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Icare au labyrinthe - Lionel-Edouard Martin
jeudi 2 juin 2016 par penvins

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Le poète et ses fantômes. Lionel Edouard Martin entreprend un voyage à travers la France en compagnie d’une jeune Palombine. Depuis l’Auvergne profonde jusqu’au Paris futile en passant par Montmo(rillon). De la lentille du Puy aux champagnes des pince-fesses du beau Saint-Ouen, mais aussi, mais surtout d’une génération, l’autre. Ce court roman est avant tout un parcours qui relie, reconstruit un chemin là où il n’y en a plus, tente de faire entendre la voix du poète dans le brouhaha de l’art contemporain. Palombine est sa créature, son double opposé, qui lui donne ce recul, cette distance qui aurait pu lui manquer, lui qui se laisse bercer par le verbiage du peintre, elle lui ouvre l’œil, lui donne la lucidité et le courage d’admettre que c’est foutage de gueule, que décidément cette peinture-là ne parle pas… sinon à l’intellect. Le poète qui se sent seul, perdu dans le labyrinthe, otage de sa propre enfance, mais aussi du vacarme dans lequel la modernité tente de l’enfermer, qui, à la cinquantaine, voit ses amis partir : ça crève autour de moi que c’en est terrifiant, que personne ne lit, pas plus l’imprimeur ‘’Machin-Chose’’ qui lui sert de l’eau de Vichy et parle à l’imparfait du subjonctif que l’animateur mondain qui de sa lecture fait un spectacle que personne n’écoute, trouve en cette jeune fille de 33 ans sa cadette la légèreté qui peut-être lui manque. Ce dialogue entre le poète et sa muse se nourrit au fil de la route de l’évocation de plus de 80 écrivains et artistes recensés – pas tous ! - en fin de volume comme s’il s’agissait de renouer un dialogue avec le monde littéraire et artistique. Ainsi le road trip retisse les liens, crée du sens là où la littérature et l’art n’en avaient plus, raconte à nouveau une histoire. Pas pour rien sans doute qu’elle passe par Vichy et que le poète n’y voit plus que des rentiers et des mamys à bichons bolonais, à manchons, à permanentes visqueuses de laque… Vichy se meurt, le poète revit auprès de Palombine et, même si une cloison les sépare, il sait qu’elle est là nue comme il est nu à regarder la tempête qui l’entraîne vers le désordre initial, angoisse et jouissance, fantasmes, sexe en érection, sans doute pas, pas seulement, de la savoir tout à côté, mais aussi, avec cet orage, de replonger dans le chaos d’avant la parole, le néant.

Mort et Résurrection, il y a le tuage des lapins qui refait surface, ce Sang des bêtes, il y a surtout le triptyque de Mantegna, le tableau de gauche où figure un lapin qui réactive le souvenir des dépeçages et de cet œil dans le bol, sacrifice qui immanquablement fait penser à celui du Christ. Lionel-Edouard Martin nous raconte comment à trois reprises il a ‘’frôlé’’ la mort…

Sur un ton léger, avec beaucoup d’autodérision, le poète dit à quel point il est seul, prisonnier d’un labyrinthe et nous savons bien que cette muse qu’il s’est inventée n’a d’existence que littéraire, raison sans doute de sa disparition tragique. Mais au fil de ce roman il aura réussi à nous donner un instant espoir, la vie continue, l’impasse où s’est engagée l’art contemporain n’est pas la seule voie possible, une jeune Palombine saura dire que le roi est tout nu et qu’à Vichy meurent lentement des vieillards d’un autre temps. Un roman qui contribue à donner à la littérature française des perspectives que l’on croyait disparues.



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