mardi 1er juin 2010 par penvins
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Fascination de la mort, du pays d’origine, de la langue maternelle. Tel pourrait bien être le fil conducteur de l’œuvre de Lionel-Edouard Martin. Ici dans Jours d’été dans le Sud-Ouest on assiste à l’accouchement douloureux d’une renaissance, ce fut comme une douleur qu’on expulse dit Lionel-Edouard Martin lorsque son épouse crie un oui pour accepter la vente de la maison de son père.
Le lien entre la mort et la mère est constamment souligné : La belle vue, pour mourir plus à son aise, avec un contentement de l’œil ( cette ligne, à l’horizon – mère et femme)
L’urne funéraire est même calée par des coussinets de plastique et le narrateur aussitôt de s’interroger : (les prothèses mammaires sont-elles si différentes ?), on ne peut pas dire mieux à quel point la mort est intimement proche du retour à la mère.
S’il en était besoin, ce récit d’un deuil, celui de la maison du père de la femme, est un rappel constant du bonheur de l’oralité, il y a bien sûr cet hymne répété aux seins que le narrateur voit jusque dans la forme des montagnes ses seins ronds de vieux massifs mais il y a également la nourriture roborative du Sud-Ouest – est-ce un hasard si le récit se situe dans cette région ? La satiété, c’est ça qui rend du sens au ventre. On feulerait presque en attendant la mort – mais d’aise.. C’est jusque dans le nom de son village d’origine que Lionel-Edouard Martin insiste sur son attachement à la mère : Dans la famille, c’est « Montmo », qu’on les appelle, ces lieux, le gros village poitevin, comme une « maman » prononcé bouche à peine ouverte.
La mère c’est également la nostalgie du bonheur perdu que l’on retrouve dans la passion de l’auteur pour Francis Jammes, le poète d’une ruralité aujourd’hui disparue ce monde où nous vivions et qui s’achevait pour revêtir de nouvelles apparences et de nouvelles « façons ».
Pour Lionel-Edouard Martin l’écriture est un pont entre les vivants et les morts, ainsi qu’il l’écrit : Je crois que j’aimerais voir passer, furtivement, dans l’espace clos de l’ancien bureau sombre, un de ces longs chats, très lents, dont le dos requiert une caressante main d’homme pour se voûter en pont – reliant, entre deux rives, les vivants et les morts.. Il y a dans ce récit la volonté de garder présents non seulement les morts mais le monde dans lequel ils vivaient et non pas simplement pour porter témoignage mais également par une sorte de grande nostalgie teintée d’humour. Bien sûr la maison sera vendue, le deuil en quelque sorte en sera fait, mais restera ce livre pour se souvenir d’une époque que l’on regrette, dont on ne veut pas se défaire. Le livre ne commençait-il pas par L’époque(on préfère de nos jours la chimie au sacrifice) est révolue, où l’on épandait au pied des hortensias du sang de bœuf, pour le violet des fleurs […]
Ce récit c’est bien sûr le récit d’un deuil mais peut-être aussi comme on l’a déjà dit celui d’une renaissance, disparaît avec cette maison toute une époque mais aussi le personnage étrange de l’agent immobilier Bordenave. Un naïf, un homme passionné par la mer et ses coquillages, comme si l’auteur nous disait, aujourd’hui, avec cette mort je suis repu de la mère, je peux enfin passer à autre chose.
On relira avec attention ce que dit Lionel-Edouard Martin dans « Le magazine des livres » à propos du drame d’Haïti tel qu’il l’a vécu et tel qu’il le décrit dans Le Tremblement il y est question d’un homme que la mort a mûri, un homme à qui la mort est venu répéter le peu de chose qu’il est et sa capacité d’aimer. On y entend le Tu es poussière du discours chrétien et peut-être aussi une vision un peu moins romantique de la mort. L’auteur y rappelle son attachement à l’humanisme et son sentiment que l’homme dans ces situations extrêmes sait faire preuve de solidarité. Comme si cette fois la mort avait révélé son vrai visage, loin de cette image de l’homme sur les genoux – entre les cuisses – de la femme, tel ce père que la femme du narrateur garde dans son giron (terme que l’auteur regrette de voir disparaître mais qui cache sans doute une vérité autrement plus insoutenable) : Dans ton giron ton enfant de poussière, ton père, réduit à quelques cendres.. On lit dans cette scène une sorte de fascination qui est sans doute le vrai sujet de ce livre bien avant que les épreuves ne fasse écrire à l’auteur : l’homme mûr que, désormais, définitivement je suis, sans espoir de retour
[1].
[1] dans Le Tremblement
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