Traductions : Anne-Laure Brisac
mercredi 25 mai 2016 par penvinsPour imprimer
Comme pour répondre au titre du roman qui parait chez Actes Sud – La tentation du vide - dans ce livre de photographies commentées intitulé Athènes-Disjonction Christos Chryssopoulos explique que sa promenade dans Athènes tarit sa ville, l’emporte morceau par morceau, image par image et tend vers l’épuisement, la disparition. Chaque épreuve photographique est une sorte d’appropriation de la capitale de la Grèce, une manière de mettre dans la boîte une part de la vision que l’auteur a de sa ville qui désormais n’existera plus dans le réel ! Pourtant, Athènes existe bien sûr, mais personne ne peut la définir, il n’y a que ces instantanés que récolte l’auteur et qui déjà ne sont plus. Et quand Christos Chryssopoulos aura ôté toutes ces images à la ville, ne resteront que des trous noirs et la tentation de disparaître dans le dernier cliché, la dernière image, le dernier trou noir, le vide !
Les deux ouvrages se répondent, le second éclaire le premier, ce n’est pas tant le questionnement sur Dieu et sur la mort, c’est la tentation du vide, la nécessité d’une terre brûlée, destruction du Parthénon disait-il, et aujourd’hui Christos Chryssopoulos ajoute faire table rase d’Athènes et va jusqu’à écrire sous la plume de son héros Antonios Pearl : Voilà pourquoi il ne faut pas avoir peur de la mort ni avoir peur de ceux qui la respectent et qui l’aiment. Comment dire plus clairement cet amour de la mort, tentation qui pousse quatorze adolescents au suicide, mais aussi justification longuement développée de la nécessité vitale de la mort. Sans elle la vie ne serait qu’éternité et ennui, sans elle pas de liberté…
Chryssopoulos reprend ici les arguments des théologiens, non pas directement bien sûr mais avec l’aide de son personnage. Il cherche à se comprendre répétant ce qu’il avait déjà écrit dans son roman Le Manucure : Et quand on écrit, on met au jour des pensées qu’autrement on aurait du mal à exprimer[…] formulé un peu différemment : son discours se forge au fil de la plume, d’une manière essentiellement spontanée (… ) L’un des objectifs de l’écriture est de venir soutenir l’énoncé logique écrira Mme Forsen en guise d’épilogue. Ce discours qui traverse les œuvres apparait comme une fascination de la mort que l’auteur tente de justifier par des arguments logiques.
Cela donne des pages un peu embrouillées, la lettre de Pearl n’en finit pas de tourner autour de la question, mais c’est sans doute là, dans cet embarras de dire, dans cette ambiguïté que l’éditeur qualifie de vertigineuse beauté des questions et du doute que se cache l’indicible de l’auteur. La tentation est grande de mettre en résonance cet attachement coupable à la mère qui apparaissait dans Le Manucure, cette revendication de détruire le passé trop lourd des Grecs tel qu’elle était formulée dans La Destruction du Parthénon et cette fascination de la mort revendiquée comme nécessité de la vie ! Le sous-titre du roman Shunyata, terme sanscrit signifiant vacuité est également le nom que donne Pearl à l’adolescente à laquelle il écrit, Ma douce Shunyata dit-il exprimant en quelque sorte son amour du vide.
Un jour Christos Chryssopoulos aura photographié Athènes sous tous les angles, tous ceux qui l’intéressent et comme il le dit lui-même dans Athènes-Disjonction il retournera l’appareil vers lui et disparaîtra dans le trou noir de la dernière image.
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