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Monsieur Maléfique, Truman Capote
lundi 19 février 2007 par Marisa Corbin

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Monsieur Maléfique, figure sadique de l’acheteur de rêves, symbolise l’opposition entre le bien et le mal, antagonisme cher à Truman Capote.

« Tout ce que vous possédez, il vous le prendra, et à la fin, vous n’aurez plus rien, pas même un rêve ».

Dans la salle d’attente de Mr Revercomb flotte une odeur de mort. Une secrétaire « aux mains verdâtres » et un valet « aux yeux rougeâtres et vitreux » accueillent des clients venus vendre leurs rêves pour une poignée de dollars.
Parmi eux figure Sylvia, jeune femme désirant gagner l’argent nécessaire à son indépendance. Partageant un appartement avec un couple de jeunes mariés, elle abhorre tout ce qu’ils symbolisent et souhaite par-dessus tout s’affranchir de leur tutelle.
« J’aurais un chez-moi quelque part, où je vivrai seule ».
Lorsqu’elle apprend l’existence d’un acheteur de rêves, elle entreprend de lui en vendre, considérant cette démarche comme une libération, l’occasion de briser les liens qui l’entravent.
Malheureusement, Sylvia ignore qu’en vendant ses rêves, c’est son âme qu’elle va aliéner. Semblable à Faust, elle offre ce qu’elle a de plus cher : sa liberté.
Sous l’emprise de Revercomb (noter la présence de « rêver » dans ce patronyme), la jeune femme est hypnotisée par ses séances au point de n’exister que par elles. « On eut dit que tout cela se faisait sans qu’elle en eût conscience ».

Lors d’une visite, Sylvia rencontre Oreilly, un clochard ivrogne, victime aussi de celui qu’il nomme « Monsieur Maléfique » (Master Misery).
A la fois clown triste et poète, Oreilly raconte à la jeune femme la déchéance de celui qui vend ses rêves. « Au début je n’en avais pas à des masses à lui donner, mais après il a tout pris, et maintenant qu’est-ce qu’il me reste ? Niente, fillette, niente. »

Pour avoir vendu son âme au Diable, Oreilly ressemble à « une poupée d’enfant, une poupée animée par un pouvoir surnaturel ». En sa présence, semblable à une fillette qui prend la main d’une poupée clown, Sylvia se métamorphose et redevient petit enfant. « Elle voulait continuer à marcher sous la pluie avec l’homme qui avait été clown (...) Elle chercha sa main, et la prit : cher clown, qui voyagez dans le bleu ».

Pantins désarticulés dont Monsieur Maléfique aspire la moelle, Sylvia et Oreilly sont des simulacres de vivants, des fantômes, des morts-vivants.
En quittant ses amis pour s’installer dans un appartement sordide, Sylvia quitte lentement la vie.
« Oreilly, ça ne ressemble pas à la vie. C’est plutôt comme si on était mort. »

Dans la salle d’attente de Mr Revercomb flotte une odeur de mort. Les patients aux « yeux d’insecte » et au visage « hideux » ne sont plus des humains. Pauvre gosse à qui on a volé l’âme, Sylvia n’a plus peur de rien car elle n’est plus rien. « J’ai l’impression qu’on m’a tout pris, comme si j’avais été attaqué par un brigand et qu’il m’avait volée jusqu’aux os ».

Lorsque Sylvia et Oreilly se séparent, chacun se dirige vers un destin que l’on sait funeste. Puisqu’ils sont déjà morts, on sait que rien de pire ne peut leur arriver.

(In Un arbre de nuit et autres histoires, L’étrangère, Gallimard, 1996)

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