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République-Bastille - Melpo Axioti
vendredi 16 septembre 2016 par penvins

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Melpo Axioti a dû quitter la Grèce et a vécu en France de 1947 à 1950.

En mars 49, après la parution de XXe siècle, dans un courrier elle mentionne une œuvre « qui parle de la Grèce et de la France en même temps », elle sait déjà qu’elle devra quitter la France, le gouvernement grec ayant demandé son expulsion vers l’Allemagne de l’Est. Le manuscrit ne sera pas publié. Il réapparait aujourd’hui grâce aux Editions de la Différence. Le roman n’est pas totalement achevé du fait du départ contraint vers un nouvel exil, mais il aurait pu intéresser le public comme l’avait intéressé XXe siècle. En tout cas l’ouvrage était réclamé par Aragon qui avait apprécié et publié la traduction française de XXe siècle.

Ce roman-là est écrit directement en français et s’il subsiste dans le manuscrit quelques imperfections de style, on est suffoqué devant cette maîtrise de la langue et l’élégance de dire les blessures que subissaient les Résistants avec autant de légèreté. Lisa, l’héroïne, garde une plaie que l’on ne doit pas voir :

Est-ce que ça se verra docteur ? avait-elle demandé au docteur, après le premier pansement. « Quand vous le voudrez madame… » lui avait-il répondu avec malice.

Plus tard à Georges qu’elle laisse toucher cette plaie, elle dira :

Il n’y a pas que les âmes qui ont été meurtries, les corps aussi ont gardé le souvenir de cette époque.

Et le lecteur entend : il n’y pas que les corps…

Le texte d’Axioti, évoque ainsi au fil d’anecdotes, la dureté des combats, et en même temps la nostalgie d’une vie de lutte qu’elle a dû abandonner se reportant sur la littérature pour faire savoir à l’extérieur les réalités de la guerre civile.

Le récit s’apparente à un journal, Lisa écrit au fil des jours ce qu’elle voit et ce qu’elle vit à Paris, elle s’attarde sur quelques dates symboliques, le 1er mai et le 14 juillet notamment, chaque description de Paris renvoie à des souvenirs d’Athènes, chaque remarque sur la France à une comparaison avec la Grèce. Lisa avec la femme du professeur ira jusqu’à dire qu’elle aime autant son père (la France) que sa mère (la Grèce). A travers cet aller-retour on entend le regret d’avoir dû quitter la mère patrie : la mise à nu des amours anciennes vient appuyer cette nostalgie et bien entendu plus que tout autre le souvenir du dernier amant grec, Jean resté là-bas et qu’elle sent encore dans sa chair

Les infirmières des hôpitaux racontent que quand on a coupé le bras à un mutilé […] . c’était de la même façon que Lisa sentait encore le rythme de l’amour. La présence de Jean en elle.

Et quelques pages plus loin :

Oui, Jean ; je reviendrai.

La question du passé traverse tout le roman, que ce soit le nom des rues de Paris qui garde la mémoire des grands hommes alors que celui des rues de Grèce change au fil du temps ; que ce soit le sang des enfants morts que leur mère garde dans la naphtaline, ou le souvenir de Jean que Lisa ne peut oublier dans les bras de Georges tant qu’elle pense pouvoir le retrouver. Le passé pèse lourd sur la terre d’exil :

Pourtant un jour vient où le passé s’efface, c’est le jour où l’appartement du professeur est entièrement détruit

Octave, emporte tes livres lui dit sa femme dans l’incendie, mais le professeur répond :

Je n’en veux plus, Marie ! J’en trouverai de nouveaux !

Jean est mort, Lisa sait qu’elle ne reverra plus Georges, elle se sent libre de l’aimer une nuit. Et en même temps elle laisse la France derrière elle, la France à qui elle offre ce roman témoin des luttes passées.

Un roman qui dit tout sans jamais tomber dans le pathos, un roman très fort dont le style fait penser à Elsa Triolet et à Nathalie Sarraute ainsi que le souligne la préface de cette édition.

Aragon et le parti communiste grec qui souhaitaient faire connaître aux Français la situation des Résistants, en avait confié la mission à Melpo Axioti, le KKE estimait cependant qu’elle ne la remplissait pas suffisamment bien. Mais surtout le gouvernement conservateur grec avec la complicité de Paris obtint d’envoyer Axioti en Allemagne de L’Est. C’était bien méconnaître le travail en profondeur de la littérature. Travail qui malheureusement aura longtemps été inconnu du public et dont on peut aujourd’hui juger de la très grande qualité, Aragon, lui, ne s’était pas trompé !



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