pute aime un collabo fier de son engagement dans les troupes SS !
Il ne s’agit pourtant pas d’un roman de gare, il y a derrière ces personnages en pleine dérive, comme en filigrane, l’image d’une littérature aux abois. On remarquera bien entendu ce lieu étrange, cette librairie en feu qui sert de décor à la scène (presque) finale. La séparation douloureuse du couple François/Margarine se fait dans un endroit hautement symbolique laissant Margarine en vie dans un monde sans livres ! Dans ce chaos, cette apocalypse du 3e Reich, disparait l’intellectuel collabo, ce personnage qui, dans la pire des débâcles, sait avec ses camarades, profiter des derniers privilèges de la race des seigneurs et en même temps survit – à sa demande ! – la vraie victime de cette ignoble épopée, celle qui a vendu son corps, mais aussi appris le français pour rejoindre un ailleurs. D’un côté l’écrivain fier et arrogant, de l’autre le nègre – ainsi que se définit l’auteur dans sa biographie – cette Margarine qui va se marier à l’héritier déchu de la banque Wirth et acquérir la respectabilité de la baronnie !
Ainsi ce roman bougrement efficace, écrit par un professionnel de l’écriture – pas vraiment un premier roman comme le suggère le prix qui lui est attribué - et qui se lit comme un polar, peut aussi laisser entrevoir une autre lecture et poser d’innombrables questions que nous laisserons en suspens, comme celle de l’homosexualité de François, de son rapport à Louis,
De toute manière, pas une seule fois, lors de nos quelques « passes », il [Louis] n’avait pu pointer son appendice vers le ciel. Sans doute cherchait-il à se prouver quelque chose. Son homosexualité refoulée ne me concernait guère, mais il était le seul ami de François.
et de cette bisexualité du médecin de Margarine révélée en point d’orgue suggérant par comparaison que l’amour qu’éprouve François pour la petite tchèque (Margarine) est sans doute plus complexe qu’il n’y parait.
François demande à Tamara/Margarine qu’elle sauve sa vie, qu’elle ne cède pas à cette facilité romantique de mourir ensemble, mais qu’au contraire en s’envole de ses propres ailes, et c’est ce que fait Tamara devenu un jour la Baronne qui nous raconte cette histoire sans toutefois avoir jamais oublié celui qui fut le seul amour de sa vie !
L’intellectuel arrogant s’efface et laisse place libre à l’écrivain. Une réussite à lire entre les lignes !
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