Recueil paru aux éditions Publibook dans la collection "La maison des pages" dirigée par Camille Aubaude
jeudi 31 mars 2011 par Françoise Urban-MenningerPour imprimer
Dans sa très belle préface Pierre Juquin s’attache au caractère épuré des poèmes de Patricia Godi dont il dit qu’ils sont des "poèmes du silence". Ce n’est pas par hasard que Patricia Godi dédie l’un de ses poèmes à Eugène Guillevic, l’auteur de "Terraqué", qui se définit lui-même comme "un sculpteur de silence".
Patricia Godi choisit avec infiniment de justesse et de sensibilité chacun des mots qu’elle sème sur la page blanche car, à l’instar du Petit Poucet, elle nous invite à retourner dans cette maison qui n’est autre que celle de notre entité. Mais Patricia Godi prend soin de nous préciser "je n’habite pas seulement la maison/ j’habite les contours" et plus loin d’ajouter "j’habite/ l’immatériel/ l’ouvert..."
Voilà toute la force lumineuse qui transparaît dans ces vers qui nous disent notre vrai chemin, celui qui traverse le poème pour nous guider dans la pleine lumière de l’âme. C’est dans ce "lieu" dont l’auteur nous dit aussi "L’écart est le lieu" (avec un blanc sur la page qui en dit plus long qu’un mot) que l’on peut entendre "un cri d’arbre" ou écouter "ce silence" qui "est musique". Et c’est paradoxalement en allant vers le "Rien" où "mon ombre habite/ des traces", que le poète nous inonde de clartés et que la cascade ruisselle de lumière. C’est dans le rien immatériel que l’auteur laisse place à la "Leçon d’un lilas" et qu’elle écrit "s’abstraire-en son corps-/pour un autre/ étranger/ qui le fend/ et-forme nouvelle-/ l’épouse".
L’auteur donne ainsi la parole au lilas ou à l’arbre : "voix/ dans la lumière blanche de mars/ de l’arbre/ simplement offert/ à l’instant".
Patricia Godi devient "la feuille/ ou son balancement" car elle entend l’appel "impudique de l’eau", "blanche/ à la face/ des bois nus", c’est l’appel de ce chant des profondeurs, de cette cascade qu’elle porte au bout de ses mots et qui affleure sur la page blanche. Cette quête de la cascade, de l’eau primitive, voire foetale, nous renvoie à ce Léthé platonicien que l’âme traverse pour tout oublier lorsqu’elle quitte le monde des Idées. C’est par le poème que l’âme peut renouer avec le monde d’avant la naissance et "retrouver les mots d’une parole claire", "là/où/ est la source".
Cette remontée vers la source est une plongée en pleine lumière où "l’écorce des choses respire". A son tour, le lecteur se sent soulevé dans une apesanteur où il devient tour à tour "un nuage blanc/ au vent" ou "un balancement de feuillage". Cette légèreté tient d’un état de grâce tout particulier qui affilie Patricia Godi à la lignée d’une Katherine Mansfield ou de sa cousine Elisabeth von Arnim qui célébrèrent avec autant de bonheur que notre auteur le monde végétal.
Et l’on songe également à Yves Bonnefoy qui lors de la conférence inaugurale des Sixièmes Rencontres Européennes de Littératures à Strasbourg affirma que "Les choses muettes parlent".
Il y a chez Patricia Godi comme chez Francis Ponge, non pas un déplacement de la conscience de soi vers les choses, mais bien une autre réalité fugitive, évanescente qui nous permet d’exister et de naître et de renaître au monde.
Françoise Urban-Menninger
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