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Aurélia, Gérard de Nerval

Livre de poche

dimanche 3 avril 2016 par Alice Granger

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Gérard de Nerval écrit cette oeuvre alors qu’il est à nouveau interné dans la clinique du docteur Blanche, à Passy, pour ses crises de folie. Le docteur Blanche l’a encouragé dans cette entreprise. Nerval écrit cette expérience de la folie, d’abord dans le but conscient de s’en sortir, et peut-être qu’elle devienne « viable », en ouvrant sur une perspective très différente de la vie ce qui donnerait du sens à sa révolte profonde et à sa quête d’un ailleurs. Cela fait d’ailleurs des années qu’il combat cette folie en écrivant, pour faire valoir sa vérité, sa quête, sa mise en cause du monde qui l’entoure, et peut-être son espérance impossible d’une révolution au sein du féminin. Le romantisme qui vient d’Allemagne, qui a nourri Nerval, paradoxalement empêche cette révolution, car la célébration, la mise sur un piédestal du féminin, ne permet jamais de certifier que le feu de la vie, à l’intérieur des femmes, est toujours actif, il reste le doute d’une sorte de réanimation perpétuelle par les hommes qui les adorent de quelque chose toujours en train d’être pris en arrière par la mort. Alors que le mot « sœur » surgit dans le texte d’Aurélia presque à la fin, on dirait que les hommes qui célèbrent de manière romantique l’éternel féminin l’indexent toujours sur la mère, la mère appartenant forcément au passé, à la séparation, au sevrage. Même si elle n’est pas morte comme la mère de Nerval, la mère est-elle si immortelle qu’on veut le faire croire ? La blessure très profonde de Nerval vient-elle seulement de la mort de sa mère alors qu’il a trois ans, ou bien du fait qu’elle n’a pas hésité entre son mari et son enfant en bas âge, qu’elle a choisi de suivre son mari à la guerre et d’abandonner en quelque sorte son petit garçon ? La perte de la mère, cette blessure profonde, peut aussi s’écrire par cette vérité, cette femme ne reste pas éternellement à faire la mère, elle est la femme du père. D’où aussi le rejet du père par Nerval, la contestation de son autorité, trace de la haine ancienne à l’égard de celui que la mère a préféré suivre ailleurs ? Et, dans le cas où le garçon a une sœur, cette sœur se trouve dans la même condition que lui de perdre la mère si celle-ci préfère être femme de son mari plutôt que s’éterniser sur l’autel de la maternité. Dans l’histoire de Gérard de Nerval, cette femme, invisible car jamais revenue, a fait le choix de suivre son homme, elle a éventré le huis clos où elle était avec son enfant, elle a inscrit la séparation, la perte. Elle a ouvert une autre perspective, mais il se peut que ce soit ça que Nerval refoule par la vénération d’un éternel féminin. La question de la réparation du féminin masquerait-elle la haine d’autrefois, celle du petit garçon à l’égard d’une mère qui osé choisir son mari et abandonner son enfant ? Et la culpabilité avouerait-elle la haine ? D’autant plus que cette haine s’accomplit dans la mort de cette mère ?

D’où une blessure très profonde. Impossible pour lui de trouver une femme, même par des voyages vers l’ailleurs, l’Est, l’Orient, Naples, le pays de l’enfance, dans laquelle il aurait la certitude que la vie est vivante, sans besoin qu’un homme, tel Orphée, entreprenne de l’arracher à la mort. Gérard de Nerval l’écrivain n’était-il pas d’une lucidité folle, en tombant sur la vérité d’une immaturité féminine, paradoxalement révélée par le romantisme, faisant qu’elles ne peuvent jamais tout à fait être vivantes d’elles-mêmes, mettant en acte une énergie de vivre n’ayant pas besoin d’abord d’être célébrées, d’être mises en scène, d’être nommées. Eurydice qui s’effondre dans le pays des morts évoque une implosion, un souffle qui s’éteint, une énergie intérieure qui manque, une impossibilité de vivre d’elle-même, une entité dont le destin est de tomber. Orphée, qui se retourna pour la regarder et la vit vraiment, la perd pour cette raison, la deuxième fois, c’est-à-dire qu’il laisse la vérité se dire, lucide, cruelle, réaliste : qu’est-ce qui fait que l’énergie vitale n’arrive pas à s’entretenir d’elle-même, chez une femme, et que si la célébration romantique par le masculin se suspend alors cette femme implose, tombe dans le néant, dans le royaume des morts, telle une mère dont la fonction s’achève. La mélancolie de Gérard de Nerval ne serait-elle pas l’incroyance la plus extrême, la plus douloureuse, la plus lucide, en la probabilité de l’existence d’une femme en laquelle le feu de la vie resterait vivant, palpitant, relancé à l’infini, sans besoin de la réanimation par la vénération, non indexée sur la figure immortelle de la mère ? Peut-être que le suicide de l’écrivain, une nuit gelée de janvier, alors même que dans l’œuvre Aurélia il arrive à la guérison, est le comble de la lucidité, est le constat le plus douloureux qu’une telle femme n’existe pas encore, que quelque chose de la mort, du besoin d’être vénérée sur l’autel pour être vraiment vivante, plombe chacune d’elles. Par son œuvre et sa vie, Gérard de Nerval a déployé une gigantesque investigation sur le féminin, une quête à la fois dans le temps et dans l’espace, en en faisant sans doute pour lui-même une question de vie et de mort, pour aboutir à la vérité, elle n’est pas de ce monde, cette femme, le monde des morts, de l’ombre, de l’invisible, la tire encore en arrière ! Il a rencontré beaucoup de femmes, dans sa vie de poète et d’homme de théâtre, dans ses voyages, mais curieusement il n’y en a jamais aucune qui reste durablement vivante dans sa vie. Le déploiement de son écriture, riche de toute les mythologies, des chansons traditionnelles, du retour sur les traces du passé, de voyages du côté de la naissance de la lumière et du berceau des civilisations, est une tentative peut-être désespérée de LA trouver, celle qui n’est pas entre les mains de la mort.

Au temps de l’écriture d’Aurélia, Gérard de Nerval est revenu du voyage en Orient comme s’il savait déjà qu’il ne trouverait pas l’objet de sa quête. Il a aussi inventé le mythe des enfants du feu, comme évoquant ce feu intérieur, cette énergie, ce cœur, ce désir de vivre qui ne peut que venir de soi, manifestant la singularité absolue de chaque être vivant et entendant être du nombre des vivants à part entière, subjectivité qui ne peut être refoulée. Pourtant, dans son monde contemporain, et même jusqu’en Orient, il lui semble que ces enfants du feu, qui sont des êtres libres, des créateurs, des génies, subissent une malédiction, sont dans un échec apparent, car peut-être le féminin, qui pourrait être salvateur comme le poète Nerval le saisit, reste bizarrement dans cette équation selon laquelle, comme le dit aussi Philippe Sollers, les femmes c’est encore la mort. Nerval est en train d’achever d’écrire « Les filles du feu », donc l’écrivain poète témoigne que des filles dans lesquelles il y a aussi ce feu intérieur, cette énergie de liberté, de création, de singularité, existent. Mais elles aussi, comme les enfants du feu, ne peuvent pas vraiment vivre, être de ce monde-ci, quelque chose semble s’opposer à leur maturité intérieure, à leur prise de liberté. Nerval ne va-t-il pas loin dans l’analyse du statut des femmes, et donc aussi des hommes ? Aurélia est l’une de ces filles du feu.

La mort de plusieurs femmes, condensées dans Aurélia comme une suite de masques d’une femme restant voilée et invisible, réactualise donc la mort de la mère de Nerval. Cette mort qui affecte les femmes est le facteur déclenchant de la folie comme, peut-être, le refus de cette fatalité en essayant de réinventer par le délire, les hallucinations, le travail avec les mythes, les images, la culture, l’histoire, quelque chose qui sombre. Pour lui, le féminin reste à jamais menacé par la mort. Orphée ne peut ramener Eurydice. Mais en même temps, il la vénère…

Matériellement, Gérard de Nerval est dans un grand dénuement, quasiment un SDF, et il est en effet très curieux qu’il se fasse littéralement l’objet de soins, tel un petit enfant fragile et dépendant encore recroquevillé en lui et étrangement mélancolique. Il n’est pas du tout adapté à la vie normale. Il a une très intense vie intérieure, voire délirante, rêves, créations imaginaires, hallucinations, tout cela nourri par une grande culture des mythes antiques, grecs, égyptiens, par la Bible et les Evangiles, par une connaissance des romantiques allemands lus dans le texte. C’est un révolté de toujours et plus que jamais, cette révolte étant suscitée par la certitude que ce qui est le plus important est à l’intérieur de soi et s’exprime de manière poétique, non pas à l’extérieur dans un monde cartésien et désenchanté dans le contexte politique où il a vingt ans pendant la monarchie de juillet, quarante ans lors de la révolution de 48. Quelque chose de très fort en lui, ancré dans le passé, le pousse à repousser toute figure d’autorité extérieure, masculine, voire paternelle, et à laisser revenir les puissantes figures féminines, masques de la mère, morte alors qu’il a trois ans. Elle avait suivi son mari pour la campagne de Russie, elle n’était pas revenue, fut enterrée à l’Est. Seul le père est revenu. C’est depuis cette petite enfance qu’une grande absente le hante, et l’a fixé pour toujours à la grande question de l’énergie vitale, celle que, dans sa mélancolie, il sent filer de lui. Et que, dans l’invention du mythe des enfants du feu, et dans sa découverte de l’existence des filles du feu, il réaffirme envers et contre tout, vainqueur et désespéré.

C’est une véritable « descente aux enfers » pour la première partie et une remontée pour la deuxième partie, transcriptions de rêves, tentative de revenir de la folie d’abord et puis ensuite volonté de montrer à ses contemporains qui le disent fou qu’il peut faire de cette folie la voie de connaissance des profondeurs humaines en exploitant les mythes de l’Antiquité et bibliques jusqu’à déboucher sur une vérité du monde et des hommes qui reste encore d’actualité à l’heure où la planète elle-même est en danger par l’activité d’hommes dont la folie est de se croire le centre de tout. En ce milieu du XIXe siècle, la psychanalyse n’existe pas encore, l’inconscient n’a pas été découvert alors même que les mythes anciens depuis longtemps nous en parlent, cette époque classique et cartésienne repousse l’invisible et la nuit, les rêves sont considérés comme liés à la folie. Nerval, nourri par le romantisme allemand qu’il sait lire dans le texte et vrai précurseur du surréalisme, donne au contraire la parole à la folie, pas toujours forcément avec la caution du Dr Blanche, qui pourtant l’a encouragé à écrire. En écrivant, peu à peu Gérard de Nerval réussit à établir une distance entre le héros qui vit sa folie et le narrateur. En tant que poète, qui vient d’écrire « Les Chimères » avec une grande maîtrise de l’alexandrin, il sait que la poésie est une victoire. Grand lecteur il sait que les mythes servent à réinventer ses propres mythes, qui se nouent tous au mythe de l’origine, et à cette question de l’énergie vitale, du feu, du cœur, du souffle, de la liberté. En faisant, en écrivant, du plus profond de la folie il arrive peu à peu à la confiance en soi. Avec des mots, des phrases, de l’invention, du travail de la langue, il réussit à dire « je ». Face à « toi » qui me dis fou, anormal, inadapté, délirant, mélancolique. Lui, que l’on nomme fou, vit dans un monde sensible, il est sensible à tout, et il désire un monde d’amour, d’accueil du vivant qu’il est, mais sent l’oppression.

La folie consiste à croire qu’il peut retrouver Aurélia. Sinon dans ce monde, alors dans l’au-delà. L’étoile. Sa folie consiste dans le fait de croire que c’est son activité à lui, littéraire, d’écriture, et aussi mentale, délirante, qui peut créer celle qui n’a pas pu rester en vie toute seule, d’elle-même, par son énergie battante, par son désir. La folie tente de remettre du feu intérieur dans une figure féminine qui l’a perdu, le poète écrivain croit qu’il a le pouvoir de le faire, comme en place du petit garçon d’autrefois qui aurait dû être plus fort que son père et entretenir lui-même le feu de la vie dans sa mère qui ne serait pas partie. Or, le feu intérieur, que ce soit pour un homme ou pour une femme, existe de lui-même, il n’est pas suscité par quelqu’un d’autre. Cette mère morte si précocement de maladie, sur le champ est des batailles napoléoniennes, a-t-elle manqué à son fils pour lui dire le feu vital qu’elle avait en elle, n’ayant besoin ni du mariage ni de la maternité pour l’allumer, mais là depuis le premier souffle ? Peut-être est-ce en effet la mère, en étant elle-même vivante au sens fort du mot, qui fait savoir à son enfant ce que c’est qu’être vivant ? Devant toi, vivante mère qui t’affirme femme, avec ce feu que je sens en toi, moi aussi, enfant vivant, je sens mon feu ! On dirait que Gérard de Nerval n’a pas encore renoncé à ce que cette mère cachée dans Aurélia lui fasse sentir sa vie ! D’où cette certitude, dans l’œuvre, de l’immortalité, de la possibilité de la voir, et donc d’être lui-même sauvé. Comme si cette étape précoce, manquée, il désirait encore la vivre, l’établir comme la base de toute vie, le paradigme vital. Ombilic de l’inconscient. Nerval n’a jamais eu le temps ni l’occasion de voir sa mère habitée d’une pulsion de vie indépendante de la caution masculine ou de la maternité.

Lorsque Nerval écrit Aurélia, Freud n’a pas encore découvert l’inconscient, même si les mythes anciens en parlent depuis très longtemps autrement. Nerval, quelques décennies avant Freud, pense que la vérité est dans les rêves, et qu’ils permettent de rentrer en contact avec le féminin. Nerval va y chercher une vraie raison de vivre. Mais finalement se suicide une nuit d’hiver gelée. Le soleil reste noir. La culpabilité de ne pas réussir vraiment à redonner du feu au féminin n’est jamais loin, à moins que ce soit la haine, plus ancienne que l’amour... Dans la deuxième partie d’Aurélia, celle-ci est de moins en moins nommée. Elle devient Isis, Vierge Marie. Bref, de moins en moins une figure de ce monde-ci. Il est très significatif, cet effacement de tout prénom précis de femme ! Dans le monde des vivants, aucune femme bien vivante ne se détache, il ne reste que le poids plombant des femmes des mythes, qui représentent la mère morte, invisible. Nerval évoque dans la deuxième partie d’Aurélia la guérison, la remontée de l’enfer de la folie, en même temps pourtant le prénom s’efface comme si en effet aucune femme réelle ne pouvait faire le poids face à ce féminin de l’ombre et des mythes. Aurélia devient de plus en plus Isis, la Vierge, et du côté des vivants, le froid, le gel, et comme issue lorsque la folie n’est plus là comme ressource pour prolonger l’espoir voilà la corde pour se pendre ? Peut-être le suicide de Gérard de Nerval est-il l’acte lucide par excellence face au constat de l’inexistence d’une femme dont le prénom jaillirait de lui-même, comme la flamme d’une énergie intérieure et d’une puissante pulsion de vie ? Ah le romantisme chantant l’éternel féminin ! Mais une femme dont le prénom n’aurait pas besoin d’être nommé par un homme, puisqu’il se dirait et s’écrirait de lui-même ?

Gérard de Nerval se voit comme un malade. Peut-être une façon de reconnaître que c’est vain de vouloir redonner du feu, même dans un ailleurs ou un au-delà, à une figure féminine d’où cette énergie vitale est partie. Ce n’est pas l’enfant qui met de l’énergie vitale dans sa mère, elle l’a déjà en elle et c’est justement ça qui l’éloigne dans son altérité ! C’est être malade que de croire ça, comme l’enfant croit qu’il est le feu de sa mère.

« Le rêve est une seconde vie. Je n’ai pu percer sans frémir ces portes d’ivoire ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l’image de la mort. » Voilà : intérêt qui se tourne vers le monde invisible, et ce fut d’abord, très tôt dans la vie du jeune Gérard, cet ailleurs où la mère disparut. C’est donc logiquement qu’il évoque d’abord la mort.

« … je ne sais pourquoi je me sers de ce terme maladie, car jamais, quant à ce qui est de moi-même, je ne me suis senti mieux portant… » Pour cet écrivain, tourner son intérêt vers cette question du féminin cristallisée par la disparition de la mère est légitime, logique, ça le concerne, c’est lui, c’est son histoire, et les personnages féminins sont également très importants dans la vie puisqu’au début de celle-ci ils ont une place particulière. Voilà pourquoi il se sent, paradoxalement bien portant, tout en se disant malade, une énigme, ou plutôt une erreur dans la démarche, une culpabilité, une impossibilité de soulever hors de la mort, telle une érection originaire, la mère disparue. Mais le mot maladie ne soulignerait-il pas aussi l’état de dénuement de Nerval, le fait qu’il soit, parmi les vivants, aussi dépendant qu’un enfant, et que, par conséquent, il ne peut convoquer autour de lui que des femmes qui sont des masques de sa mère disparue ? Nerval, qui a vécu de petits boulots, de manière chaotique, arrive de moins en moins à vivre de lui-même. Son corps ne semble-t-il pas remis à la clinique du Docteur Blanche comme à une sorte de lieu matriciel ?

Car, tandis qu’il débute cette « Vita Nuova » ainsi qu’il nomme étrangement sa folie et l’écriture qu’elle entraîne comme travail intérieur, il a cette certitude : « Une dame que j’avais aimée longtemps et que j’appellerai du nom d’Aurélia, était perdue pour moi. » Dès le départ, il est clair qu’il ne pourra pas la ramener, donc quelque chose reste perdu d’avance. Et au final, c’est lui qui la rejoint dans la mort, réellement. On aurait pu entrevoir un travail de l’écriture très différent : non pas un verre à moitié vide, qui se vide jusqu’au bout, mais un verre à moitié plein, le désir et le pari que, chez les vivants, une femme, par son prénom, encore ignoré, se présente d’elle-même, et surtout qu’il soit capable de la voir, autre, séparée.

La culpabilité, il la situe d’abord dans le fait de se « jeter dans les enivrements vulgaires… j’aimais surtout les costumes et les mœurs bizarres des populations lointaines… » Comme s’il était coupable de la mort de sa mère, et de celle qui plus tard la représente ! Il doit la vénérer pour l’éternité, pour insuffler du feu dans une morte qui cherche à revenir. Par la faute de ses lectures, « j’ai pris au sérieux les inventions des poètes, et je me suis fait une Laure ou une Béatrix d’une personne ordinaire de notre siècle… » La culpabilité à propos de la mort de la mère le pousse à désinvestir les femmes jugées « ordinaires » et qui, pourtant, pourraient s’affirmer d’elles-mêmes par des prénoms ! L’horreur : « une profanation de mes souvenirs. » Elle l’exile de son cœur. Il la voit, un soir, dans la rue, avec le visage blême, les yeux caves, et ils se dit, « c’est sa mort ou la mienne ». Dans un rêve, il voit l’ange de la Mélancolie, d’Albrecht Dürer. Réveillé, il va faire ses adieux à ses amis. Alors qu’un ami veut le raccompagner chez lui, il refuse, car, dit-il, il veut aller chez lui, « Vers l’Orient », et il se met à chercher dans le ciel une Etoile, celle qui a une telle influence sur sa destinée. Son ami, habitant du monde des vivants, déploie beaucoup d’énergie pour le garder ici, mais il lui répond, « je n’appartiens pas à ton ciel. Dans cette étoile sont ceux qui m’attendent. » Il y a des vivants, ses amis, et pourtant l’ailleurs a une attraction totale. « ici a commencé pour moi ce que j’appellerai l’épanchement du songe dans la réalité. » Comme s’il lui fallait vivre maintenant ce qui n’avait pas été possible en son temps, comme s’il fallait à tout prix vivre et écrire le chapitre ancien qui manque. Comme s’il fallait réparer un trou de l’histoire. Pour que le deuil se transforme en sevrage ? Cette remontée du temps pour écrire les pages qui manquent fait se rejoindre la folie et l’écriture.

En montant vers l’Etoile, dans son délire, il sent le regret de la terre se lever en lui. En pleine folie, il y a cet instinct de vie qui maintient le lien avec les vivants. Mais dans le ciel, la divinité semble vouloir lui « donner le regret d’avoir voulu reprendre pied de toutes les forces de mon esprit sur la terre que j’allais quitter… »

A la clinique, il fait tant de bruit qu’on le met au cachot.

Au cours d’hallucinations, il se voit transporté dans une maison riante inondée de soleil couchant, semblable à celle qu’un oncle flamand a peinte le siècle d’avant. Représentation de la maison riante du début de sa vie, avant la catastrophe ? Un oiseau « me parlait de personnes de ma familles vivantes ou mortes en divers temps… maintenant elle est avec nous… une femme en costume ancien à l’allemande… les yeux attirés vers une touffe de myosotis… je crus tomber dans un abîme qui traversais le globe. »

« Une race heureuse s’était créé cette retraite aimée des oiseaux, des fleurs, de l’air pur et de la clarté… les vertus naturelles des premiers jours du monde. » Le poète, dans sa descente en lui-même, écrit le paradis retrouvé des premières années, comme à la source des mots et des éclosions des sens. Famille primitive. Mais le poète frémit en pensant qu’il doit retourner dans la vie. Il pleure le souvenir du paradis perdu, « patrie mystique que j’avais entrevue.. » Dans un autre rêve, il reconnaît une voix entendue dans son enfance.

Il suit une dame à la taille élancée, qui semble s’évanouir dans sa propre grandeur. « Oh ! ne fuis pas ! m’écriai-je… car la nature meurt avec toi ! » Il cherche à retenir l’ombre, en vain, et voit que le jardin est devenu un cimetière. Aurélia est morte, il le réalise.

« … je m’étais cru transporté dans une planète obscure où se débattaient les premiers germes de la création. » Création littéraire, surgissement de la poésie, des mots, des phrases, des mythes réinventés, dans le sillage de la perte. « … à mesure que ces créations se formaient, une étoile plus lumineuse y puisait les germes de sa clarté. » Inventer, comme une création, un personnage féminin disparu, c’est aussi comme réinventer son propre mythe sur la base d’un mythe ancien découvert dans les livres : cette femme, la mère réinventée, retenue par les mots, les vers des poèmes, les phrases, n’est plus soumise à la mort.

Des pages sur les nécromants blottis dans leurs demeures souterraines, venant effrayer les vivants, et partout mourait, pleurait ou languissait l’image souffrante de la Mère éternelle. « A travers les vagues civilisations de l’Asie et de l’Afrique, on voyait se renouveler toujours une scène sanglante d’orgie et de carnage que les mêmes esprits reproduisaient sous des formes nouvelles. » La scène sanglante pourrait aussi être une représentation de l’accouchement dans le sang, avec la souffrance de la Mère éternelle forcée de laisser tomber d’elle l’enfant. Le poète, en écrivant cette souffrance, cette béance dans celle qui se croit (ou qu’il croit) éternelle, établit la séparation. Il la fait remonter non pas à la mort de sa mère sur le champ de bataille napoléonien, mais à la naissance, ce carnage d’une autre nature. La séparation, originaire, n’est donc pas accidentelle, c’est dans l’ordre des choses, elle s’écrit même si ensuite elle est parfois déniée.

Ensuite « le calme était rentré dans mon esprit », malgré quelques rechutes. C’est son double qui doit épouser Aurélia, perdue pour lui. « On semblait autour de moi me railler de mon impuissance. »

La seconde partie de l’œuvre s’ouvre sur un cri : Eurydice ! Eurydice ! Une seconde fois perdue ! Une fois dans la prime enfance ! Et maintenant, au fond de la descente en enfer qu’est la folie pour aller la chercher. En la réinventant, en l’écrivant, il peut aussi laissant retourner à l’ombre celle qui a inspiré l’œuvre. « Tout est fini, tout est passé ! »

Puis il évoque les gens de sa génération, « nés dans des jours de révolutions et d’orages, où toutes les croyances ont été brisées… » Difficile alors de reconstruire l’édifice mystique comme le pouvaient les innocents et les simples… Reste alors la science, pour ré-enchanter le monde ? C’est l’époque de Nerval qui se trouve d’autres perspectives avec la science. Il faut toujours que quelque chose ait le pouvoir de mettre du feu, de l’énergie, dans un monde menacé de mélancolie, d’impuissance ? « … peut-être touchons-nous à l’époque prédite où la science, ayant accompli son cercle entier de synthèse et d’analyse, de croyance et de négation, pourra s’épurer elle-même et faire jaillir du désordre et des ruines la cité merveilleuse de l’avenir… » Dieu resterait dans la science, et le paradis perdu serait recréé… Une solution extérieure pour fournir à l’enfant un monde encore matriciel.

Lectures de la cabale, des dogmes et rites de diverses religions : pour se former une conviction sur le monde extérieur. Le texte, désormais, se tourne vers le monde extérieur. La remontée a eu lieu. Mais, bien sûr, les sciences sont mélangés d’erreurs humaines. Toujours le doute.

Au cimetière, il ne peut retrouver la tombe d’Aurélia.

Rêve cauchemardesque. Elle est perdue ! Reste la culpabilité : « Une femme qui avait pris soin de ma jeunesse m’apparut dans le rêve et me fit reproche d’une faute très grave que j’avais commise autrefois. » Cette culpabilité touche à la fois la mort de sa mère, que l’enfant n’a pas su retenir, n’a pas pu par sa seule existence l’empêcher de partir à la guerre avec son mari, et l’impuissance face à une hypothétique femme d’aujourd’hui peut-être. Car le misérable poète pouvait-il se présenter devant une femme comme un homme pouvant assumer à la hauteur de sa dévotion romantique la femme ? Ceci en présence d’une femme vue comme pas vraiment vivante d’elle-même mais qui a encore besoin du détour par la vénération, le romantisme, et les moyens qu’un homme puissant et créateur met en œuvre pour la gagner. Le poète fou n’aurait pas compris l’énigme fatale. Il est beaucoup moins délirant, mais ses réflexions se font dans une solitude très triste, et il se sent comme perdu.

C’est avec une grande lucidité qu’il parle des raisons qui font qu’il appartient à une génération perdue, car la politique a mené à une impasse. « Mes premières années ont été trop imprégnées des idées issues de la révolution, mon éducation a été trop libre, ma vie trop errante, pour que j’accepte facilement un joug qui sur bien des points offenserait encore ma raison… Je n’ai jamais connu ma mère, qui avait voulu suivre mon père aux armées, comme les femmes des anciens Germains ; elle mourut de fièvre et de fatigue dans une froide contrée de l’Allemagne, et mon père lui-même ne put diriger là-dessus mes premières années… » Déséquilibre entre le principe de plaisir et le principe de réalité. Haine secrète peut-être mais incommensurable à l’égard d’une mère qui a préféré son mari, partant à la guerre avec lui, à son fils : en réaction, envers et contre tout ce fils s’accroche au paradis de l’enfance, au principe de plaisir, et ses proches ont éduqué l’orphelin trop librement comme en imaginant qu’une mère idéale l’aurait fait. La révolution promettait aussi ce paradis, cette facilité… Le garçon supportera ensuite très mal l’autorité, le principe de réalité, le père revenu seul et bousculant peut-être l’éducation trop libre de l’orphelin.

On imagine, en l’absence du père, cet oncle qui s’occupe du jeune garçon et a une grande influence sur sa première éducation : oncle qui est passionné d’antiquités celtiques et romaines, qui lui fait lire des livres sur les empereurs et les dieux, Pallas, Vénus, Neptune, le dieu Pan. Dieu, c’est le soleil, dit un jour l’oncle à son neveu. Une certaine irrésolution en Nerval à propos de l’esprit religieux serait, selon lui, la responsable du désespoir et des idées de suicide. Longtemps égaré de la vraie route, il y a été ramené par le souvenir d’une personne morte, dont il a eu besoin de croire qu’elle existait toujours. Besoin d’accomplir une réparation à l’endroit d’une morte. Comme si, en vivant de manière dissolue, il l’avais oubliée, et qu’il fallait accomplir cette réparation. Comme si, quelque part, sa mère encore plus qu’Aurélia, l’exigeait. Mais cette réparation, de quelle nature est-elle ? A son époque, comme peut-être encore dans la nôtre malgré la militance féministe et la parité entre les sexes, peut-on vraiment saisir et surtout admettre l’autre lorsque c’est une femme ? Nerval parle de réparation, mais la faute, on ne sait jamais vraiment ce que c’est ! Les femmes sont, dans l’œuvre, parlées et écrites par les hommes, le romantisme, la poésie, les vénèrent, mais que sont-elles, derrière, et d’elles-mêmes, lorsqu’elles parlent. En tout cas, ce n’est pas celles-là, celles qui sont vivantes d’elles-mêmes, qui sont les héroïnes du texte de Nerval. Il a connu beaucoup de femmes, par exemple lors de ses voyages, mais curieusement il n’y en a aucune qui reste vraiment.

Nerval se croit désormais bien portant, mais il est fragile. Trouvant le cimetière fermé, il pense que c’est un mauvais présage. Désespoir. Il va dans une église demander pardon à la Vierge. Plus tard, sa pensée est de se détruire. Soleil noir de la mélancolie. Au réveil, il y a de la lumière, mais le soleil est froid et décoloré. Ce monde est froid. Sans chaleur. Le Christ n’est plus. Fraternité absente ? Amour inexistant ? Donc, la mélancolie reste là. Même si la folie s’est calmée. Il s’agenouille devant l’autel de la Vierge et pense à sa mère. Le prénom d’Aurélia a disparu. La douleur de la perte de la mère est réactualisée. En sortant de l’église, c’est logiquement qu’il va rendre visite à son père. Sa douleur est devenue plus humaine, plus contemporaine de son deuil ancien. Plus tard, une déesse lui apparaît, la même que Marie, la même que sa mère, les masques sont tous tombés, et un verger délicieux sort des nuages derrière elle. Ivresse charmante.

Bien sûr, c’est encore du délire, et on l’attache, à la clinique. Camisole de force. Il s’imagine avoir une mission. Qu’il a une influence sur la marche de la lune. Il attribue un sens mystique aux conversations des gardiens, il croit qu’il doit rétablir l’harmonie universelle, trouver une solution. Comme créer de l’amour, qui manque dans cette froideur ? C’est sûr que ce poète devait être sidéré par la réalité froide de sa misère matérielle, à entendre peut-être d’une manière existentielle ! Donc, lorsqu’il délire et croit à son pouvoir de rétablir une harmonie universelle, c’est cet amour chaud, généreux, matriciel, qu’il hallucine pouvoir créer tout autour, comme si les enveloppes utérines étaient revenues et tapissaient l’intérieur de la clinique blanche… Lorsqu’on le met au bain, il croit qu’il est servi par des Walkyries qui vont l’élever à l’immortalité et dépouiller son corps de son impureté. La remontée dans le temps a atteint le stade fœtal, aquatique. Dans son délire, il voit l’activité de cette clinique comme « une vaste conspiration de tous les êtres animés pour rétablir le monde dans son harmonie première… » Dans cette clinique, où le corps du fou peut être entravé, enfermé, baigné, le délire peut faire remonter jusqu’au temps fœtal où la prise en mains est totale. « Je me jugeais un héros sous le regard des dieux… » « … je voyais ressortir des harmonies jusqu’alors inconnues. Comment, me disais-je, ai-je pu exister si longtemps hors de la nature et sans m’identifier à elle ? » C’est là qu’un tournant s’imprime. La nature vient se substituer on dirait à la matrice coercitive.

Se sentant plongé dans une eau froide (bain calmant administré dans la clinique ?), il se met à penser à Isis, la mère et l’épouse sacrée, qui on le comprend tranche avec la barbarie de ce bain gelé ! Isis alors serait la représentation d’une nature accueillante aux vivants, il serait possible après la naissance de revivre en elle en rassemblant ses membres. Mais il y faudrait plus qu’une Isis, il faudrait une perspective politique pour vivre autrement. Invoquer Isis, une représentation de la mère, c’est encore illusoire. Ce sont les humains qui doivent inventer politiquement une autre manière de vivre sur terre, sur une planète préservée, une nature respectée et écoutée. Nerval, dans sa clinique, est encore enfermé dans une cellule lorsqu’il est agité. Il voit face à lui en peinture le corps d’une femme gigantesque, en partie coupé par un sabre. Il y a un fouillis sanglant de membres et de têtes, pour représenter l’histoire de tous les crimes. Délire ou lucidité ? Politiquement parlant, la nature et la planète terre ainsi que l’organisation de l’humanité qui y vit sont encore ravagées par la violence, le sang, le crime, et c’est assez invivable. Il se peut que Gérard de Nerval ait eu une perception très vive de l’impasse de l’humanité, lui qui a vécu à l’époque de la révolution et de son désenchantement. Se séparer de sa mère par la naissance encore plus que par deuil rend vive la question de l’accueil du nouveau vivant sur la terre et dans la nature. Le froid glacial du jour où il s’est suicidé en dit peut-être long sur sa sensation que cette nature dénaturée par la folie du pouvoir est gelée alors qu’elle devrait être accueillante pour le vivant.

Le livre se conclut par une scène comme par hasard très fraternelle. Le médecin conduit Gérard de Nerval auprès d’un autre malade, un ancien soldat d’Afrique qui refuse de manger, qui ne parle pas, ne voit pas, n’entend pas. Comme si l’extérieur n’existait pas. Comme s’il n’était pas vraiment vivant, accueillant, opérationnel, comme s’il ne s’y passait rien, comme s’il n’était pas habité, comme s’il n’y poussait rien. « Ce spectacle m’impressionna vivement… je rencontrais un être indéfinissable, taciturne et patient, assis comme un sphinx aux portes suprêmes de l’existence. Je me pris à l’aimer à cause de son malheur et de son abandon… » Cet autre malade est un peu son double, et sa posture au monde lui dit comme jusque-là lui-même il ne pouvait le formuler ce qui cloche à l’extérieur, dans ce monde qui devrait être celui de la vie. Il ne se passe rien, il n’y a personne, un monde du dénuement total, sans l’ombre d’une vie animale ou végétale. Et Nerval, alors, se met à incarner de la vie pour cette autre vie si seule et démunie. Il invente de la fraternité, de l’amour. Saturnin, le malade, prononce pour la première fois une parole ! Dans un rêve, la nuit suivante, Nerval entend une voix qui dit : « Viens, frère ! » La divinité dans le ciel vient vers eux. Les prés, logiquement alors, verdissent, les fleurs et les feuilles s’élèvent de terre. La nature devient vraiment la nature. Les sens y sont sensibles. La divinité, la nuit, a prononcé des mots étranges : « Courage, frère ! car c’est la dernière étape. » Elle a dit frère ! C’est-à-dire que, pour la première fois, la divinité qui représente une femme se présente comme une sœur, non pas comme une mère ! Frère et sœur également séparés de la mère par la naissance !

Bien sûr, l’écriture de Gérard de Nerval fourmille de références mythologiques de différentes civilisations, bibliques, et cela peut rendre la lecture difficile. Mais tout cela est du matériau qu’il utilise jusque dans ses rêves et ses délires pour dire autre chose, qui a à voir avec une mère trop tôt disparue et la culpabilité dont on ne sait jamais si elle est en relation avec son impuissance passée à la retenir vivante auprès de lui ou bien si elle est en relation avec le fait de vouloir la faire revenir alors même que la séparation de la naissance doit de toute manière être admise un jour. En tout cas, Nerval va mieux à partir du moment où il se voit dans ce frère, Saturnin, ce malade muré en lui-même, qui se croit mort, et qui littéralement ressuscite juste par l’amour, la fraternité, la chaleur, le feu de la vie. Après la descente en enfer, c’est la remontée. Avec l’idée d’un monde humain, d’une nature que les sens en éclosion peuvent voir verte, fleurie. Le pauvre Saturnin se voit mort, emmuré dans l’inhumanité et une planète sèche, parce qu’aucun autre humain ne le voit, ne se reconnaît dans ce même dénuement, et ne lui tend une main d’amour, pour commencer à vivre, à parler, à boire, à manger. Dans cette œuvre, se produit à la fin un gigantesque mouvement de bascule, tout semble longtemps se cristalliser sur la figure de la mère, à la fois inoubliable, invisible, et semblant exiger de ne jamais être oubliée, d’être célébrée religieusement ou romantiquement. Et puis, soudain, avec l’apparition d’un autre malade, mais complètement fermé sur lui-même par incroyance d’un intérêt humain dirigé sur lui, tout change, c’est la figure du frère en destinée humaine qui réchauffe tout, qui fait reverdir la planète, qui redonne vie au corps et à ses besoins et désirs. Et, dans le rêve, le mot sœur est aussi prononcé pour la première fois !

Cette fraternité qui est mise en scène dans les dernières pages d’Aurélia est-elle à mettre en résonance avec le désenchantement provoqué par les suites politiques de la révolution sur la génération de Nerval ? En tout cas, ce témoignage si personnel sur l’expérience de la folie et du prodigieux travail d’écriture pour remonter de l’enfer débouche sur quelque chose qui dépasse l’individu, et qui propose un lien chaleureux entre les êtres. Du coup, le personnage immortel de la mère peut prendre de la distance dans son ciel, et le mot sœur enfin peut prendre sa place !

Alice Granger Guitard



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