mercredi 15 juin 2016 par Jean-François Ponge
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Gallimard (collection Folio), 2003, 306 pp.
Non, "La Belle Créole" n’est pas un roman autobiographique de Maryse Condé. C’est le nom d’un bateau, disons plutôt un rafiot, plutôt décati, où Dieudonné, le héros de ce livre, a trouvé refuge. Lui et quelques autres, marginaux de cette île jamais nommée mais qui rappelle étrangement (?) la Guadeloupe, s’y retrouvent pour refaire le monde, en compagnie du crack pour larguer les voiles. Nous sommes en 1999, à l’heure où le destin de l’île se joue, toutes activités suspendues par des syndicats farouchement décidés à accélérer la marche vers l’indépendance. Le propos de l’auteure n’est cependant pas politique, même si celle-ci est fortement présente. Le destin de Dieudonné va basculer lorsqu’il va tomber amoureux de Loraine, une belle "békée" (blanche native de l’île). Un amour malheureux, qui va le mener en prison et le voir en sortir pour ne plus savoir quoi faire de sa vie, lui qui n’a cessé de voir disparaître les uns après les autres tous ceux qui étaient prêts à lui donner son quota d’amour. Avec son inégalable talent de conteuse, dans une langue savoureusement agrémentée de créole et de diverses locutions locales, Maryse Condé se livre à une fine analyse psychologique, où passé et présent se mêlent sans que jamais l’attention du lecteur ne se relâche. On est "dedans", du début à la fin. Seul regret : un glossaire des termes locaux aurait été le bienvenu en fin d’ouvrage. Même si on a vite fait, grâce au contexte, de comprendre que les "bòbòs" sont les prostituées locales et le "temps-longtemps" celui de l’esclavage, au bout de trois cent pages je n’ai toujours pas compris le sens de "pié-bwa". Dommage, mais c’est quand même un très beau livre…
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